Stéphanie Sabourin (Disneyland Paris) "Nous aurons quatre traders en interne pour le display et quatre pour le social"
La directrice audience et distribution des contenus de Disneyland Paris en Europe explique comment son groupe a décidé de reprendre la main sur ses achats programmatiques.
JDN. Vous êtes en passe d'internaliser l'intégralité de vos achats programmatiques. Pourquoi ?
Stéphanie Sabourin. Le programmatique est devenu prépondérant dans notre stratégie média online. Il pèse plus de 90% de nos investissements display et vidéo. Internaliser sa mise en œuvre, c'est mettre en place tout un cercle vertueux. Cela permet de faire des économies, autour des 20% selon nos premières estimations, même si tout cela est très variable selon les pays. Cela permet surtout de gagner en agilité et de raccourcir le processus de décision, ce qui est très précieux lorsque comme Disneyland Paris, on lance constamment de nouvelles offres et produits dans plus de dix pays. Cela nous permet d'être beaucoup plus réactif par rapport au business que si nous passions par une agence externe. On a pu s'en rendre compte pour les médias sociaux, dont nous avons internalisé l'achat dès la fin de l'année 2017, le sujet étant moins complexe que le display programmatique classique.
Comment vous êtes-vous préparé à franchir le pas ?
Nous avons opéré une transition, en optant d'abord pour un modèle hybride. Nous avons contractualisé en direct avec deux DSP, une technologie d'ad-serving, de brand safety, et de DCO. Nous avons également notre propre DMP in-house.
Tout s'est fait en bonne intelligence avec Artefact et iProspect, les deux agences médias avec lesquelles nous travaillons. Les agences savaient, depuis l'appel d'offres que nous avons réalisé il y a deux ans, que c'était une option à laquelle nous réfléchissions, de par le poids du programmatique et notre maturité sur le sujet. On a multiplié les échanges et les formats dans le laps de temps. Quatre traders des agences sont ainsi venus trois jours par semaine chez nous pour nous aider dans notre stratégie d'investissements médias en Europe. Nos partenaires technologiques, Google, Mediamath, IAS, Flashtalking et Bluekai, nous ont eux aussi accompagnés.
L'un des principaux écueils à l'internalisation est la difficulté à recruter et fidéliser les talents. Cela ne vous effraie pas ?
J'espère à terme pouvoir m'appuyer sur un pôle de quatre traders pour le display et quatre pour le social. Mais, que ce soit chez nous ou en agence, je pense que le turnover est important sur ce type de métiers. L'important c'est de s'y préparer et de l'anticiper. Ce ne sera pas, dans ces conditions-là, une gêne à la bonne marche de l'internalisation. D'autant que notre agence partenaire sera là pour nous épauler si besoin. Hors de question, en effet, de se couper du monde des agences. Nous allons choisir un partenaire qui nous aidera et nous challengera, via des audits par exemple, dans la démarche. Nos partenaires techno sont aussi clé pour former nos équipes.
La contractualisation avec un DSP est un vrai investissement financier pour un annonceur de sorte que la plupart n'en choisissent qu'un. Pas vous, pourquoi ?
C'est indispensable. Si nous n'utilisions que celle de Google, nous ne pourrions pas y appliquer notre modèle d'attribution, sa technologie ne supportant pas encore un modèle d'attribution custom. Ce n'est pas le cas de Mediamath et c'est donc par lui que nous passons pour opérer nos achats de retargeting. Et inversement, difficile de ne pas s'appuyer sur la data de Google. Nous réfléchissons d'ailleurs à contractualiser avec d'autres DSP, pour mieux opérer nos achats en native ads et vidéo. Nous discutons avec des acteurs. L'internalisation implique de toujours chercher des solutions innovantes.
Amazon peut-il être de ceux-là ?
Nous avions déjà travaillé avec Amazon qui a, un temps, hébergé une de nos boutiques e-commerce dans le cadre d'une vente de tickets. Nous avions dû dans ce cadre passer par la DSP et la data d'Amazon pour faire la promotion de l'opération.
Et pour quels résultats ?
Il y a eu des opérations très efficaces et d'autres où les process mériteraient d'être améliorés. L'efficacité du programmatique vient de la conjonction de trois facteurs : la data, le contenu et le trading. Toutes ces composantes doivent être alignées pour que ça marche. La data seule ne suffit pas, même chez Amazon. Le timing, la nature de l'offre sont à prendre à compte.
La data reste tout de même essentielle pour l'efficacité de vos campagnes display, non ?
C'est vrai, on ne fait d'ailleurs plus de display sans ciblage pointu. C'est la raison pour laquelle on exclut désormais l'environnement Safari de nos campagnes, qui ne nous permet plus de collecter de la donnée qualifiée. On utilise énormément d'audiences, qu'elles proviennent de fournisseurs tiers intégrés à nos DSP, tel Sojern sur la data travel ou de notre DMP. On a également recours au ciblage contextuel, via l'analyse sémantique d'un Grapeshot, qui nous permet de faire des segments ultra poussés, par mots-clés et de les croiser avec notre DMP. Ici encore, rien n'est acquis. Ça marche dans certains pays, pas dans d'autres. Pour certaines campagnes et pas d'autres. Il faut constamment ajuster.
Stéphanie Sabourin est directrice Europe audience et distribution des contenus de Disneyland Paris. Elle en était auparavant la directrice Europe média et alliances, en charge des stratégies média on et off et de leur implémentation en Europe. Avant de rejoindre Disneyland Paris, Stéphanie Sabourin a été directrice marketing et développement de ZenithOptimedia, directrice générale adjointe de Zenith et directrice média de Saatchi & Saatchi.
Cet article est extrait du dernier numéro d'Adtech News, le supplément mensuel du JDN et de CB News consacré à l'adtech et au martech. Au programme : une enquête sur le rôle des mesureurs dans l'industrie pub, un cahier spécial Dmexco, un focus sur Pubstack, le baromètre du programmatique en mai-juin...