Ce que le Big Data peut apporter à la gestion des ressources humaines

Ce que le Big Data peut apporter à la gestion des ressources humaines Les premières expériences montrent que le Big Data peut aider, parfois de manière inattendue, la gestion ou le recrutement des talents. Les DRH commencent à explorer, et à être séduits.

L'utilisation du Big Data, ou du machine learning, est désormais assez bien connue dans des secteurs comme celui des banques, de la santé, du marketing ou de certaines industries. Mais pas vraiment dans la gestion des ressources humaines. Pourtant, cette science de la donnée est en train de convaincre ce domaine, et peut se révéler utile au recrutement comme à la rétention des collaborateurs. "C'est l'une des nouvelles tendances que je perçois en matière de Big Data", a confirmé au JDN Jérémy Harroch, organisateur du salon datajob, un événement spécialisé dans ces nouveaux métiers nés avec l'émergence du phénomène Big Data.

"Le secteur RH est en train de vivre un changement comparable à celui qu'a connu le marketing il y a quelques années. Au début, le marketing s'appuyait principalement sur des créatifs, mais assez peu sur des données. Mais peu à peu, notamment grâce à toutes les données générées sur Internet, cela a changé : tout se mesure mieux, et les données ont pris une importance considérable en marketing. Les RH sont en train de vivre exactement le même changement", pense Jean-Paul Isson, spécialiste Big Data chez Monster, et travaillant justement sur un ouvrage présentant le potentiel du Big Data en matière de gestion des ressources humaines.

Jean-Paul Isson est vice-président Intelligence d'Affaire et Analyses Predictives chez Monster. © J.-P.I.

Exemples réels et premières expériences

Ce spécialiste peut citer plusieurs exemples réels et concrets de ce que peut apporter le Big Data aux recruteurs et aux DRH. Dans le cadre d'une mission qu'il a réalisée pour Rent A Car, il a par exemple pu aider cette entreprise spécialisée dans la location de voitures à trouver le lieu idéal pour ouvrir une nouvelle agence. L'idée était de trouver un lieu où l'entreprise puisse recruter facilement les personnes les plus compétentes et les plus fidèles possible. "Il fallait regarder et croiser de très nombreuses données, sur les chercheurs d'emploi locaux, ou sur la compétition locale, entre beaucoup d'autres. Bon nombre d'entre elles sont d'ailleurs publiques, et issues de l'Open Data", détaille Jean-Paul Isson.

Aider à l'acquisition de talents

Le Big Data peut aussi aider à l'acquisition de talents en proposant au recruteur de rencontrer une liste de candidats déjà triés, élaborée par un système prédictif et non par une analyse et une déduction humaine. "Une mention 'faible', 'moyen' ou 'fort' accompagne un profil pour qualifier son intérêt et son adéquation pour le poste", raconte le spécialiste de Monster. Là encore, de nombreux critères sont étudiés, et vont peser dans le tri : le lieu d'habitation et le temps pour venir font par exemple partie des éléments que le système prend en compte.

De telles utilisations du Big Data ont par exemple permis de se rendre compte que certaines variables étonnantes pouvaient être importantes. Par exemple, raconte Jean-Paul Isson, "pour un poste de service clientèle, le nombre de réseaux sociaux utilisés s'est avéré plus important, d'après l'algorithme, que l'expérience. Certaines conclusions sont contre-intuitives". Chez Microsoft, il a aussi pu recueillir un témoignage qui va dans le même sens. Redmond a aussi pu mettre en place des systèmes de machine learning pour optimiser ses recrutements, et les RH ont pu se rendre compte que le système ne retenait pas toujours les profils issus des formations phare outre-Atlantique comme Harvard, Yale ou Stanford. Un peu comme si, en France, le système concluait qu'il valait mieux recruter quelqu'un issu de la fac plutôt que d'une grande école.

"Le CV va devenir secondaire"

Retenir ses meilleurs salariés

Un autre aspect sur lequel le Big Data peut aider la gestion des ressources humaines concerne la rétention des employés. Un point particulièrement important pour certains salariés : ceux qui figurent parmi les 20% meilleurs, et dont le départ peut coûter jusqu'à 5 ou 6 fois leur salaire. Le Big Data peut permettre d'éviter d'être surpris par le départ de tels employés. La conjonction de certains signaux, s'ils sont bien collectés et analysés, et correctement corrélés, pourra alerter sur un risque de départ.

"Il ne s'agit pas seulement d'un profil Linkedin, qui vient d'être changé ou enrichi. Bien d'autres variables sont pris en compte", précise l'expert de Monster. Là aussi, des données publiques, issues de l'Open Data peuvent être exploitées par les DRH : la performance de l'entreprise, de ses concurrents, la baisse du taux de chômage sur un secteur, une fusion, la croissance d'une industrie... Tout cela vient nourrir le modèle qui pourra prédire l'éventuel départ d'un collaborateur. Ces modèles spécialisés, qui ont pour but de faire baisser le churn, sont déjà très prisés dans d'autres secteurs, comme les télécoms - les opérateurs voulant conserver leurs abonnés et savoir si certains présentent le risque de les quitter.

La mine d'or du Big Data, et de l'Open Data

Jean-Paul Isson en est convaincu, "le Big Data, et l'Open Data sont une mine d'or pour les modèles prédictifs et la gestion des talents. Avant, les DRH et les recruteurs avaient peu d'informations. Mais désormais, il est possible de regarder et d'étudier beaucoup plus de données. Et, au final, je pense qu'avec le Big data, le CV va devenir secondaire dans les recrutements. Il y a tellement d'informations publiques disponibles utiles ! Et la qualité de ces données est bien meilleure que celles que les DRH ont actuellement en leur possession, et qui les guident dans leur choix aujourd'hui".