EMPLOI 
 
Claudie Buisson et Yves Nonat
Directrice général et directeur informatique
Agefiph
Claudie Buisson et Yves Nonat
"Un chef d'entreprise peut se doter d'une longueur d'avance en recrutant une personne handicapée"
L'Agefiph est l'organisme chargé du fond d'insertion professionnelle des personnes handicapées.
08/09/2006
 
  Enquête

Informatique et handicap

 Analyse
 Claudie Buisson (Agefiph)
 Nadia Tahir (Cimis)
 Obligations légales
JDN Solutions. Quel est le rôle de l'Agefiph ?
Claudie Buisson. La loi oblige les employeurs à avoir 6% de personnes handicapées dès qu'ils dépassent plus de 20 salariés. A partir de là, les entreprises ont plusieurs possibilités : embaucher des personnes handicapées, recourir à des sous-traitants comme les centres d'aides au travail ou des entreprises adaptées, ou bien payer à un fond d'insertion professionnelle des personnes handicapées une contribution.

Aujourd'hui l'Agefiph (www.agefiph.fr) reçoit de 400 à 420 millions d'euros par an, des fonds entièrement redistribués pour les personnes handicapées soit sous la forme d'une formation, d'un financement de tutorat, d'aides aux entreprises pour aménager le lieu de travail ou sensibiliser les salariés.

Yves Nonat. Nous avons développé une borne interactive disponible dans les lieux publics qui vise à baisser la fracture numérique et à permettre à tous d'accéder à la connaissance via le canal Internet. Son utilisation s'effectue en position assise, dans un dossier prévu pour les personnes dotées d'un handicap moteur, d'une déficience auditive ou visuelle. L'interface utilise le langage des signes au besoin, et la navigation sur les sites s'effectue via un système de lecture des pages.

Quel va être le taux d'indemnisation que l'Agefiph fournit à un employeur souhaitant s'équiper ?
Claudie Buisson. C'est variable selon le type d'aide dont l'entreprise a besoin, et le caractère courant ou non de l'aide. Si la personne est malentendante ou sourde, elle aura besoin d'un appareil auditif. L'Agefiph intervient alors en complément de la sécurité sociale. C'est un dossier qui se dresse relativement vite et peut prendre seulement 10 jours.

En revanche, si la personne handicapée est non voyante, s'il faut adapter les portes, revoir le bureau, la demande risque d'être plus longue. Dans les cas les plus complexes, le délai pour être remboursé pourra prendre 3 à 4 mois. Nous regardons le besoin exact de la personne et de l'entreprise avant de fixer le montant de la subvention. Bien sur, ces fonds ne sont pas limités aux entreprises de plus de 20 salariés. De même, les entreprises n'ayant pas franchi le cap des 6% de personnes handicapées pourront tout de même recevoir les indemnités.

L'outil informatique est en général une aide pour l'ensemble des déficiences"
L'informatique vous semble-t-elle être un secteur en avance ou en retard en matière d'insertion professionnelle des personnes handicapées ?
Claudie Buisson. C'est un secteur qui ne sollicite pas abusivement le corps, contrairement à un travail sur une chaîne de montage par exemple. Comme l'ensemble des métiers des services, l'informatique pourrait recruter beaucoup de personnes handicapées.

Yves Nonat. Néanmoins, j'émettrais un léger bémol sur ces capacités d'insertion. L'informatique demande des compétences un peu particulières en matière de communication, et de compétences techniques. Or, il se trouve qu'il existe un décalage entre les exigences du secteur et le niveau de formation d'une personne handicapée. Aujourd'hui, le secteur recrute souvent à bac+5 ou bac+2, alors que le niveau de formation d'une personne handicapée est massivement de niveau bac et en dessous.

Est-ce que l'outil informatique est correctement adapté aux personnes handicapées ?
Claudie Buisson. L'outil informatique est en général une aide pour l'ensemble des déficiences, c'est une évidence. La plupart des outils informatiques viennent des Etats-Unis où les législations sont très strictes, notamment en matière de gestion des caractères. L'outil informatique vient aussi en renforcement d'un manque de capacités sensorielles.

Yves Nonat. La technologie a ouvert des opportunités qu'il n'y avait pas 20 ans plus tôt, je pense notamment au télétravail pour les personnes qui ont des problèmes de mobilité. Pour l'enseignement à distance, l'informatique est un outil mobilisable. Nous avons des expériences de ce type avec l'Agence Nationale pour la Formation des Adultes, l'ANFA.

Le télétravail ne risque-t-il pas d'isoler la personne handicapée ?
Claudie Buisson. Si, c'est une des raisons pour lesquelles nous-même, comme d'autres intervenants dans le secteur, sommes prudents quant au télétravail. Une personne handicapée salariée cherche surtout à être comme les autres et à s'insérer dans une collectivité. Il y a des cas cependant dans lesquels la fatigue est telle que s'il est possible d'éviter les déplacements de la personne 2 à 3 fois par semaine, il vaut mieux le faire.

Les logiciels de lecture vocale ou de braille sont très dépendants de l'interface homme-machine"
Y a-t-il des domaines dans lesquels le secteur des nouvelles technologies doit progresser pour mieux prendre en compte les personnes handicapées salariées ?
Yves Nonat. Une des principales difficultés posées par la technologie vient de la grande variabilité des logiciels. Si un produit change tous les 6 mois, la personne va devoir courir tout le temps après la technologie.

Si le monde de l'informatique voulait bien prendre en amont l'accessibilité aux différents handicaps, ce serait un réel soulagement, car c'est ensuite très compliqué de le faire en aval. Cette réflexion est particulièrement vraie pour les adaptations des logiciels destinées aux non-voyants. Les logiciels de lecture vocale ou de braille sont très dépendants de l'interface homme-machine.

Pour les sites Web, il appartient au concepteur de rendre son site accessible. Il y a tout un ensemble de normes pour lui faciliter la tâche. La gestion des contrastes, la taille des caractères, la compréhension des images : ces mesures doivent faire en sorte que le texte puisse être lu par un automate et retranscrit en braille si nécessaire.

Comment résoudre les difficultés de recrutement constatées dans le secteur actuellement ?
Claudie Buisson. Les difficultés d'accès à l'emploi sont liés à deux choses : la méconnaissance des employeurs vis-à-vis du handicap et le décalage entre les attentes des employeurs et le niveau de formation des salariés. Concernant le premier point, il faut savoir que les personnes handicapées sont souvent stéréotypées. Les patrons ne voient que le handicap moteur bien souvent alors qu'il existe un grand nombre de handicap et que sur un même handicap il n'est déjà pas possible de comparer une personne à une autre.

Sur le problème d'image, je conseillerais au salarié de ne pas dire sur son CV qu'il a un handicap et dès l'entretien, d'expliquer à son futur employeur comment il peut le compenser. Il ne faut pas oublier qu'un grand nombre de handicaps n'ont pas besoin de compensation spécifique. Enfin, une personne qui a des problèmes de mobilité est souvent aussi performante, voire même plus qu'une autre car elle est motivée pour prouver sa valeur. Le deuxième problème est lié au contexte français.

Souvent les recrutements s'effectuent à bac+2 et au-delà alors que la population handicapée est présente dans les couches sociales à faible niveau de qualification. Nous avons donc mis en place des formations amenant la personne au niveau requis pour l'emploi. Nous finançons des formations en alternance et si le secteur souhaite passer un engagement et signer une politique de développement de l'emploi des personnes handicapées avec l'Agefiph, cela peut se faire.

Un grand nombre de personnes handicapées qui lancent leur entreprise choisissent d'ailleurs le secteur des services informatique"
Comment expliquez-vous ce décalage de formation des personnes handicapées ?
Claudie Buisson. Il est lié à 2 phénomènes : l'école n'est pas ouverte largement aux jeunes ayant un handicap, il est difficile de poursuivre une scolarité normale. La situation pourrait changer à l'avenir si la loi oblige les écoles à accueillir tous les jeunes handicapés. Le deuxième élément est lié aux risques professionnels et à l'âge. Il est plus courant d'obtenir un handicap dans des métiers à faible niveau de formation comme le bâtiment, qu'en étant cadre. Il faut ajouter à cela l'usure professionnelle, les maladies ou les accidents de la route.

Qu'en est-il de la création d'entreprise en tant que personne handicapée ?
Claudie Buisson. C'est une option possible. Nous avons d'ailleurs aidé 20 000 créations d'entreprise depuis que l'Agefiph existe. Il faut savoir que le taux de pérennité de ces entreprises est en moyenne de 10 points supérieur à celles créées par des personnes valides. Un grand nombre de personnes handicapées qui lancent leur entreprise choisissent d'ailleurs le secteur des services informatique.

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 Claudie Buisson (Agefiph)
 Nadia Tahir (Cimis)
 Obligations légales
Qu'ajouteriez-vous pour les entreprises du secteur informatique qui hésitent à franchir le pas ?
Claudie Buisson. Il suffit de prendre son téléphone et de nous appeler. Nous lui fournirons un certain nombre de conseils et de moyens financiers pour l'aider à développer cette politique. Nous pouvons l'aider sur tous les domaines : faire un diagnostic, signer un accord d'entreprise ou un accord de branche, notamment sur les questions d'alternance.

Les personnes handicapées ne demandent pas la charité, elles veulent juste un emploi. Dans un secteur qui est en difficulté de recrutement, un chef d'entreprise peut se doter d'une longueur d'avance et avoir une démarche intelligente de gestion des ressources humaines. Embaucher une personne handicapée, c'est prendre une bonne décision économique.

 
Propos recueillis par Yves DROTHIER, JDN Solutions

PARCOURS
 
 
Claudie Buisson, est directrice générale de l'Agefiph, organisme qui gère le fond d'insertion professionnelle pour les personnes handicapées. Yves Nonat est directeur des systèmes d'information de l'Agefiph et lui-même handicapé.

   
 
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