Alternatives aux cookies : quelle solution choisir ?
Quels sont les principes, cas d'usage et limites de chaque type de solution proposée pour remplacer les cookies ? Revue de détail.
Il ne se passe pas une semaine sans que de nouvelles informations ne soient dévoilées sur les solutions à l'étude, en tests, en développement ou déjà en application pour remplacer les cookies. Trois grandes familles d'alternatives sont en cours de développement : par données agrégées, par identifiant unique ou par l'analyse du contexte. Chacune de ces alternatives répond à des cas d'usage différents. Chacune présente des avantages mais aussi des inconvénients.
Pour y voir plus clair le JDN a interrogé deux spécialistes, membres du groupe de travail cookieless de l'Interactive Advertising Bureau (IAB) France : Rémi Lemonnier, cofondateur de Scibids, solution d'optimisation de l'achat programmatique par l'intelligence artificielle (qui vient de lever 2 millions d'euros auprès du fonds italien BlackSheep) et Margarita Zlatkova, directrice de publicité programmatique chez Weborama, fournisseur de solution d'intelligence artificielle sémantique.
Solution par données agrégées (Privacy Sandbox)
Principe : Les données agrégées sont au cœur de la Privacy Sandbox, l'alternative que Google développe pour remplacer les cookies tiers sur Chrome à l'horizon 2023. C'est la solution trouvée par le navigateur le plus utilisé en France et dans le monde tous devices confondus pour rendre ses activités publicitaires compatibles avec le respect de la vie privée et les législations en la matière, dont en Europe le Règlement général sur la protection des données (RGPD). La Privacy Sandbox est une suite d'API couvrant tous les cas d'usage de l'achat média : Topics, pour le ciblage, la prospection et l'acquisition ; Fledge pour le retargeting et les API de mesure. Toutes ont en commun le fait de ne plus permettre aux acteurs de l'industrie publicitaire de tracer les parcours d'un individu entre les différents sites consultés et entre ses devices. Chrome étant le premier navigateur en parts de marché, toute l'industrie a les yeux rivés sur ces changements.
Avantages : Pour nos deux experts, l'initiative de Google a le mérite de recentrer l'industrie sur la protection de la vie privée. La fiabilité des API de la Privacy Sandbox dépendra en revanche de leur degré de granularité. Les deux spécialistes se montrent néanmoins optimistes quant à la qualité potentielle des segments issus de données agrégées pour l'activation (ciblage et reciblage). "Pour construire un algorithme d'enchères qui soit très pertinent, je n'ai pas besoin d'une information à l'échelle de l'individu : des informations agrégées peuvent suffire pour garder les mêmes performances", explique Rémi Lemonnier.
Inconvénients : La Privacy Sandbox mettra fin aux optimisations de l'achat média en temps réel, puisqu'il faudra attendre quelques heures pour accéder aux reportings de Google. Beaucoup de questions se posent également sur l'exactitude des informations qui seront fournies par l'API de mesure des performances des campagnes, notamment dans les processus d'attribution. "Ce qui n'est pas mesuré n'existe pas dans la publicité digitale. La question est de savoir si la perte de la mesure en temps réel, l'agrégation des résultats et la granularité fournie par les API de mesure de la Privacy Sandbox seront suffisantes pour identifier les leviers qui fonctionnent le mieux afin d'attribuer son budget média efficacement", analyse Margarita Zlatkova. Enfin, un travail important d'adaptation sera nécessaire de la part des acteurs de l'écosystème programmatique, qui répond pour la majorité des achats en display. "C'est la logique même des enchères qui est remise en cause par Fledge car nous ne disposerons plus d'informations précises remontées sur chaque impression. Comme il s'agira de cibler des groupes d'intérêt, c'est le système d'achat média qui devra être modifié, exigeant de nombreux acteurs des nouvelles implémentations pour s'adapter à cette nouvelle situation", explique Rémi Lemonnier.
Solutions par identifiant unique
Principe : Les individus présents dans les bases d'internautes logués des éditeurs et des marques se retrouveront anonymisés derrière un identifiant à de fins de ciblage publicitaire, s'ils donnent leur consentement. La clé utilisée pour cette anonymisation est généralement l'adresse e-mail ou le numéro de portable. Un même utilisateur qui se logue avec la même adresse e-mail dans différents sites générera le même ID si ces sites utilisent la même solution d'ID unique. Une vingtaine de solutions d'ID unique existent aujourd'hui sur le marché, parmi lesquelles ID 2.0 de The Trade Desk, ID5, le RampID de Liveramp, ID+ de Zeotap, etc.
Avantages : À condition de disposer du consentement des internautes et d'un volume suffisant, ces solutions peuvent répondre très efficacement notamment aux besoins de reciblage et de mesure. "Tout dépendra en revanche de la déontologie dont le marché fera preuve puisque théoriquement ce type de solution peut permettre de suivre à nouveau les individus à la trace", prévient Margarita Zlatkova.
Inconvénients : Deux défis majeurs s'imposent à cette alternative. Le premier, c'est le fait que de très nombreuses solutions d'ID unique existent. Pour que le marché les adopte de manière massive, des systèmes de matching seront nécessaires. C'est tout le sens de l'initiative Unified ID 2.0 lancée par The Trade Desk. "Pour que les ID uniques puissent permettre plus de scalabilité et d'adoption sur le marché, il est également nécessaire qu'ils soient connus par toute la chaîne programmatique : DSP, SSP, adserver, DMP, CDP... Les intégrations des solutions d'ID uniques avec tous les acteurs du marché sont primordiales afin d'assurer la capacité de cibler et mesurer", précise Margarita Zlatkova. Le deuxième défi concerne le volume, qui reste pour l'instant sans doute limité, puisque la majorité des internautes ne s'identifient pas nécessairement dans chaque site visité. "Tout l'enjeu est dans la synchronisation des différentes solutions d'ID existantes : le reach adressable sera l'addition de ce que chaque acteur sera capable de reconnaître", conclut Rémi Lemonnier.
Solutions contextuelles
Principe : Des plus simples aux plus sophistiquées, les solutions de ciblage contextuel se basent, comme le nom l'indique, sur les thématiques de sites, les url des pages ainsi que les mots-clés et l'interrelation des mots d'un article entre eux pour définir des segments de ciblage. Des solutions d'analyse contextuelle appliquées à l'image et la vidéo existent également ou sont en développement.
Avantages : Le ciblage contextuel a le mérite d'apporter des segments pertinents sans avoir recours aux données personnelles et tout en offrant un bien meilleur volume que les solutions par ID. C'est une alternative idéale pour les campagnes de prospection et d'acquisition. "Les bid requests sont elles-mêmes déjà très riches en données contextuelles : il s'agira pour l'industrie de mieux explorer ces informations pour en extraire de quoi optimiser les campagnes", analyse Rémi Lemonnier. "L'analyse des contenus lus par les internautes permet de faire du ciblage très affinitaire et précis dans un monde sans cookies et sans identifiants et tout aussi efficace en performance qu'en branding avec des résultats proches voire souvent meilleurs que ceux obtenus avec les cookies. Le reach accessible via ce type de ciblage est beaucoup plus important que celui de n'importe quelle autre alternative aux 3rd party cookies", ajoute Margarita Zlatkova.
Inconvénients : Le ciblage contextuel ne permet en revanche pas de faire de retargeting ou de fidélisation. "Pour le reciblage et la fidélisation, il faudra en effet s'appuyer sur les solutions d'ID unique ou sur Fledge", en convient Margarita Zlatkova. Même limitation pour ce qui est de l'attribution : "Pour les campagnes à la performance, il faudra chercher la réponse du côté de la Privacy Sandbox", conclut Rémi Lemonnier.