Nous croyons à la convergence des modèles

Le modèle économique de l’open source a montré ses limites. Néammoins, son modèle communautaire invite à l'amélioration des méthodes de conception des logiciels.

La place des TIC dans le déroulement de la dernière campagne présidentielle, qui fut à bien des égards une "web campagne",  aura marqué les esprits. De façon un peu moins visible mais tout aussi inédite, le terme "logiciel" a fait son apparition pour la première fois dans les programmes des candidats à l'élection présidentielle. L'industrie du logiciel qui connaît des taux de croissance enviables (8%), consacre le tiers de ses investissement à la R&D, et contribue à faire progresser la France vers "l'économie de l'immatériel", aurait du donc être satisfaite que son rôle de moteur dans l'innovation et la croissance soit enfin souligné. Mais c'eut été faire mauvaise lecture des propositions de nos candidats...
Car il était en fait alors uniquement question de logiciel libre ! Porté par l'illusion de la gratuité et d'une exception française de l'informatique, l'open source a pris place. Certes davantage dans les esprits que sur le marché qui reste encore sceptique : 15 ans après l'apparition de Linux, le marché du libre ne pèse en France que 450 M€, soit à peine la moitié du premier éditeur français ! Et les leaders du logiciel open source restent de grands acteurs américains dont le modèle est celui des sociétés de service.

L'open source peut évidemment constituer une opportunité pour de petits éditeurs qui cherchent à pénétrer un marché, par la mise à disposition gratuitement de briques technologiques qui permettent également une diffusion plus rapide du produit. Ceci étant, le cadre juridique de l'utilisation de ces briques contraint généralement ces éditeurs, soit à "rendre" à la communauté les innovations qu'ils ont réalisées, soit à bâtir des architectures de logiciels qui rendent "étanches" les briques open source par rapport aux  fonctionnalités qu'ils développent et qui font partie de leur patrimoine immatériel.

En outre, en imposant un modèle économique qui repose sur le service, l'open source ne permet pas de financer les lourds investissements en R&D et la capacité d'innovation de la société repose alors entièrement sur la possibilité de séduire une communauté. Le développement va ensuite imposer la création d'un écosystème de partenaires et donc une plus grande dilution de la valeur. Ce qui rend les projets souvent moins attractifs.

Enfin, la R&D est quasi exclusivement externalisée et délocalisée dans ce modèle alors que les ambitions françaises et européennes dans le cadre de la stratégie européenne de Lisbonne sont précisément le maintien de la R&D en France et en Europe. Or, ce sont sans doute les pays dits "émergents" (Chine, Inde, ...) qui profiteront à terme le plus de l'open source ! On peut donc estimer en réalité qu'au-delà de quelques réussites individuelles, ce sont les grandes SSII et non l'industrie du logiciel, qui tireront leur "marron du feu". C'est déjà le cas aux Etats-Unis.

Le modèle économique de l'open source repose en effet trop souvent, voire quasi exclusivement en France, sur le service, sur le modèle des SSII.  L'édition de logiciels est une industrie lourde et il n'est pas possible de financer les investissements importants en R&D par des revenus de "services". Par ailleurs du point de vue de l'utilisateur, alors que les dirigeants d'entreprises ont mis des années pour sortir de la contrainte du "tout spécifique" et trouver un bon équilibre entre "fonctionnalités standard" et "fonctionnalités spécifiques", le modèle open source ramène le curseur vers le développement spécifique  avec tout ce que cela implique !

En conclusion, nous pensons que l'open source en tant que tel n'est ni une alternative ni une chance du point de vue de l'éditeur de logiciel et de l'industrie du logiciel, mais qu'il participe en revanche d'une évolution globale qui nous invite positivement à repenser nos propres façons de
concevoir nos logiciels (modèle communautaire) et à faire évoluer nos modèles économiques pour davantage nous rapprocher des besoins de nos clients. Nous croyons donc beaucoup plus à une convergence positive des modèles.