Patrick Dumoulin (Great Place To Work) "Dans l'informatique, attirer et conserver les cerveaux est stratégique"

Pourquoi et comment les entreprises du secteur IT, françaises ou américaines, brillent dans les palmarès de l'Institut Great Place to Work ? Réponses avec son directeur général France.

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Patrick Dumoulin, directeur général de l'Institut Great Place to Work France. © GPTW

JDN. L'Institut Great Place To Work classe les entreprises où il fait bon vivre. Comment expliquez-vous que celles du secteur informatique soient toujours si nombreuses au sein de vos palmarès ?

Patrick Dumoulin. Cela n'explique pas tout, mais c'est révélateur : Bill Gates avait voulu, dès le départ, que Microsoft soit une entreprise où il était particulièrement agréable de travailler. Il avait cette idée, forte, car il pensait bien que cela allait lui permettre d'attirer, puis de conserver, les talents. Il y a eu ensuite sans doute un petit effet de mimétisme, qui peut aussi s'expliquer par certaines particularités de ce secteur.

L'informatique est en effet un domaine où les concurrents se font la guerre pour attirer les cerveaux : nous le voyons bien, car nous travaillons en France avec des sociétés concurrentes comme NetApp, Hitachi ou EMC, entre autres [NDLR trois entreprises spécialisées dans le stockage, et qui ont toutes brillé au sein du palmarès Great Place To Work français].

En France, leurs dirigeants le savent bien, et n'hésitent pas à le dire : bénéficier de cette réputation d'entreprise où il fait bon travailler les aide à attirer les talents. C'est très important pour eux. Nous les aidons donc dans cette voie, au travers des classements que nous réalisons, mais aussi des conseils que nous pouvons leur apporter.

Certaines entreprises ont désormais ancré dans leurs gênes cette envie d'être une entreprise où il fait bon travailler. Cela peut d'ailleurs bien se voir au travers des réponses que nous recueillons dans le questionnaire qui nous sert, en partie, à bâtir nos palmarès. Ainsi, par exemple, 91% des salariés de Microsoft France disent "être fiers de déclarer à d'autres" qu'ils travaillent pour cette entreprise. 78% des employés de NetApp ou de SAS expriment aussi leur volonté de "travailler longtemps" pour leur actuel employeur. C'est aussi le cas des trois quarts des salariés chez EMC France.
 

"Les grandes SSII françaises savent aujourd'hui qu'elles doivent mieux garder leurs talents."

Dans les palmarès français, il y a beaucoup de filiales de groupes informatiques américains. Les entreprises françaises ont plus de mal à percer dans vos classements ? Et où sont les grandes SSII françaises, comme Atos et Capgemini ?

Sur les 65 entreprises récompensées dans notre dernier palmarès français, 35 sont françaises. Et c'est aussi une entreprise française, malgré son nom, Davidson Consulting, qui domine le classement français cette année ! Elle propose d'ailleurs des services dans le domaine informatique...

Quant à Atos, l'entreprise a participé à nos classements nationaux en Europe, en Pologne notamment, et je sais que c'est une entreprise qui est désormais concentrée sur le sujet. Les grandes SSII françaises savent aujourd'hui qu'elles doivent mieux garder leurs talents. La prise de conscience est nette. C'est désormais un vrai sujet de réflexion pour ces entreprises.

Concernant les grands noms américains de l'informatique, est-ce vraiment la même chose de travailler pour eux aux Etats-Unis ou en France ?

Il y a certes des différences, mais les filiales de ces multinationales partagent une même culture, forte, en général, et il n'y a donc au final pas tant d'écart culturel entre elles. Les salariés portent le même maillot ! Je m'en suis d'ailleurs bien rendu compte quand je travaillais pour L'Oréal, lorsque j'avais des réunions avec des collègues des quatre coins du monde. En plus, il n'est pas rare qu'un employé, voire un dirigeant, passe du siège à une filiale, ou l'inverse. C'est par exemple arrivé avec Jean-Philippe Courtois, président de Microsoft International, qui aura travaillé pour l'éditeur en France mais aussi à Redmond, son siège mondial.

Parfois, certaines entreprises du secteur informatique procèdent à des vagues massives de licenciements, mais se hissent toujours en tête de vos classements. Comment expliquez-vous cela ?

Je ne sais pas si cela changerait grand-chose, mais je précise que nos palmarès n'interrogent que les salariés actuellement en poste, et je pense qu'ils auraient moins de sens autrement, car il est difficile de juger une entreprise que l'on a quittée il y a de cela des années...

Par ailleurs, le secteur informatique évolue parfois vite, et les ténors doivent souvent rapidement réajuster leur positionnement. Cette réactivité est sans doute l'une des clés de leur réussite. Ce que propose Microsoft aujourd'hui n'a d'ailleurs plus grand rapport avec ce que cette entreprise proposait à ses débuts... 

Enfin, ces périodes de départs peuvent aussi être bien traitées, avec humanité, avec des départs qui se font essentiellement sur la base du volontariat. Et dans ce secteur, contrairement à beaucoup d'autres, ceux qui s'en vont savent souvent qu'ils pourront assez vite retrouver du travail ailleurs.