SEO : pourquoi l'App Indexing peine à convaincre

SEO : pourquoi l'App Indexing peine à convaincre L'App Indexing permet de référencer le contenu des apps mobiles dans Google. Malgré les promesses SEO, les premières adoptions ont laissé place à l'attentisme.

Et si l'app indexing était finalement en train de faire pschitt ? Lorsque Google commence à la présenter, en 2014, cette technique semble attractive. Il s'agit d'indexer le contenu d'une app pour ensuite pouvoir la faire remonter dans les résultats du moteur de recherche : le mobinaute qui clique sur le lien est envoyé non pas vers le site mais dans l'app.

Exemple d'app indexing - avec l'app du Monde. © Capture

C'est intéressant, car les éditeurs savent que le nombre de pages vues réalisées par visite en moyenne sur une app est supérieur à celui réalisé sur un site mobile. "Les apps mobiles se monétisent d'ailleurs souvent mieux", ajoute Virginie Clève, consultante SEO notamment spécialisée dans les apps. En plus, avec l'app indexing, l'icône de l'app apparait dans les résultats, ce qui lui donne de la visibilité, et peut donc améliorer le taux de clic.

Sûr de ses arguments, Google va pousser cette technique, avec sa force de frappe, comme il sait le faire. Comme lors des déploiements des grandes mises à jour de son moteur, Mountain View commence par déployer l'app indexing aux Etats-Unis, puis l'étend au  monde. Android est d'abord concerné, puis c'est au tour d'iOS. A chaque fois, des annonces sont faites sur son blog officiel, relayées dans le monde entier. Information passée totalement inaperçue (elle avait été réalisée lors de l'annonce de la mise à jour mobile-friendly), Google promet alors même un bonus SEO aux apps indexées.

En France, les ténors du web qui disposent d'apps sont contactés par Google pour qu'ils mettent en place la technique. Et ça marche : plusieurs se lancent.

5% des ouvertures de l'app du Monde grâce à l'app indexing

Pour Le Monde, l'appel de Google sonne en 2014. La proposition tombe bien : le site a récemment lancé sa nouvelle app. L'hésitation ne dure pas longtemps. "Une app propose une expérience plus agréable, et une navigation plus facile. Et elle est très fidélisante", explique Edouard Andrieu, directeur des nouveaux écrans au Monde.fr. Il estime que les visites sur l'app du site génèrent environ trois fois plus de pages vues que celles réalisées sur le site mobile. Il en attend donc autant des visites provenant de l'app indexing.

Avec une app "à l'état de l'art", la mise en place de la technique se fait "rapidement", "en quelques jours". Le Monde limite sa mise en place à l'app Android. Résultat : aujourd'hui, à peu près 5% des ouvertures de l'app se font grâce à l'app indexing. "Un chiffre significatif, mais pas très important", admet Edouard Andrieu, qui tient à rappeler que "tout trafic est bon à prendre". Il est toutefois difficile de savoir quelle est la part de trafic supplémentaire acquis, car la hausse du trafic de l'app peut s'accompagner d'une baisse du trafic du site mobile  – avec l'app indexing, des visites vers les sites mobiles sont en effet, finalement, redirigées vers l'app.

Moins d'1% du trafic de l'app Francetvinfo issu de l'app indexing

Pour l'app de Francetvinfo, c'est à peu près la même expérience qui est racontée. Tout commence aussi en 2014 par un appel de Google. Envoyer le mobinaute vers l'application plutôt que vers le site intéresse aussi France Télévisions, pour les mêmes raisons : la "fluidité" de l'app, tout comme "la fidélité qu'elle génère" sont citées. Et là encore, l'app indexing promet une augmentation du nombre de pages vues. Au final, Francetvinfo fait même partie des premiers à essayer la technique. Là aussi, il y a le souvenir d'une technique pas très complexe à mettre en place.

Google ne fait pas toujours remonter l'app indexée

Mais le retour sur investissement est aujourd'hui qualifié de "largement perfectible" par Pierre-Nicolas Dessus, le directeur du marketing de France Télévisions Editions Numériques. Dans Google Analytics, explique-t-il, moins d'1% du trafic global de l'application provient de l'app indexing - 0,7% plus exactement. Une part qui est restée stable dans le temps, a aussi pu remarquer le responsable. 

"Nous avons aussi pu observer que Google ne fait pas toujours remonter l'app, préférant parfois afficher un lien pointant vers le site mobile", s'étonne Pierre-Nicolas Dessus. "Ces résultats très modestes expliquent pourquoi nous n'avons pas voulu mettre en place le procédé sur iOS", commente le directeur du marketing de France Télévisions Editions Numériques. Toutefois, comme il n'y pas non plus d'effet négatif, France Télévisions n'a pas voulu revenir en arrière. Suivant "sa logique d'innovation, le média se dit même "content de l'avoir essayé", et ne le regrette donc pas. Il n'a d'ailleurs pas hésité à être à nouveau parmi les premiers à essayer le format AMP poussé par Google…

Francetvinfo a aussi déployé l'app indexing... et n'en est pas convaincu. Capture

Le Monde non plus n'a pas déployé l'app indexing sur iOS. Cela fonctionne un peu différemment avec Apple, mais depuis iOS 9, Cupertino propose des "liens universels" qui permettent aux apps de remonter dans les résultats de Google mais aussi dans Spotlight. "Nous sommes un peu hésitants", confie Edouard Andrieu, même si déployer ces liens universels n'est pas du tout écarté.

En tout cas, force est de constater que dans les deux cas, chez France Télévisions comme au Monde, aucun n'a donc voulu reproduire sur iOS ce qui avait été fait sur Android – difficile d'en conclure que l'expérience sur Android ait été très concluante.

Attentisme conseillé

Ces deux témoignages, et de tels résultats modestes, ne vont pas contribuer à populariser l'app indexing... même si le déploiement de la technique est jugé "facile" ? "Attention, il s'agit là de sites d'envergure, qui ont des moyens, et qui, en plus, ont pu bénéficier de l'aide de Google. Pas sûr que l'installation soit si facile pour tous les sites", prévient Virginie Clève, qui rappelle que, de toutes façons, "les roadmaps des apps sont déjà pleines à craquer", et en plus "rarement réalisées de concert entre les responsables mobiles et les responsables SEO".

Cette consultante admet observer aujourd'hui un attentisme des acteurs concernant l'app indexing. Elle ne conseille d'ailleurs pas aux éditeurs de déployer l'app indexing, mais plutôt de rester en stand-by, et d'observer. Elle se demande surtout vers où va Google, et si le moteur va continuer de promouvoir autant l'app indexing. "Je ne serai pas surprise d'apprendre que la proportion de résultats faisant remonter des apps indexées a baissé depuis quelques mois. D'ailleurs certaines des premières apps indexées, comme celle de l'Equipe, ne remontent plus dans les résultats. Pourquoi ? Peut-être que Google préfère moins faire remonter naturellement les app indexées pour mieux faire payer les éditeurs, qui peuvent aussi acheter de la visibilité pour leur app dans les résultats, grâce à Adwords. Peut-être aussi que l'app indexing est finalement un peu en contradiction avec la volonté de Google, qui ne cesse de promouvoir la rapidité, alors que les apps sont souvent lentes."

"Il ne s'agit que de conjectures", avoue la consultante spécialisée, "mais nous en sommes réduits là, car Google donne finalement peu de réponses, alors que les acteurs les attendent, ces réponses" analyse-t-elle. Elle espère d'ailleurs que Zineb Ait Bahajji Zineb, de Google, qu'elle a pu inviter à l'événement SMX, dont elle est membre du comité de pilotage, va apporter des éclaircissements lors de sa keynote du 2 juin, qui doit évoquer "l'avenir du Search mobile" – à moins que l'accent soit exclusivement mis sur le format AMP, qui semble être l'actuelle priorité de Google sur ce terrain.