Comment Google Shopping a mis la main sur le budget SEA des retailers
Visuelles, simples à mettre en place et mises en valeur sur le moteur, les annonces sponsorisées du comparateur de prix de Google ont suscité l'engouement des marchands.
Un simple coup d'œil au dernier rapport trimestriel de Google suffit pour s'en convaincre : lancer une campagne de référencement payant sur Google Adwords revient pour de plus en plus de retailers à promouvoir des flux produits au sein du comparateur de prix du géant américain, Google Shopping.
"La plupart de nos clients retailers consacrent près de 75% de leur budget SEA. Le ratio monte même à 90% pour l'un d'entre eux !
Depuis son intégration au sein de l'interface d'Adwords, cette offre commerciale baptisée "Product Listing Ads" (PLA) éclipser lentement mais sûrement le format d'annonce classique "Text Ads". Aux Etats-Unis, PLA a concerné 53% des clics payants des annonceurs du secteur du retail au second trimestre 2017. Et les investissements que les e-marchands US lui ont alloués ont crû de 31% sur un an contre "seulement" 16% pour Text Ads. Leurs homologues français ne sont pas en reste à en croire le directeur général de l'agence Performics, Frédéric Marty, qui compte parmi ses clients Intermarché, la Fnac-Darty ou encore MonShowroom. "La plupart y consacrent près de 75% de leur budget SEA. Le ratio monte même à 90% pour l'un d'entre eux !"
Google pousse Shopping plutôt que Text Ads
Comment expliquer une telle bascule ? "Le monde du search est un monde qui obéit à une logique très simple : aller là où est la performance. Et sur ce terrain, PLA est largement au-dessus de la moyenne avec des taux de conversion beaucoup plus élevés que les autres formats de search payant", résume Frédéric Marty. Bien plus visuel (et donc visible) que les formats standards d'Adwords, PLA est d'autant plus efficace que Google fait tout pour valoriser au mieux son produit. "A part sur quelques mots clés génériques, Shopping est de plus en plus souvent affiché au-dessus des liens sponsorisés classiques. C'est déjà le cas aux US où Google doit composer avec la concurrence d'Amazon", note Frédéric Marty.
Exemple ci-contre sur iPhone avec la requête "Playstation 4" où il n'y a pas de Text Ads mais un format Google Shopping qui s'arroge tout le "premier écran". Il faut ainsi scroller pour tomber sur le site de Playstation. Et tant pis si c'est ce genre de "coups de pouce" qui a valu à Google une amende record de 2,42 milliards de dollars en juin dernier. Reconnu coupable d'abus de position dominante, le groupe a en effet laminé les comparateurs de prix en France, comme Kelkoo, Twenga et tous les autres, à partir de 2010.
Bastien Duclaux de Twenga, un comparateur de prix qui a dû pivoter pour survivre, confirme que la disparition progressive des liens classiques sur les requêtes liées à l'e-commerce tient du simple calcul arithmétique. "Avec un taux de clic qui avoisine les 3% contre des taux trois à cinq fois supérieurs pour le format PLA, il n'y a pas de match." Twenga observe même des taux de clics de 30 à 40% sur les requêtes les plus précises. Pas vraiment étonnant dans la mesure où, avec Shopping, on montre à l'internaute simplement ce qu'il cherche et où l'acheter. "L'internaute atterrit sur la fiche produit et peut mettre ce dernier dans son panier. Le tunnel de conversion ne peut être mieux optimisé", analyse Bastien Duclaux.
Plus efficaces, les campagnes PLA sont aussi bien plus faciles à mettre en place pour des e-marchands pas toujours très matures en matière de gestion des campagnes de liens sponsorisés. "Plus besoin de plancher des heures sur les créations les plus efficaces dans la mesure où elles correspondent aux fiches produits", commente Frédéric Marty. Il suffit au retailer de pousser des flux produits dans le Google Merchant Center et de laisser son agence faire le lien avec Adwords pour paramétrer correctement les campagnes. Un vrai gain en matière d'automatisation et de productivité.
"Shopping Price Benchmark" permet au retailer de voir ses concurrents les plus compétitifs
Google n'a eu de cesse de peaufiner son offre. Les utilisateurs de PLA peuvent désormais suivre l'apparition de concurrents qui se positionnent sur des produits similaires aux leurs grâce à la fonctionnalité "Shopping Price Benchmark". "Cette dernière affiche les 5 annonceurs les plus compétitifs sur le prix d'un produit du retailer, ce qui lui permet d'optimiser au mieux ses enchères", explique Frédéric Marty. L'e-marchand peut à la fois faire son benchmark et optimiser sa stratégie d'enchère... voire même sa stratégie de prix produit.
Les Shopping Ads sont depuis peu éligibles au ciblage "In-market audience", un segment qui n'était jusqu'à présent disponible que sur le Google Display Network. Cette fonctionnalité permet aux annonceurs de personnaliser les annonces et d'enchérir de façons plus agressive sur les utilisateurs qui par leur comportement passé, mais surtout actuel, indiquent une phase de recherche active sur tel ou tel sujet. Les marques utilisant ce ciblage comme un signal en search sont en mesure de toucher les individus au moment clé où la décision d'achat se fait.
Enfin, Google essaie aussi de pousser autant que possible le format "Local Inventory Ads" au sein de Shopping. Ce dernier dit en temps réel si le produit affiché est disponible en point de vente. Une incursion dans le "drive to store" qui reste malgré tout perfectible. La faute à des freins techniques qui complexifient la remontée en temps réel de l'état des stocks. La faute aussi à une problématique d'attribution, à en croire Frédéric Marty. "Nous testons le format pour le compte de Fnac-Darty, mais nous avons encore du mal à mesurer son impact réel sur les ventes en magasin. Cet indicateur reste mesuré de manière probabilistique."
Le succès de Google Shopping est une preuve de plus, si besoin, de la capacité du groupe à modeler un marché à son avantage. Et forcément, cela ne rassure pas tout le monde. "La mainmise de Shopping est d'autant plus préoccupante que le produit devient de moins en moins rentable pour les e-commerçants, explique Bastien Duclaux. Shopping leur a dans un premier temps offert la gratuité. Puis est arrivée l'offre commerciale, au début très attractive. Mais la concurrence croissante sur les requêtes a eu pour effet de comprimer les marges de chacun et de faire exploser les CPC." Une situation embarrassante alors que Google a tué les alternatives à Shopping…