Autres chroniques d'Hubert
d'Hondt
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De nombreuses organisations ont dépensé
des sommes importantes à mettre en place des systèmes logistiques
à base de progiciels de gestion intégrés et d'optimisation
(ERPs, APS) pour réduire les stocks et les délais sans atteindre
les objectifs visés et donc sans obtenir le retour sur investissement escompté.
Cet article récapitule les principaux retours d'expérience, raisons
d'échec et " bonnes pratiques ".
1.
Le "dogme" ERP stipule que l'entreprise doit se conformer aux "bonnes
pratiques" du progiciel. Ce qui est pertinent pour les processus transactionnels
l'est moins pour les processus de planification. Ceux-ci, en effet, sont plus
difficilement "standardisables", car leur raison d'être est de
concilier des contraintes marchés avec des contraintes industrielles propres
à chaque entreprise.
2. Les algorithmes d'optimisation sont trop complexes et ne sont pas compris
par les planificateurs, générant ainsi des syndromes de "boîte
noire " : prise en compte partielle des recommandations de l'outil ou application
systématique sans analyse de la cohérence. D'où risques de
non-utilisation ou d'utilisation malencontreuse.
3. La mise en uvre d'un tel algorithme nécessite en amont
d'avoir su identifier les contraintes critiques à résoudre et d'avoir
su les modéliser. Souvent une prise en compte de l'ensemble des contraintes
potentielles s'avère impossible. Plus souvent encore, une fois le travail
de modélisation fait, on constate que l'algorithme de calcul de besoin
suffit.
4. Les paramètres de réapprovisionnement ne sont pas corrects,
charger des paramètres faux dans le nouveau système n'apporte aucun
bénéfice. Ou alors encore, les paramètres ne sont plus corrects
car, par exemple, ils n'ont pas la même signification dans l'ancien et le
nouveau système. A contrario, optimiser/mettre à jour les paramètres
de réapprovisionnement dans le système actuel est un gain immédiat.
5. Les prévisions resteront malheureusement toujours, par définition
d'ailleurs, fausses. Remplir des tableaux de prévision, optimiser le workflow
d'approbation des prévisions n'est pas l'essentiel. Ce qui importe, c'est
le processus collectif d'apprentissage de construction des prévisions,
l'identification et la capture des informations susceptibles de modifier les prévisions,
l'analyse ex-post de la fiabilité des prévisions, la recherche des
causes profondes des écarts
6. Les progiciels modernes permettent de mettre à jour en temps
réel les prévisions. Ce qui conduit en fait à propager de
l'instabilité. C'est ce qu'on appelle l'effet "coup de fouet".
Il est dans certain cas préférable de geler les prévisions
sur un horizon. Dans le cas de prévisions fournies par un client, l'analyse
de l'évolution des prévisions successives de semaine en semaine
permet également de détecter des erreurs et de construire une prévision
plus réaliste, au lieu d'injecter dans son système la dernière
version de la prévision fournie par le client.
7. Les progiciels modernes sont des outils puissants qui poussent à
travailler au niveau le plus détaillé en vertu du principe de "qui
peut le plus, peut le moins" et que l'on peut toujours consolider l'information.
Des coefficients d'agrégation/désagrégation mal maîtrisés
peuvent conduire à des erreurs importantes, en particulier si les familles
ne sont pas homogènes. Dans la mesure où "l'erreur d'une somme
est toujours inférieure à la somme des erreurs", il faut limiter
l'élaboration de la prévision au juste niveau nécessaire
et ne pas vouloir planifier à la référence sur 52 semaines.
8. Les stratégies de prévision sont souvent indifférenciées
ou fondées uniquement sur la valeur du composant. Il est important de mettre
en place une gestion différenciée des composants selon qu'une étude
d'ingénierie est ou non requise, que les composants sont ou non achetés
sur projet, qu'il existe ou non une nomenclature détaillée ou générique,
qu'il soit ou non possible de faire de la réservation capacitaire.
9. Une bonne prévision ne suffit pas pour obtenir le résultat
de réduction de stock et de délai, il faut également assurer
la synchronisation des activités de la chaîne logistique par des
fonctions de "track & trace".
10. Les nouveaux processus mis en uvre à l'occasion du projet
passeront par une phase de "rodage" de moindre efficacité qu'il
est possible de limiter par une "pré-conduite du changement"
afin d'accélérer la pleine obtention des bénéfices
du nouveau système. De la même façon qu'aujourd'hui, plus
personne n'accepterait de passer par 10.000 kilomètres de rodage pour tirer
la pleine puissance d'une voiture neuve, nous recommandons d'anticiper le rodage
des processus. Il ne s'agit pas d'un travail d'accompagnement du changement classique
au titre du projet qui viserait à surmonter les résistances à
l'outil. Il s'agit plus d'une ingénierie fine des procédures en
préalable au déploiement du système d'information.
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