Comment l'app retargeting fait les beaux jours de Remerge et Adikteev
Les éditeurs recentrent leurs investissements médias sur le réveil des utilisateurs ayant déjà téléchargé leur application mais qui ne l'utilisent pas.
Sur le smartphone plus que sur toute autre vitrine digitale, les places sont chères pour les marques et éditeurs. Les trois-quarts des Français équipés d'un smartphone n'ont pas téléchargé d'application en décembre dernier selon une enquête de Comscore Mobilens. Compliqué dans ces conditions d'espérer faire croître son activité en allant chercher de nouveaux publics. Les principaux acteurs du secteur l'ont bien compris qui recentrent une partie de leurs investissements médias sur un nouveau relais de croissance : le réveil des mobinautes qui ont déjà installé leur application mais ne l'utilisent pas. Et ils sont nombreux ! Selon un sondage réalisé conjointement par Ipsos et Google en 2016, seules 26% des applications installées sont utilisées quotidiennement. Pour le fondateur de Remerge, Benjamin Beivers, ils sont même "90% à ne pas revenir du tout au sein de l'application passé un délai de 7 jours".
"La cible : les éditeurs d'applications de gaming, de petites annonces et autres e-commerçants dont le modèle économique est basé sur le paiement in-app"
Fondée en 2014, cette adtech allemande s'est spécialisée dans le reciblage de ces utilisateurs dormants, l'app retargeting, et a vu débarquer début 2017 un nouveau concurrent avec le rachat du DSP allemand Trademob par Adikteev. Initialement positionnée sur le branding et la créativité, cette société française en a profité pour prendre le virage performance. "C'est aujourd'hui quasiment 50% de notre chiffre d'affaires qui provient de l'app retargeting", estime Clément Favier, patron pour l'Allemagne d'Adikteev. "Les éditeurs d'applications ont souvent dépensé énormément dans des campagnes d'acquisition par le passé, ils ont un gros besoin de réengagement." Dans son viseur, les éditeurs d'applications de gaming, de petites annonces et autres e-commerçants. Leur modèle économique est basé sur le paiement in-app. Pour réveiller leurs utilisateurs endormis, ils ne peuvent pas se contenter de leur envoyer des push notifications", les taux d'opt-in en la matière étant très faibles : "moins de 50% des utilisateurs d'une application acceptent de recevoir des push", estime Benjamin Beivers. Les éditeurs n'ont donc pas d'autre choix que de passer par de l'achat média.
Remerge explique de son côté travailler avec tous les éditeurs d'application, quel que soit leur axe de monétisation. On retrouve donc également des groupes médias adossés à un modèle publicitaire ou de l'abonnement payant, comme CBS, le New York Times ou Axel Springer. "Nous avons deux options : inciter simplement l'utilisateur à réouvrir l'application ou utiliser la technique du deep link pour lui proposer un contenu spécifique au sein de cette application", illustre Benjamin Beivers. Tous les formats sont disponibles à l'achat, depuis la bannière display classique jusqu'aux native ads en passant par la vidéo (un peu moins de 10% du chiffre d'affaires de l'Allemand). Les algorithmes de machine learning de Remerge se chargent de définir une stratégie de retargeting (qui recibler, quand et avec quel message) et de définir pour chaque utilisateur un niveau d'enchère acceptable. "Nous sommes jugés par le client sur notre capacité à lui apporter du revenu incrémental", ajoute Benjamin Beivers.
Même fonctionnement du côté d'Adikteev où on met en avant une opération avec un site de petites annonces allemand pour l'aider à doper les usages au sein de son application. "Il ne s'agissait pas de lui ramener simplement des visiteurs mais de cibler les utilisateurs susceptibles de poster des offres et d'en contacter d'autres", précise Clément Favier. La proposition est calquée sur celle de Criteo, le champion français du retargeting desktop qui a eu le mérite d'éduquer le marché "sans pour autant proposer d'offre satisfaisante in-app", estime Clément Favier. Le modèle économique est le même, pour Adikteev comme pour Remerge, un achat au CPM et une facturation client au CPC.
Les deux acteurs se différencient toutefois au niveau de l'approche créative. ADN branding oblige, le Français met en avant son studio créatif basé à Paris. "Nous mettons la création au service de la performance avec une segmentation qui va permettre d'adapter le contenu au profil de l'utilisateur. S'il n'a jamais été chez l'e-commerçant, nous lui proposerons un coupon, par exemple. Pour celui qui est déjà venu, ce sera plutôt un flux produit basé sur son historique de consultation et, pour celui qui a déjà acheté, des produits similaires à sa précédente commande", détaille Clément Favier. Chez Remerge, on se concentre surtout sur la création de templates qui seront proposés aux clients. Un moyen de standardiser le volet créatif.
"Chez Adikteev, nous n'achetons pas d'inventaire sur Facebook car nous estimons avoir très peu de valeur ajoutée par rapport à la plateforme en libre-service"
Autre différence : Facebook. Alors que la plateforme concentre une grosse partie des investissements mobiles (notamment pour la promotion d'application), Adikteev fait l'impasse. "Nous n'achetons pas d'inventaire sur Facebook car nous estimons avoir très peu de valeur ajoutée par rapport à la plateforme en libre-service que les annonceurs peuvent utiliser directement", commente Clément Favier. Chez Remerge, on est intégré à Facebook et Instagram même si Benjamin Beivers déplore que la plateforme ne soit pas open RTB. "Nous sommes le plus souvent réduits à des intégrations manuelles des fichiers clients, via du custom audience, pour le volet retargeting." Pas du vrai programmatique temps réel donc.
Avec près de 4 millions de dollars levés depuis ses débuts et une rentabilité au rendez-vous depuis 2016, Remerge croît vite. Son chiffre d'affaires a augmenté de 217% entre 2016 et 2017. L'adtech allemande est désormais présente dans les zones Asie-Pacifique (APAC) et américaine. "Près de 65% de nos revenus proviennent des Etats-Unis", précise Benjamin Beivers. Le patron de Remerge veut se concentrer sur le filon de l'app retargeting et n'envisage pas, au contraire d'Adikteev, de s'attaquer au haut du tunnel de conversion, l'acquisition d'utilisateurs. "Nous pouvons encore perfectionner le produit avant de penser à nous diversifier." Du côté d'Adikteev, on planche sur une offre de user acquisition basée sur du look alike. Il s'agit de toucher de nouveaux utilisateurs au comportement similaire à celui des clients existants.