AdSense change de modèle : les conséquences pour les publishers et les annonceurs

AdSense change de modèle : les conséquences pour les publishers et les annonceurs Avec la rémunération à l'impression plutôt qu'au clic, il y aura des perdants et des gagnants.

A partir de début 2024, les publishers membres du réseau AdSense de Google ne seront plus rémunérés sur la base des clics mais des impressions affichées. Le changement de modèle, annoncé par Google jeudi 2 novembre, est présenté par ce dernier comme salutaire parce qu'il permettra aux éditeurs de comparer plus facilement les performances d'AdSense avec celles procurées par des plateformes de monétisation concurrentes (SSP, vente directe, etc.), qui payent le display au CPM. L'argument est juste, à un détail près : le membre lambda d'AdSense n'est pas un éditeur mature ou la marque média premium qui s'équipe de différentes solutions de monétisation.

Ce programme de la régie publicitaire de Google est plutôt destiné aux petites structures, c'est-à-dire des sites proposant des outils gratuits en ligne, des forum ou des blogs, qui cherchent une solution pratique pour automatiser la diffusion des campagnes dans l'espoir de générer une ligne de revenus. Alors pourquoi un tel changement ? Et aura-t-il des conséquences sur les revenus de clients ?

"Google nous présente la chose comme n'ayant aucun impact négatif pour les annonceurs comme pour les publishers, qui ne devraient pas voir leurs revenus bouger. Ce serait juste une lecture différente pour les publishers. Mais je ne vois pas comment Google fera pour maintenir un niveau de revenus identique pour les publishers qui ont des taux de clics élevés. En passant à l'impression, ces derniers devraient voir leurs revenus baisser", déclare Rémy Bendayan, cofondateur et CEO de Datashake. Emmanuel Naïm, team leader SEA chez ESV digital, est beaucoup plus prudent : "Je ne pense pas que Google prendrait le risque de perdre des publishers bien établis. Ils trouveront un moyen de rééquilibrer les choses." Sans compter que ce n'est un secret pour personne que les internautes ne cliquent pas sur les pubs display ou alors que très rarement…

A l'inverse, "les sites qui ont du trafic mais peu de clics sur les bannières AdSense pourront gagner plus", ajoute Rémy Bendayan. "Ce changement permettra aux petits sites d'être rémunérés même si les visiteurs ne cliquent pas sur les publicités. C'est beaucoup plus avantageux pour eux et cela risque de stimuler d'autres personnes à rejoindre AdSense", confirme Emmanuel Naïm.

Ce sera en effet avantageux pour ces acteurs, à condition cependant de ne pas se trouver noyés dans une masse de publicités de mauvaise qualité diffusées par des annonceurs qui cherchent surtout un inventaire pas cher dans une optique de performance pure. Car de fait, AdSense vient nourrir la masse d'inventaires qui composent le réseau display de Google Ads et que les annonceurs activent à des visées très ROIstes. "Le profil de l'inventaire display sur Google Ads composé de sites moins connus est différent de celui que l'on peut trouver sur DV 360 où on accède à des sites premium de marques médias très connues", résume diplomatiquement Emmanuel Naïm.

Les annonceurs eux aussi pourront gagner d'après l'analyste. "En stimulant d'autres personnes à devenir membres d'AdSense, le changement de modèle de rémunération du clic vers l'impression va peut-être baisser le coût du CPM et sans doute renforcer le reach du display sur Google Ads." Ce qui pourrait expliquer en partie la décision de changer le modèle prise par Google, qui cherche à pousser Performance Max, une solution qui automatise l'achat média, distribuant les budgets sur tous les formats (search, display, vidéo…) afin de répondre aux objectifs de performance des annonceurs.

Pas sûr cependant que tous les annonceurs en sortent avantagés. Mohamed Zaraa, consultant en web marketing et Google Ads, habitué à conseiller des annonceurs locaux, table sur une possible hausse du prix des campagnes. "Cela ne coûtait pas cher à l'annonceur de se servir du display sur Google Ads pour faire du branding à une population ciblée : il savait que même si l'internaute ne cliquait pas, il pouvait au moins lui exposer sa marque pour pas cher. Avec le changement du modèle du clic à l'impression sur AdSense, ce type de tactique ne sera plus possible car Google devra payer pour les impressions. Soit ces dernières vont coûter plus cher à l'annonceur, soit Google sera beaucoup plus vigilant et restreindra la diffusion des campagnes", résume-t-il.

Emmanuel Naïm relativise : "Google va sans doute être plus regardant sur les emplacements où la campagne sera diffusée pour obtenir des résultats. De fait, les algorithmes diffusent la campagne là où c'est plus pertinent. Pour une campagne locale et bien ciblée, les annonceurs pourront se retrouver avec de meilleurs taux de clics sur des sites de niche qui auront désormais plus intérêt à venir prendre part à AdSense."

Plus de transparence sur les commissions

En parallèle du changement du modèle économique, Google apporte une nouvelle manière de structurer ses commissions, qui elle va sans doute dans le sens d'une plus grande transparence. Au lieu de reverser à l'éditeur 68% du revenu procuré par la publicité, Google lui reversera 80% des recettes nettes, c'est-à-dire une fois décompté ce qui a été facturé à l'annonceur par la plateforme côté achat.

"Lorsque Google Ads achète des annonces display sur AdSense, Google Ads conserve en moyenne 15% des dépenses de l'annonceur. Dans l'ensemble, les éditeurs continueront de conserver environ 68% des revenus", explique Dan Taylor, vice-président global ads chez Google, dans le billet de blog annonçant les changements. Donc a priori pas d'augmentation des commissions en vue. "Lorsque les annonceurs utilisent une plateforme tierce pour acheter des annonces display sur AdSense, les éditeurs conserveront 80% des revenus une fois que la plateforme tierce aura perçu ses frais", précise-t-il. Le réseau Google Adsense est de fait accessible aux autres plateformes d'achat (DSP) du marché.