Emmanuel Mouquet (Dell) "8 des 10 plus grands clouds mondiaux sont équipés de nos serveurs"

Nommé en février, le nouveau directeur général de Dell France nous a accordé une interview. Il fait le point sur la stratégie du constructeur dans l'Hexagone, qui s'oriente vers l'accompagnement des grands projets de cloud.

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Emmanuel Mouquet a été nommé vice-président et directeur général de Dell France en février 2013. © Dell

JDN. Dell se comporte très bien sur le marché des serveurs d'après le Gartner. Quels sont les projets de vos clients qui poussent cette activité ?

Emmanuel Mouquet. D'après les derniers chiffres du Gartner en effet, le marché des serveurs se replie de 5% en valeur. Et alors qu'IBM et HP dévissent de 13% et 14%, nous progressons de notre côté de plus de 14%. Nous sommes aussi les seuls à progresser parmi les cinq premiers. En unités vendues, nous nous rapprochons de plus en plus de HP en tête du classement. Cette bonne santé provient de notre orientation vers les architectures x86 qui s'imposent comme un standard dans les datacenters. Ce n'est pas le cas des serveurs propriétaires ou Unix qui représentent une part non-négligeabble des activités d'IBM et de HP.

Votre offre de serveur est-elle aussi bien adaptée à des clouds publics que privés ?

Historiquement, nous avons commencé il y a 3-4 ans par chercher à répondre aux besoins des clouds publics. Nos serveurs sont présents aujourd'hui dans 8 des 10 plus importantes infrastructures de datacenter mondiales. C'est le cas de Microsoft Azure qui repose presque à 100% sur des serveurs Dell. Facebook a aussi fait le choix de nos technologies pour ses datacenters. Finalement, Google qui construit ses propres serveurs, fait partie des rares exceptions. 

Via notre offre de serveurs PowerEdge C, nous faisons maintenant profiter les entreprises, qui souhaitent monter des clouds privés, de ces technologies que nous avons conçues initialement pour les clouds publics. C'est aussi le cas pour beaucoup d'autres composantes du datacenter : le réseau, avec nos solutions de virtualisation Software-Defined Networking, le stockage, avec nos solutions de fluid data, ou encore l'administration, avec des outils de provisioning. Tout comme la sécurité, à la fois pour la gestion des politiques d'accès aux datacenters, et pour la protection des actifs informatiques - via nos services managés SecureWorks.

Nous ciblons donc, à tous ces niveaux, aussi bien les grands opérateurs de cloud et fournisseurs de services managés, que les DSI qui souhaitent se doter de datacenters internes de nouvelle génération.

"Le maître mot chez Dell : investissement en R&D"

L'opération en cours visant à faire sortir Dell de la Bourse a pour objectif de vous permettre de mieux maîtriser ce virage stratégique vers le cloud...

C'est exactement l'objectif que s'est fixé Michael Dell : reprendre la main pour accélérer la transformation du groupe dans l'optique de mieux accompagner les entreprises dans leur transformation numérique. Notre point fort est d'avoir une vision de bout en bout de cette transformation, des terminaux, notamment mobiles, au cloud en passant par le réseau.

Cette stratégie implique notamment un fort investissement en R&D. Notez que nous sommes déjà focalisés sur cet aspect. En 2012, nous avons consacré 1,2 milliard de dollars à la R&D. C'est d'ailleurs ce qui explique notre baisse de profitabilité sur cette période. Nous avons d'ailleurs pour politique de renforcer la R&D de chaque activité que nous achetons. Cela a été le cas pour SecureWorks, Compellent, Equallogic, mais aussi pour l'offre de VPN et de pare-feu de SonicWall qui permet de prioriser les flux en fonction de la criticité des applications.

Mais, cette évolution de stratégie implique aussi de d'accroître notre couverture client. En France, nous sommes en train de recruter 100 nouveaux commerciaux et consultants avant-vente dans cette optique. Globalement, cette décision de Michael Dell de reprendre le contrôle est bien perçu par nos clients et partenaires français, dans un pays où l'on peut souvent se méfier des marchés financiers.

Confirmez-vous l'arrêt de votre offre de cloud public ?

Je confirme cette information. Dell a effectivement lancé aux Etats-Unis une offre de cloud computing public autour d'un IaaS dans nos propres datacenters. Nous nous sommes rendu compte que cette offre n'était pas adaptée. Le marché couvre en effet déjà très bien ce type de besoin. En Europe, nous avons choisi de construire un datacenter avec notre partenaire Quadria plutôt destiné à accompagner nos clients vers la mise en œuvre de clouds privés. Nous proposons dans le cadre de cette offre une palette de prestations visant à accompagner la migration des systèmes d'information vers des clouds privés, dans une logique d'informatique à la demande. En France, LeGuide.com en a notamment profité.

"Windows 8 est un produit jeune à qui il faut donner le temps de faire ses preuves"

Mais nous sommes néanmoins capables d'intégrer la notion de cloud public dans ces projets. Nous proposons en effet une solution, baptisée Boomi, conçue pour faciliter l'intégration d'applications qu'elles soient basées sur des clouds privés ou des plates-formes publiques comme Salesforce ou Amazon. 

Quel bilan faites-vous de Windows 8, plus de 6 mois après son lancement ?

C'est une opportunité pour nos clients de bondir sur la mobilité. Windows 8 offre en effet la capacité d'accéder aux applications et données de l'entreprise depuis n'importe quel terminal, poste de travail, tablette, netbook, convertible, smartphone... Pour la première, nous disposons d'un OS qui gère la continuité applicative et les politiques de sécurité de bout en bout. Windows 8 est un bon système, même si le produit est encore jeune. Mais ce qui évolue le plus avec cet OS, c'est surtout l'association de Windows avec le tactile. Or, les applications et systèmes existants ne sont pas tous conçus pour le tactile. C'est ce qui pose le plus de problème aux DSI, et ce qui freine l'adoption en entreprise.

Pour tirer pleinement parti de Windows 8, et donc justifier les chantiers de migration, il va falloir que les éditeurs fassent évoluer leurs offres vers le tactile, et que les DSI réécrivent les interfaces graphiques des applications spécifiques, en mode touch. C'est un travail que Microsoft a réalisé sur ses applications, notamment Office. Mais pour que l'ensemble de l'écosystème évolue, il faudra entre 9 et 18 mois. Pour accompagner ces projets de migration d'applications, nous avons mis en place une offre avec une usine de réécriture de code en Inde. 

Êtes-vous positionné sur le BYOD ?

Nous cherchons à sensibiliser les entreprises à l'ensemble des questions sous-jacentes à un chantier de mobilité ou de BYOD. A la différence des postes de travail, qui s'orienteront de plus en plus vers la production de données nécessitant de fortes puissances de calcul, les terminaux mobiles demeureront cantonnés à la consultation ou de la saisie simple.

Pour ces nouveaux parcs mobiles, il est recommandé de revoir ses architectures réseau, mais aussi système. Cela nécessite souvent en effet de transformer les architectures pour s'adapter à ce nouveau type d'accès, en créant par exemple des zones réseau et de datacenter isolées du reste, pour mieux gérer les risques de sécurité. Ce qui permettra aussi de laisser l'utilisateur plus libre de choisir son terminal.

Biographie professionnelle : Emmanuel Mouquet a été nommé vice-président et directeur général de Dell France en février 2013. La filiale compte environ 1 500 salariés. Il succède à Thierry Petit qui a pris la direction des comptes globaux pour Dell en Europe du Sud. Emmanuel Mouquet a 25 ans d'expérience dans l'industrie IT dans le domaine de la finance, des ventes, du marketing et du management. Chez Dell depuis 13 ans, il a occupé différents postes stratégiques en France, en Europe et en Asie. Avant sa nomination, Emmanuel Mouquet était vice-président pour les activités partenaires de Dell dans la zone EMEA.