INTERVIEW
 
16/04/2007

Régis Granarolo (Munci) : "Le premier problème à résoudre est celui des seniors"

Après le point de vue des investisseurs et des patrons, l'association de salariés des TIC livre ses attentes et ses propositions pour les candidats à l'élection présidentielle. Formation et emploi sont au programme.
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Vous avez rédigé un "document de position" à destination des candidats à l'élection présidentielle. Quel est le but de cette démarche ?

 
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Ce corpus s'intitule : "pour un vrai progrès social et économique dans nos entreprises". Nous partons de constat réalisé dans notre branche pour en tirer des propositions réglementaires et des ajustements possibles dans les politiques économiques menées par le prochain gouvernement.

Nous constatons que, malgré la bonne conjoncture de notre secteur, la croissance masque de nombreuses inégalités et des problèmes structurels. Les personnalités politiques ne mesurent pas toujours bien l'exaspération des salariés. Nous avons donc divisé notre document en 5 parties : l'emploi et la formation, la sous-traitance et la prestation de services, la délocalisation et la libéralisation des services, le dialogue social, et enfin la politique économique en matière de TIC.

 

En matière d'emploi et de formation - qui constitue votre principal cheval de bataille - que proposez-vous aux candidats ?

Dans notre secteur, le premier problème en matière d'emploi concerne les seniors. Ils sont les premiers frappés par les discriminations à l'embauche. Or, l'age de la retraite ne peut que reculer a priori, ce qui entraîne des bouleversements au niveau des schémas de carrière. Dans les SSII au contraire, nous constatons un recours massif à des modèles basés sur le jeunisme. Tous les dispositifs mis en place pour favoriser l'emploi des seniors n'ont pas été assez efficaces, ou ont été contournés en raison des effets de seuil.

Il faut aller plus loin si nous voulons changer les choses. Cela passe par la mise en œuvre de dispositifs à la fois contraignants et incitatifs. Instaurer des quotas à l'embauche, durcir les conditions de licenciements des seniors, baisser les charges à l'embauche, défiscaliser la formation pour cette catégorie de salariés. En entreprise aussi, il faut que ces mesures s'accompagnent par une GPEC qui tienne compte de l'allongement du temps de travail, par exemple en remplaçant les préretraites par des temps partiels.

 

Vous évoquez également le problème des stagiaires en SSII. Faut-il les interdire ?

"Il devrait être interdit de détacher un stagiaire pour un contrat en régie"

Il faut une réglementation claire dans les métiers des services. Aujourd'hui, des entreprises n'hésitent pas à facturer à leur client des stagiaires, parfois au même prix que des salariés. Cette pratique, il faut l'interdire.

De même, il devrait être interdit de détacher un stagiaire dans une entreprise tierce sur des projets en régie, où la facturation est fonction du temps passé donc. Ces pratiques constituent une variante du prêt illicite de main d'œuvre.

 

Et face à la rotation forte des effectifs en SSII, que proposez-vous ?

Une proposition assez courante consisterait à faire contribuer davantage financièrement à l'Unedic les entreprises qui font appel au travail temporaire, ou qui embauchent et licencient régulièrement des salariés. Une autre idée importante pour protéger le salarié, serait de faciliter le transfert des droits sociaux d'une entreprise à une autre. Je pense ici au DIF, au compte épargne temps… aujourd'hui, beaucoup de ses droits s'arrête lors d'un changement d'entreprise.

 

Le Syntec Informatique parle d'un problème de formation et du manque de compétences disponibles sur le marché. Quel est votre commentaire ?

Pour une meilleure évaluation des besoins en main d'œuvre dans le secteur des TIC, il faudrait pouvoir instaurer et suivre des indicateurs tels que le taux de chômage sectoriel. Le manque de compétences est parfois vrai, mais il ne faut pas oublier que nous sommes sur un marché cyclique et que la seule vision que peuvent avoir les patrons d'entreprise ne va pas au-delà de 6 mois, voire un an.

En revanche, il est clair qu'il faut rapprocher davantage les cursus de formation du monde de l'entreprise et lever des tabous de l'enseignement en autorisant des formations sur des outils du marché. De même, les formations professionnelles accessibles pour les demandeurs d'emplois ne correspondent pas aux besoins les plus recherchés par les employeurs : mobilité, grand système, ERP, décisionnel, etc. Il y a un très gros effort à faire à ce niveau.

 

Face à l'offshore et l'onshore, faut-il légiférer ?

"Aujourd'hui, les SSII sont davantage des fournisseurs de main d'œuvre que des fournisseurs d'expertise et de service"

En ce qui concerne l'offshore : aujourd'hui, force est de constater que les délocalisations de prestations intellectuelles (services) ne sont pas examinées de la même manière que les délocalisations industrielles.

Nous demandons une même égalité de traitement entre les deux, avec des arbitrages de l'administration vis-à-vis des sociétés ayant recours exagérément à l'offshore. Cela passe par des mesures telles que l'interdiction des référencements et des commandes publiques, le refus ou la récupération de toute aide publique et avantages dont elles pourraient ou ont bénéficié…

En ce qui concerne l'onshore, nous attendons prochainement un décret d'application très important qui fait suite à l'article 89 de la loi PME d'août 2005 visant à encadrer le détachement de salariés étrangers. Nous considérons que les détachements de salariés intra groupe doivent se faire aux mêmes conditions que les détachements entre salariés de groupes distincts, avec des salariés basés sur des minimas conventionnels au-delà d'une semaine. La durée des détachements, doit être limitée dans le temps également. Sinon les SSII n'auront aucun scrupule à faire venir régulièrement des salariés indiens payés aux conditions de leur pays.

 

Quelles mesures faudrait-il prendre pour moderniser les SSII ?

Aujourd'hui, les SSII sont davantage des fournisseurs de main d'œuvre que des fournisseurs d'expertise et de service. A l'instar des CDD et de l'intérim, la délégation de personnel ne devrait avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise. Il faut clarifier la mission des sociétés de services et de conseil.

Pour cela, la première chose à faire est de renforcer et de clarifier la réglementation sur le prêt de main d'œuvre, réservé normalement aux sociétés d'intérims. Il est ensuite nécessaire de supprimer également la facturation uniquement au temps passé, c'est-à-dire la régie.

Il parait important aussi de prendre des mesures fiscales pour favoriser l'implantation de centres de services en province, alors que l'emploi IT est aujourd'hui trop concentré en Ile-de-France.

 

En matière de dialogue social, quelles sont vos attentes ?

Que les associations professionnelles soient reconnues comme acteur du dialogue social, que le reporting et les bilans sociaux soient systématisés et améliorés pour connaître notamment les entrées / sorties régulières du personnel, que la communication syndicale par Internet soit encouragée et simplifiée. Nous sommes aussi pour une fusion des IRP, entre membres du CE, délégués du personnel et délégués syndicaux dans une instance unique de consultation, négociation, représentation et délibération.

 

Et en matière de politique économique en faveur des TIC, que proposez-vous au candidat ?

 
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Le pacte PME doit être étendu aux grandes entreprises du privé pour constituer un véritable Small Business Act. Plutôt que de penser à l'économie française, il nous paraît essentiel de se concentrer sur une politique économique en faveur des TIC définie à l'échelle européenne, pour une plus grande indépendance technologique de l'Europe vis-à-vis des Etats-Unis et de l'Asie.

Cela pourrait se concrétiser via la création d'une agence européenne des TIC, au travers de grands partenariats européens, par la mise en place d'une préférence européenne lors d'investissements publics dans les TIC.

Nous ne sommes pas trop favorables aux aides directes. En revanche, nous souhaiterions un soutien réaffirmé à l'interopérabilité, aux standards ouverts, aux logiciels libres et au télétravail, par le prochain gouvernement dans le cadre public.

En savoir plus
Le document complet de position du Munci


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