Roy Yanai (AppsFlyer) "La Privacy Sandbox est une solution robuste sur l'in-app malgré ses limitations liées à la privacy"
Roy Yanai, VP produit mesure d'AppsFlyer, décrypte avec le JDN les principales différences des API de ciblage, reciblage et attribution de la Privacy Sandbox pour l'environnement in-app comparé à la version web.
JDN. Le marché a eu l'occasion de tester et d'analyser la Privacy Sandbox (PS) surtout pour le web mais pas pour l'environnement in-app. Vous maîtrisez le sujet puisque vous proposez vous-même une solution de remarketing et de d'attribution se servant des API de la PS pour l'environnement mobile. Les principes de la PS sont-ils les mêmes pour Android que pour Chrome ?
Roy Yanai. De manière générale, la solution mobile reprend la Privacy Sandbox, qui a été conçue pour le web, et l'adapte à l'écosystème mobile. Les principes de base restent les mêmes, mais il y a plusieurs petites différences. En voici un exemple. Dans l'API Protected Audiences (ex-Fledge, dédiée au reciblage, ndlr), la création et la définition des audiences sont réalisées sur les assets de l'annonceur. Cela signifie que pour pouvoir cibler un segment, la DSP doit disposer d'un SDK intégré à l'application de l'annonceur. Or, la plupart des DSP n'ont pas de SDK. Ceci étant, cet API introduit un nouveau concept sur le mobile : le MMP (partenaire de mesure mobile de l'annonceur pour l'attribution des campagnes, comme AppsFlyer notamment, ndlr) disposant d'un SDK côté annonceur peut se charger d'ajouter l'audience à la DSP, et ainsi soulager la DSP et l'annonceur de la nécessité de développer ou d'installer un autre SDK en conséquence. Un autre exemple de différence entre la version web et la version in-app concerne l'API d'attribution : sur la solution mobile, un nouveau concept permet une attribution inter-réseaux même sans redirection d'un clic. Au final, la PS est une solution robuste sur l'in-app malgré ses limitations liées à la privacy.
Est-ce que cette nouvelle méthode d'attribution sans redirection de clic améliore ce qui était proposé jusque-là par la PS ?
Cela vient répondre à des besoins spécifiques de l'environnement mobile qui est très fortement centré sur la promotion de l'installation des applications (et par conséquent sur l'attribution des campagnes publicitaires qui favorisent ces installations, ndlr). Si on revient un petit peu en arrière, la PS permettait d'attribuer chaque ad network (réseau social, site web, où une publicité pour promouvoir l'application a été diffusée, ndlr) ayant participé à une conversion en last click via ce qu'ils appellent la redirection cross networks. Mais de nombreux ad networks se sont plaints de cette méthode de redirection des clics. PS a donc proposé quelque chose de différent : enregistrer quand un clic a lieu en indiquant d'où il est venu afin que les ad networks n'aient plus à rediriger chaque clic.
Les analystes français ont été déçus par Privacy Sandbox pour Chrome, car l'éditeur (et donc le développeur d'applications potentiel) perd le contrôle. Sur Topics, ils doivent s'appuyer sur Chrome pour segmenter les audiences en fonction de leurs centres d'intérêt. De plus, l'industrie estime que la taxonomie ne répond pas à ses besoins et que, sur le web, la prise en compte du sous-domaine pour classer le centre d'intérêt n'est pas suffisante. Comment cela se passe sur Android ?
Sur mobile, Topics est principalement basé sur l'usage de l'application par l'utilisateur final. L'industrie ne l'a pas encore testé sur mobile, l'adoption de la Privacy Sandox sur mobile par les régies et les annonceurs étant encore naissante. Mais nous pensons en effet que les retours de l'industrie concernant Topics sur le mobile seront les mêmes que ceux déjà commentés sur le web pour la taxonomie et la granularité du ciblage. Au final, il faudra considérer la Privacy Sandbox comme une solution de ciblage sur la base des centres d'intérêt. Ce sera différent et certainement pas comparable à ce que propose par exemple un réseau social, ce sera autre chose.
"Topics n'est pas la seule solution pour le ciblage des campagnes"
Ceci étant, Topics n'est pas la seule solution pour le ciblage des campagnes. N'oublions pas que l'API Protected Audiences servira elle aussi au ciblage d'audiences sur la base de centres d'intérêt. Cet API permet aux régies et aux annonceurs de définir des audiences aussi bien pour le retargeting, principal use case de l'API, que pour l'acquisition d'utilisateurs. Pour ce second cas d'usage, il suffirait par exemple d'exclure les visiteurs de son app de ses segments de ciblage. Par ailleurs, comme cela se fait sur un réseau social, les audiences de l'application X pourront être utilisées pour le ciblage d'une campagne d'une application Y si les deux app sont d'accord pour cela. Ce sera un cas d'usage très intéressant je pense sur la Privacy Sandbox.
En ce qui concerne Protected Audiences, l'industrie critique également le fait que ce sera Google et non un serveur tiers et neutre qui se chargera de la gestion des enchères. La même conception sera-t-elle observée sur Android ?
En effet, il n'y a pas de différence entre ce qui est proposé sur le web et ce qui est appliqué pour l'environnement in-app.
Qu'est-il possible de mesurer avec la Privacy Sandbox et quelles sont les principales différences par rapport au système actuel basé sur l'identifiant Google Advertising ID (GAID) ?
L'API d'attribution est une solution performante de mesure et d'optimisation qui contient à la fois des rapports au niveau des événements et un rapport de synthèse avec des données agrégées. La plupart des éléments que nous pouvons mesurer aujourd'hui seront également pris en charge par l'API d'attribution de la Privacy Sandbox : app to app, web to app, app to web. En deux mots, l'API d'attribution de la PS c'est très bien, ça marche, même s'il est vrai qu'un certain nombre de fonctionnalités importantes manquent si l'on compare au système actuel basée sur le GAID et le GP referrer (Google Play Install Referrer, ndlr). Par exemple, comme la data reste liée à l'appareil de l'utilisateur, elle disparaît quand ce dernier supprime l'application. Cela signifie que l'on ne peut pas savoir quand une application est réinstallée (et non installée pour la première fois).
"L'attribution cross device n'est pas possible"
Pour les mêmes raisons, l'attribution cross device n'est pas possible (ce qui est un cas d'usage majeur aujourd'hui, ndlr). Autre exemple, on ne pourra plus analyser à la fois l'installation et le réengagement d'un même utilisateur : ces deux informations seront fournies séparément. Enfin, la lifetime value est limitée par l'API d'attribution, alors qu'aujourd'hui il n'y a pas de limite. Il faut juste comprendre que les raisons de privacy impliquent naturellement ces limitations.
Avez-vous testé et comparé les performances de Privacy Sandbox Android par rapport à ce qu'il est encore possible de faire aujourd'hui ?
Nous testons et évaluons les solutions Privacy Sandbox par rapport au GP Referrer et à GAID. Nous continuerons à tester les solutions et à innover dans le cadre de Privacy Sandbox pour nous assurer que la technologie de protection de la vie privée et les informations marketing enrichies sont indissociables. Pour ce qui est des performances marketing, AppsFlyer n'étant pas positionné du côté buy side, nous ne pouvons pas comparer la PS avec le système actuel. Mais pour ce qui est de la mesure, l'API d'attribution de la PS représentera pour nous une source d'information au même titre que le GP Referrer, qui sera maintenu d'après ce que nous avons compris. Nous sommes confiants en notre capacité à continuer de fournir des informations d'attribution couvrant tous les canaux avec la même qualité.
AppsFlyer vient de lancer une solution de remarketing et de mesure basée sur la Privacy Sandbox pour Android. Est-elle disponible pour les tests ?
Le lancement est actuellement destiné surtout aux partenaires DSP qui souhaitent tester la solution avec AppsFlyer. Nous espérons pouvoir permettre aux annonceurs de la tester dès le dernier trimestre.