La modélisation, avenir de la mesure des performances des campagnes digitales ?

La modélisation, avenir de la mesure des performances des campagnes digitales ? La modélisation gagne du terrain pour la mesure des performances. En parallèle, d'autres solutions sont déjà à l'étude pour garder un bon niveau d'optimisation en programmatique.

En 2020, à la suite de l'annonce de la fin des cookies tiers sur Chrome, un des sujets majeurs d'inquiétude du marché de la publicité en ligne était l'avenir de la mesure de la performance des campagnes digitales. Les mois et les années passant, les interrogations se sont multipliées. Alors qu'un énième report de la date de suppression des cookies tiers a été annoncé par Google cet été, le marché est plus serein. Son espoir : les méthodes de modélisation statistique.

 "Avant même que les cookies tiers ne disparaissent, on connaissait déjà une sorte de chaos insoluble pour reconstituer les parcours des internautes, et cela pour trois raisons principales : le marché n'a jamais trouvé de solution fiable cross device en dehors des walled gardens. Les plateformes qui captent les plus d'investissements, comme Facebook et YouTube, ne nous permettent pas de traquer les campagnes, et il n'a jamais été possible de concilier l'exhaustivité des actions marketing et publicitaires et ce tracking idéalement parfait", déclare Masaki Halle, directeur de l'expertise data chez Havas Media France. "Le tracking parfait n'ayant jamais existé, les problèmes d'attribution posés par l'extinction de ces identifiants tiers ne sont pas insurmontables, bien au contraire."

L'expert de chez Havas Media ne tourne pas autour du pot : pour lui la modélisation statistique (MMM) est la meilleure réponse à la fin des cookies tiers sur Chrome et partout ailleurs. C'est ce qui permet aux marques de mesurer la performance de leurs campagnes à des niveaux de précision jugés satisfaisants. "Les études MMM sont passées d'un statut d'aide à la décision stratégique à un statut tactique au service des équipes qui gèrent les campagnes : on peut descendre très bas en granularité pour mesurer une campagne, un format voire un emplacement", explique Masaki Halle. Disposant d'une part des données agrégées concernant les campagnes (volume d'impressions, clics, etc.) et d'autre part des données d'activité sur le site de la marque, les équipes peuvent créer et alimenter des modèles statistiques permettant d'estimer la contribution des différentes activations aux conversions et au business.

"Les mesures classiques sur la base de cookies n'étaient pas optimales"

Paul Leperchey, head of data chez Publicis Media, confirme la montée en puissance du MMM. "Les méthodes de traitement évoluent avec un retour en force de solutions déjà éprouvées issues de l'analyse statistique de données agrégées (MMM ou mesure d'incrémentalité, ndlr). Ces méthodes probabilistes introduisent un aléa de précision mais n'oublions pas que les mesures classiques sur la base de cookies n'étaient pas optimales elles-mêmes du fait de la nature même des cookies (périssables, multiples et bloqués par les adblocks, ndlr)", déclare-t-il. Il souligne aussi le fait que les outils du marché eux-mêmes évoluent pour proposer des alternatives, "que ce soit au travers des solutions d'analytics qui désormais proposent des fonctionnalités de probabilisation ou de collecte coté serveur afin de limiter la dépendance aux pixels tiers mais aussi et surtout avec l'émergence des clean rooms qui permettent d'opérer la donnée provenant de différentes sources dans des environnements conformes principalement à des fins de mesure et d'optimisation de la sollicitation publicitaire". Paul Leperchey rappelle par ailleurs que tous les indicateurs de performance ne sont pas nécessairement remis en cause par la fin des cookies tiers sur Chrome : "Les indicateurs liés aux clics, à la visibilité mais aussi et surtout à la brand safety et suitability sont faiblement impactés."

Un travail encore colossal

Concernant les API de mesure de Google dans le cadre de sa future Privacy Sandbox et dont les tests n'ont toujours pas commencé en Europe, "le travail est encore colossal pour faire émerger un véritable standard et il s'ajoute aux travaux liés à l'adressabilité (API Topics et Fledge) pour la création de nouveaux standards", rappelle Paul Leperchey. Pour sa part, Masaki Halle voit déjà dans les API de mesure de Google une alternative intéressante à l'avenir pour permettre aux marques de mener des expérimentations de type AB test pour justement faire évoluer leurs modèles de MMM appliqués aux campagnes. Des API qui de plus selon lui auront un intérêt particulier pour l'optimisation de l'achat programmatique dans la mesure où le futur outil de Google continuera de fournir aux professionnels un rapport indiquant pour chaque l'individu si une conversion a eu lieu ou non, en plus d'un second rapport avec pléthore de données agrégées sur les conversions. "Ces informations nourriront l'optimisation des campagnes programmatiques au fil de l'eau."

Paul Leperchey rappelle cependant que selon les besoins des campagnes, on devra observer l'émergence des méthodes de mesure mêlant approche modélisée et descriptive afin de restituer une information au plus près de la réalité des consommateurs. Sur ce point, ils convient de noter que les solutions par ID unique pourraient avoir un rôle à jouer pour restituer une lecture descriptive et déterministe au plus près de la réalité et bien plus précise que celle offerte par les cookies, mais à condition de disposer d'une parfaite interopérabilité et d'un volume d'identifiants conséquent.