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François Cail
Chercheur
INRS (Institut
National de Recherche et de Sécurité) |
| François
Cail "Les
troubles musculosquelettiques peuvent déboucher sur des pathologies"
Moins présentes que dans d'autres secteurs, les TMS informatiques n'en demeurent pas moins préoccupants. Liste des principaux facteurs de risques et conseils pour
mieux appréhender le travail sur écran.
16/06/2006 |
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JDN
Solutions. Constatez-vous une augmentation du nombre de maladies liées
à l'informatique ?
François Cail. Ce qui
est remarquable depuis quelques années, c'est que le nombre d'individus
se plaignant de douleurs au poignets est en constante augmentation. En France,
deux maladies professionnelles sur trois proviennent des troubles musculosquelettiques
(TMS).
Plusieurs facteurs environnementaux favorisent l'apparition des
TMS comme l'augmentation de la durée du travail quotidienne, le manque
de pauses journalières ainsi qu'un risque, moins souvent évoqué
mais tout aussi présent, celui du manque de formation à la frappe.
Pour autant, et sans en minimiser leur impact, les TMS rencontrées
dans le cadre d'un travail sur écran sont, en proportion avec d'autres
milieux, moins présentes. Dans un milieu industriel comme celui de la découpe
de viande, les maladies professionnelles liées au TMS ne sont pas comparables,
avec des niveaux de sollicitation beaucoup plus élevés.
Comment se manifestent les douleurs ?
Bien qu'elles ne soient pas les seules, les TMS font partie des principaux risques
liés à l'utilisation de l'ordinateur et peuvent déboucher
sur des pathologies. Les TMS se manifestent par des douleurs aux membres supérieurs,
et surtout au niveau du poignet, mais aussi du coude dans le cas justement d'un
travail sur écran. Les premières douleurs ressenties sont cependant
localisées au niveau du cou.
Les individus prennent souvent de
mauvaises positions, dont l'une est tout particulièrement à haut
risque : celle d'avoir le poignet sur la table sans support de son avant-bras.
Dans ce cas, le poignet se retrouve en tension dans une région appelée
le canal carpien, débouchant sur la pathologie du syndrome du canal carpien.
Pour
autant, les risques ne sont pas uniquement relatifs à une mauvaise utilisation
du clavier, mais également de la souris, surtout lorsque cette dernière
est trop éloignée. Le fait de la manipuler en sollicitant le coude
provoque, à terme, des douleurs au niveau des doigts. Enfin, une situation
de stress favorisera les douleurs "cou-épaules".
Quelles
autres maladies informatiques demeurent préoccupantes ?
La fatigue visuelle, elle, découlera de plusieurs facteurs comme un environnement
lumineux inadapté, qui se caractérise selon deux cas de figure :
d'une part, avec un écran situé face à une fenêtre
ou toute autre source de lumière, même artificielle, d'où
découlera un rapport trop grand de luminance, et, un autre cas, où
les reflets sur l'écran viendront altérer la vision. Les écrans
à cristaux liquides seront en outre à privilégier par rapport
aux tubes CRT.
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Aucune
pathologie visuelle n'a pour le moment été démontrée" |
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Dans tous les cas de figure, il est conseillé
d'opter pour un écran à fond clair, et d'utiliser des caractères
noirs, tout en veillant à ne pas s'en servir dans un espace dénué
de toute source d'éclairement.
Cependant, il n'a pas été
montré de véritable pathologie visuelle sur les risques de travail
sur écran dans la mesure où, par définition, la fatigue visuelle
se récupère. En revanche, les TMS peuvent, elles, déboucher
notamment sur le syndrome du canal carpien, véritable maladie professionnelle.
Quelles sont vos préconisations pour parer aux
maladies informatiques ?
Pendant de longues séances
de frappe au clavier, il est nécessaire d'alterner les phases avec appui
et sans appui sachant qu'il n'est pas recommandé de taper exclusivement
au clavier dans le vide ou de rester constamment appuyé sur ses avants
bras.
Du point de vue de la souris, l'individu doit conserver une certaine
distance d'éloignement et ajuster sa position par rapport à ses
éléments de bureaux que sont clavier, souris et écran. Ce
dernier ne doit par exemple pas être placé trop haut, mais bien face
au visage. Enfin, il faut privilégier les claviers dits éclatés,
dotés de repose paume.
Le travail intermittent doit donc être
privilégié dans la mesure où il est bien entendu possible,
ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas. Il est en effet recommandé
d'alterner le travail sur écran, et le travail sur de la documentation
papier. Tout comme il est aussi recommandé d'alterner les types de tâches
et d'observer un régime de pauses adapté, notamment dans le cas
d'un travail de saisie, particulièrement fatiguant.
Il est également
capital de bouger pendant ses pauses - ce que l'on appelle les pauses actives
- car il n'est pas sain de conserver la position du "conducteur automobile"
trop longtemps. Dans le cas où l'individu est contraint à rester
plus que de raison devant son écran, il doit, au minimum, adopter différentes
positions, et notamment, une, plus relâchée, et adopter différentes
postures pour éviter de trop s'engourdir. La vision est elle aussi concernée,
et il est recommandé d'alterner vision de loin et vision de près,
si la perspective autour de soit le permet.
Et
en terme de prévention ?
La prévention des TMS
doit être poursuivie et les pistes de travail à suivre porter sur
les bonnes dimensions à respecter et espace d'éloignement entre
le bras et les éléments du poste de travail comme la souris et le
clavier.
Les actions
de prévention de notre institut vont des conseils téléphoniques
à la médecine du travail, aux opérations de sensibilisation
des collaborateurs en entreprise par le biais de séminaires. des guides
sont également mis à la disposition de tous, notamment sur les risques
liés au travail sur écran.
Les entreprises doivent être
plus sensibilisées encore qu'elles ne le sont actuellement. Il existe par
ailleurs plusieurs réglementations, dont la directive européenne
de 1990, transcrite en droit français en mai 1991, imposant un certain
régime de pauses en fonction de son activité.
L'adoption
de la norme ISO 9241, assure de son côté un respect strict d'un nombre
de règles encore plus grandes sur l'environnement de travail, qui, outre
les conditions optimales d'affichage de poste et de distances avec des éléments
tels que clavier et souris préconisées, fait état par exemple
du degré d'inclinaison optimal du clavier.
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Propos recueillis par Dominique
FILIPPONE, JDN Solutions | |