L'affichage digital se met (doucement) au programmatique en France

L'affichage digital se met (doucement) au programmatique en France Les régies leaders du DOOH s'ouvrent enfin à un mode d'achat programmatique qui se cantonnait jusque-là à des inventaires de niche. Mais la méthode n'a pas encore convaincu toute l'industrie.

En France, le secteur de l'affichage digital, digital out of home (DOOH), se met doucement mais sûrement au mode d'achat programmatique. Le SSP lancé par JC Decaux l'été dernier devrait arriver dans l'Hexagone cette année alors que Mediatransports teste de son côté une connexion avec le DSP français Displayce depuis décembre. L'offre accessible en programmatique était jusque-là très limitée car circonscrite à des inventaires de niche proposés en direct et garanti par des régies affinitaires. Ces dernières regroupent des écrans de plus petite taille présents dans des magasins, pharmacies, centres de santé, hôtels, clubs, restaurants…

Le "big five"  du secteur - JC Decaux, Clear Channel, Mediatransports, In-Store Media et Imediacenter - brillait quant à lui par son absence. Chacun dispose de son propre système de gestion automatisée d'inventaires et était donc plutôt réticent à nouer des connexions avec des tiers. Problème, ces 5 acteurs se partagent le gros des recettes publicitaires du secteur de l'affichage d'extérieur, car ils regroupent les écrans à fort impact dans les principaux espaces publics (grands centres commerciaux, gares, métros, centres villes, etc.). Difficile de faire bouger les lignes sans leur adhésion.

"Le type d'écran, le contexte et la régie... Les annonceurs savent ce qu'ils achètent avec notre offre de programmatique garanti"

Displayce, seul DSP français spécialisé sur ce secteur, a opéré des connexions directes avec 15 régies verticales depuis son lancement en 2015. La plateforme en a fait une offre mutualisée que les annonceurs peuvent activer selon des critères de ciblage sociodémographiques ou géolocalisés. Les prix sont définis par chaque régie dans une logique de programmatique garanti. "À tout moment ils savent ce qu'ils achètent : le type d'écran, le contexte et la régie", explique Laure Malergue, CEO et fondatrice de Displayce. Cette méthode est désormais renforcée par une offre premium possible avec l'arrivée de l'inventaire de Mediatransports, régie fortement présente dans les gares et les métros, et de celui d'autres "acteurs leaders dans l'univers des centres commerciaux".

Le recours au programmatique a plusieurs vertus. Il permet d'activer des données de ciblage au sein d'un inventaire très fragmenté, en optimisant la diffusion des campagnes grâce à une intelligence artificielle qui définit la meilleure combinaison d'écrans en fonction des objectifs assignés et du budget disponible. Il simplifie également la gestion des nombreux formats imposés par chaque régie – un véritable casse-tête pour les annonceurs.

Mais le programmatique version DOOH tient aujourd'hui plus de l'automatisation des flux que du RTB tel qu'on le connait sur le web. L'arrivée prochaine de la plateforme VIOOH de JC Decaux et celle d'autres SSP comme Reach de Broadsign devrait changer les choses. Ce seront les écrans qui interrogeront le DSP pour proposer leurs inventaires disponibles, à travers des "bid requests". Un système RTB qui permettra à l'annonceur d'optimiser la diffusion de sa campagne en temps réel mais sur un échantillon encore limité. Les inventaires proposés selon ce modèle par Displayce sont encore très rares : à peine mille écrans parmi les 10 000 proposés dans sept pays européens. Pas de quoi permettre d'anticiper l'évolution des prix.

"VIOOH veut devenir la plateforme de référence pour toute l'industrie", déclare le CEO de VIOOH, Jean-Christophe Conti. Selon cet ancien VP d'Appnexus pour les pays EMEA, l'industrie doit s'unir pour faire face à ses véritables concurrents, les GAFA. Lancée à partir du Royaume-Uni à destination des régies premium DOOH mondiales, VIOOH propose deux fonctionnalités : une plateforme de gestion  de booking pilotable directement par chaque régie et un SSP avec des modalités de RTB pour les marchés les plus matures.

"Faire du programmatique sans perspective de revenu incrémental n'est pas pertinent"

D'autres acteurs de poids, comme Clear Channel France, estiment que ce marché n'est pas encore prêt. Emmanuel Pottier, directeur général adjoint en charge de la stratégie, de la transformation et du digital du réseau, rappelle que l'inventaire DOOH n'est pas infini et que les annonceurs ne semblent pas en demande immédiate d'un tel changement. " Nous devons avoir notre rythme et ne pas toujours suivre le tempo des médias purement digitaux en ce qui concerne le programmatique", déclare-t-il. Et d'expliquer que "faire du programmatique sans perspective de revenu incrémental n'est pas pertinent". Clear Channel France teste déjà le recours au programmatique mais Emmanuel Pottier estime que la bascule s’opérera lorsque le DOOH s'ouvrira à la vidéo, ce qui, dit-il, n'est pas encore réellement le cas aujourd'hui.

Cet article est extrait du dernier numéro d'Adtech News, le supplément mensuel du JDN et de CB News consacré à l'adtech et au martech. Au programme :  une enquête sur le plan de Google pour garder la main sur le maché SEA, une interview du patron du média de Renault France, Flavien Taquet, un focus sur Adloop, la start-up qui veut mettre fin au gaspillage publicitaire...