Sophie Poncin (Utiq) "Utiq proposera du cross-site aux éditeurs et nos coûts seront compétitifs"

Le 12 juin le JDN publiait les principales inquiétudes des éditeurs français à l'égard d'Utiq. Double opt-in, logo des telcos, use cases... Sophie Poncin, directrice générale d'Utiq France, leur répond.

JDN. Utiq imposera l'affichage à l'internaute d'un bandeau de consentement qui lui sera propre en plus de celui diffusé par l'éditeur. Les éditeurs considèrent ce double opt-in comme un sérieux frein à l'acceptation des utilisateurs et à la pérennité de votre solution. Que leur répondez-vous ?

Sophie Poncin, directrice générale d’Utiq France. © Utiq

Sophie Poncin. Cela ne se passera pas tout à fait comme ça : dans la majorité des cas, le visiteur arrive sur un site connu, où il a déjà fait son choix. Cela signifie que l'affichage de deux fenêtres de consentement n'aura lieu qu'exceptionnellement. Et même dans ce cas, on pourra tout à fait envisager de lui proposer la fenêtre Utiq de manière décalée, à un autre moment plus judicieux, lors d'une prochaine session ou 24 heures après. En fonction de son profil et de celui de ses audiences, l'éditeur pourra mettre en place la stratégie la plus adaptée pour maximiser son taux de consentement. Nous ferons tout de manière à ce que l'expérience utilisateur soit préservée.

Une précision importante : si l'utilisateur ne donne pas son consentement à Utiq, cela n'invalide en aucune manière le consentement qu'il aura déjà donné à l'éditeur. L'éditeur n'a par conséquent rien à perdre. Rappelons par ailleurs que l'affichage de cette fenêtre de consentement propre au service Utiq est une des recommandations que nous avons reçues de la Cnil, que nous appliquons scrupuleusement. Le respect de l'utilisateur est à la base de la création d'Utiq. Nous proposerons à l'utilisateur également un lien vers son consent hub, un portail qui lui permettra de tout savoir sur son historique de consentements, site par site, et qui lui offrira la possibilité, s'il le souhaite, de les modifier.

Des éditeurs se montrent déçus quant à l'absence des logos des opérateurs télécoms du bandeau de consentement Utiq. Qu'en pensez-vous ?

Dans les nouvelles versions d'Utiq, les logos des opérateurs sont affichés. En France par exemple, vous aurez les logos d'Orange, de SFR et de Bouygues (SFR et Bouygues sont en train de s'associer à l'initiative en tant que partenaires, ndlr.). Dès le premier écran on verra en bas les logos des opérateurs. Cela explique sans doute en partie les bons résultats que nous avons obtenus en Allemagne, où nous avons testé la solution pendant plus d'un an avec trois groupes médias, Axel Springer, RTL et IQ Digital et où nous avons obtenus des taux de consentement de plus de 80% sur la pop-in Utiq. Ce sont des résultats très rassurants que nous allons compléter avec de tests que nous démarrons en France dès juillet.

"En France, les logos d'Orange, de SFR et de Bouygues seront sur le bandeau de consentement"

Au-delà du taux d'opt-in, il faut penser en termes de base adressable, qui dans notre cas est de 30% à 35% supérieure à celle des autres solutions puisque Utiq adresse les utilisateurs de Firefox et Safari, disparus des radars depuis la suppression des cookies tiers dans ces environnement (depuis 2018, ndlr.)

Pourquoi imposer un deuxième bandeau de consentement si la solution d'Utiq n'implique pas de dépôt de traceur dans le device de l'utilisateur ni la transmission de ses données dans la chaîne publicitaire ?

En réalité, même si aucune donnée personnelle ne circule dans la chaîne publicitaire, il y a bel et bien dépôt de traceur sur le device de l'utilisateur. Nous utilisons le localStorage (méthode de stockage de données en local sur le navigateur pour un domaine précis, ndlr) ainsi que le cookie first party non pas pour reconnaître l'utilisateur mais pour y stocker les deux tokens dont la solution se sert pour fonctionner : le martech pass (utilisé par le publisher et d'une durée de vie de 90 jours, ndlr.) et l'adtech pass (utilisé pour l'achat média et d'une durée de vie de 24 heures, ndlr.).

"Il y a bel et bien dépôt de traceur sur le device de l'utilisateur"

Ce stockage en local permet au publisher et à l'écosystème publicitaire de ne pas devoir refaire des appels à Utiq pour redemander les tokens à chaque chargement de page. Cela permet d'éviter des latences. Nous sommes par conséquent responsables de ce traitement de données au sens ePrivacy. A noter que nous sommes également responsables de ce traitement au sens du RGPD, puisque, en début du processus, pour créer ces deux tokens, Utiq se base sur l'adresse IP, considérée comme une donnée personnelle, ce qui nous oblige à établir une base légale pour y avoir accès, en l'occurrence le consentement.

Beaucoup d'observateurs prétendent qu'Utiq se base sur la carte SIM de l'appareil et non sur l'adresse IP. Pouvez-vous nous donner les détails de la manière dont cette solution génère des tokens encryptés d'identification des mobinautes ?

Je confirme que l'identification de l'utilisateur se base sur l'adresse IP. Nous n'avons pas d'accès au device, nos intégrations avec les publishers passent par de simples scripts classiques : l'éditeur met un script Utiq sur sa page et l'appel est généré par le navigateur vers les serveurs d'Utiq, qui opèrent l'identification via l'adresse IP. Si nous devions nous servir de la carte SIM, cela nécessiterait des accès spécifiques aux devices des utilisateurs, ce que nous n'avons pas.

"Si nous devions nous servir de la carte SIM, cela nécessiterait des accès spécifiques aux devices des utilisateurs"

Toute la différence de notre solution et ce qui la rend unique est dans ce que Utiq est capable de faire avec une adresse IP. L'adresse IP bouge en effet assez régulièrement : sur du mobile, quand on se déplace, l'adresse IP n'est pas la même, elle évolue d'une antenne à une autre. Un acteur lambda de l'industrie ne peut en effet faire du tracking précis sur la base des adresses IP, même si la méthode du fingerprinting s'y essaie avec des résultats mitigés. Utiq arrive à le faire parce que ces adresses IP qui changent sont justement fournies par les opérateurs télécom, eux-mêmes à l'origine d'Utiq.

Rappelons comme tout cela fonctionne : afin que le mobinaute accède à internet et soit facturé sur sa consommation de ses données selon les modalités prévues contractuellement, le telco lui assigne une adresse IP. Le telco sait par conséquent à quel contrat correspond chaque adresse IP : de l'adresse IP il identifie le "network ID" de l'utilisateur. C'est bien ce "network ID" que le telco encrypte pour générer le consent pass, fourni à Utiq, soit un token pseudonymisé unique. Utiq n'a accès qu'au consent pass, jamais au network ID, qui lui reste chez le telco. Enfin, de ce consent pass Utiq génère deux versions d'identifiants qui resteront disponibles sur la page de l'éditeur : le martech pass et l'adtech pass.

Y aura-t-il une solution de type cross-site proposée aux publishers ? Ce n'est pour l'instant pas le cas selon les éditeurs consultés.

C'est déjà le cas, c'est prévu. Tout propriétaire de site travaillant avec Utiq bénéficiera de la même implémentation : éditeurs comme annonceurs disposeront des deux pass, le martech pass et l'adtech pass. L'éditeur pourra se baser sur le martech pass pour faire de l'extension d'audience (avec les DSP) et de la curation (avec les SSP qui arriveront bientôt aussi), par exemple.

"Les premiers partenariats avec les acteurs qui comptent en France, DSP comme SSP, arriveront vite"

Rappelons les fondamentaux de ces deux pass. Le martech pass sera cross domaine et bientôt cross device - desktop encore cette année, demain la CTV, cross web/app et compatible aussi avec les connections Wifi cette année. D'une durée de 90 jours, il permettra au publisher de créer ses audiences first party et faire l'analytics sur l'ensemble de ses sites.

Quant à l'adtech pass, qui change toutes les 24 heures, tout publisher, annonceur ou éditeur pourra s'y appuyer pour le déploiement de campagnes. C'est uniquement la plateforme technologique partenaire d'Utiq, en l'occurrence pour le moment uniquement Adform, qui sera en mesure de récupérer les clés pour déchiffrer l'adtech pass et répondre aux use cases publicitaires en matchant ces audiences avec celles du martech pass des publishers. Là encore Utiq protège l'utilisateur mais également le publisher en empêchant tout risque de fuite de données.

On vous reproche le choix d'un DSP qui n'a pas de marché en France. Puis l'absence de toute autre précision concernant d'autres stacks (SSP, DMP…) possibles. Que pouvez-vous y répondre ?

Utiq est déjà en discussions avec les acteurs qui comptent en France, DSP comme SSP. Les premiers partenariats arriveront vite. Nous sommes en phase de démarrage. Historiquement Utiq a été testé en Allemagne, où Adform, qui s'est beaucoup investi sur ce projet, est bien installée. Un partenariat à l'échelle européenne a été noué avec eux et c'est très bien comme cela. Mais il est clair que cela va vite évoluer.

Les groupes médias que nous avons consultés nous confirment qu'à ce stade Utiq leur propose une intégration gratuite. Quel sera le modèle économique d'Utiq à l'avenir et ne risque-t-il pas de se calquer sur ce qui est fait aujourd'hui en TV segmentée où la facture est selon eux assez salée pour les chaînes, de l'ordre de 30% à 35% ?

La comparaison avec la TV segmentée n'est pas pertinente. En TV segmentée, l'apport technologique et de data des telcos est massif, c'est quasiment du full stack avec les boxes, c'est donc un apport de services qui donne lieu à un partage de revenus. Utiq, ce n'est pas du tout la même configuration. Par conséquent nos tarifs ne seront pas du tout fixés sur les mêmes ordres de grandeur, on sera sur une moyenne adtech compétitive.

Nous prenons le temps d'analyser plusieurs pistes pays par pays. Nous cherchons à définir la meilleure approche en cohérence avec la valeur significative que nous apportons. L'enjeu pour les éditeurs et les annonceurs est massif. L'éditeur doit pouvoir continuer de valoriser ses inventaires, sachant qu'une impression qui n'est pas adressable perd 50% de sa valeur. Quant à l'annonceur, son ROI s'effondre quand il ne peut pas cibler ses audiences. Ce qui est sûr, c'est que nous serons cohérents et compétitifs.