Comment Yves Rocher France mesure l'efficacité de ses campagnes sans dépendre des cookies
La marque iconique de la cosmétique végétale française Yves Rocher n'a pas attendu la fin imminente des cookies tiers sur Chrome pour changer ses méthodologies de mesure des performances et de pilotage de ses campagnes médias. "Pour l'achat média sur la plupart des leviers digitaux (display, social media, search et DOOH, ndlr) nous sommes prêts. Quant à la télévision, nous espérons pouvoir mesurer très prochainement son impact sur notre activité", assure Arnaud Donet, directeur média chez Yves Rocher France. Et pour cause : "Cela fait plusieurs années que les résultats des outils d'analytics et d'attribution, et même les plus pointus, sont fortement biaisés par la baisse sensible de traceurs disponibles. Depuis la montée en puissance de l'usage des ad blockers et l'entrée en vigueur du RGPD en mai 2018, le volume de donnée disponible traçable avec les cookies ne cesse de chuter. Or, les outils d'attribution dépendent grandement des cookies pour fonctionner et les connexions en server side ou les modèles probabilistes ne compensent pas totalement cette perte d'efficacité. La différence maintenant, c'est que tout s'accélère."
Depuis 2020, quand l'annonceur s'est fixé une roadmap rigoureuse de tests et d'analyse, la marque a passé en revue trois grands types d'approches : les outils d'attribution classiques (type Google Analytics ou Eulerian), le marketing mix modeling (MMM) et les AB test, avant de choisir ces derniers. Cela parait simple mais il a fallu plusieurs années de tests à la marque pour trouver chaussure à son pied. Un enjeu d'autant plus capital que près de 90% du budget média d'Yves Rocher France, estimé à "plusieurs millions d'euros" par an, est investi en digital. Il est par conséquent impératif pour la marque de connaître les leviers les plus porteurs afin de repartir son budget. "Avec un AB test, nous pouvons très précisément connaître le retour en chiffre d'affaires que nous obtenons pour chaque euro investi en achat média", déclare Arnaud Donet. Les populations "témoin" et "test" sont isolées sur la base de critères géographiques. C'est ainsi par exemple que la marque a pu valider la puissance du social media, avec l'accompagnement de son agence média Jellyfish, ou encore la distance à partir de laquelle le DOOH perd de son efficacité.
Les méthodes de l'attribution digitale classique et du MMM n'ont pas été écartées pour les mêmes raisons. Si l'attribution est considérée par l'annonceur comme prodiguant des résultats difficiles à interpréter et biaisés, pour le MMM, c'est différent : "Le MMM est une méthode très intéressante mais encore trop lourde à mettre en place au sein de notre marque à ce jour. De plus elle ne s'adapte pas totalement à notre modèle qui est sujet à une forte variabilité notamment liée à notre stratégie CRM", explique-t-il.
Il reste cependant que l'outil qui répond précisément aux besoins de la mesure ne peut pas être le même pour le pilotage. "Les AB tests demandent du temps pour nous permettre d'en tirer les bonnes conclusions alors que le pilotage doit se faire sur une remontée quotidienne de données", affirme Arnaud Donet. Alors, comment faire pour piloter sur la base des apprentissages des tests ? En établissant des corrélations entre les données issues des AB tests et les données utilisées pour le pilotage. "A travers les AB tests nous pouvons savoir par exemple que ce que nous remontent nos outils d'analytics comme coût d'acquisition sur le social media ou le display ne reflète pas la réalité. Nous pouvons cependant prendre cette valeur non pas à la lettre mais comme un indicateur de référence pour le pilotage : si nous la dépassons, cela signifie que nous devons modifier le set-up de notre campagne", explique le marketeur. De quoi lui permettre de piloter la campagne au quotidien tout en sachant que la valeur de référence ne reflète pas la réalité.
Certaines plateformes, comme Meta, facilitent la mise en place de ces AB tests selon le marketeur : "Conversion Lift chez Meta par exemple est très puissant et pratique pour nous. Mais Meta étant juge et partie, nous pensons qu'il est important de contrôler cela régulièrement. Pour l'instant leurs résultats sont justes", précise l'expert. Ces AB tests étant coûteux et relativement longs à mettre en place, sans compter qu'ils privent la marque des populations témoins, non exposées à la campagne, il n'est pas conseillé d'en abuser !