Les 10 principales tendances du marché publicitaire en 2024

Les 10 principales tendances du marché publicitaire en 2024 Le marché a du pain sur la planche pour se passer des cookies tiers, intégrer l'IA sur toute sa chaîne de valeur ou apprendre à gérer tous les canaux pour le planning media.

L'année 2024 s'annonce très agitée dans le domaine de la pub. Il n'y a pas que les aspects pratiques et opérationnels de la disparition des cookies tiers qui occuperont fortement le marché publicitaire. Ce dernier sera également témoin de l'accélération de changements structurels déjà à l'œuvre, comme la montée en puissance des plateformes riches en data et la poursuite de la perte d'intérêt pour le display dans un environnement programmatique qui fait sa mue vers le branding (CTV) et le retail media (activations off site).

Voici les dix principales tendances qui se dégagent pour cette année, passées au crible de huit experts, dirigeants et responsables d'agences média, data et conseil (GroupM Nexus France, 79, Havas Media, fifty-five, Jellyfish et Making Science) et d'une régie (Prisma Media).

#1 La transition vers les cookies tiers s'annonce laborieuse

En ce début 2024, on pourrait croire le marché prêt pour accueillir la fin des cookies tiers. Or, rien de tel. Mis à part pour les solutions contextuelles, la majorité des alternatives à de fins de ciblage sont très loin d'être déployées massivement, à commencer par la Privacy Sandbox et les ID universels, et sans oublier Utiq. "Le marché n'est pas prêt alors que l'heure tourne. Sur la Privacy Sandbox, il n'y a rien de très concret pour l'instant à tester. Concernant les nombreuses solutions alternatives, dont certaines très prometteuses, aucune ne se démarque à ce stade par manque d'adoption", commente Pauline Boedels, directrice générale de 79 (Havas Media Network), agence très active dans les tests des différentes alternatives aux cookies tiers. "2024 sera l'année où le marché devra choisir les solutions qu'il souhaitera mettre à l'échelle. Et pour cela un vaste chantier devra avoir lieu afin que tout soit interconnectable et compatible", précise Paul Ripart, directeur commercial programmatique et data chez Prisma Media.

Les choses devraient cependant se débloquer vite à entendre Aurélie Chaux, directrice générale de GroupM Nexus France : "Maintenant que nous sommes à peu près sûrs que la fin des cookies tiers ne sera pas à nouveau décalée par Google, les choses pourront évoluer très rapidement sur le premier trimestre et ce sera particulièrement le cas du volet mesure."

#2 Mesure : vers beaucoup de complexité

La perspective de la fin des cookies tiers a favorisé l'émergence d'une multitude de solutions de mesure et d'attribution cherchant à adresser les différents besoins des annonceurs – AB tests géographiques, MMM, data clean room, CAPI (conversion API) de Meta, Enhanced Conversions chez Google, etc. "Ces solutions supposent des intégrations technologiques qui demandent du temps et de l'accompagnement. Il est clair que les annonceurs ne sont pas en ce début d'année très en avance sur ces sujets malgré l'approche de la fin des cookies tiers", déclare Aurélie Chaux. "Toute cette fragmentation aura des conséquences financières pour les éditeurs mais également pour les annonceurs avec de nouveaux coûts liés aux nouveaux outils et compétences à déployer", analyse Jérôme Colin, directeur conseil chez fifty-five.

Cette absence d'outil de mesure global et unifié favorise également la montée en puissance de l'attention, qui commence à s'industrialiser auprès des agences, comme en témoigne 79 qui a  testé les principales solutions de mesure de l'attention du marché pour en faire large usage en 2024. "En l'absence de cookies il nous faudra mesurer différemment la performance des campagnes et l'attention sera clé dans ce contexte", estime Pauline Boedels. Un constat partagé par Paul Ripart : "2024 sera l'année de la montée en puissance de nouveaux KPI comme celui de l'attention qui commencera à se structurer."

#3 "La pub est de retour", le gâteau va-t-il continuer de grossir ?

"Netflix, Disney, Uber, Deliveroo, les retailers… Toutes les entreprises qui ont des sites et applications avec un bon niveau de trafic et des audiences qualifiées parce qu'intentionnistes sur des sujets précis se mettent à faire de la publicité. Le résultat pour les annonceurs est que les canaux se multiplient", observe Jérôme Colin. "La pub est de retour. Le modèle économique de l'abonnement s'essouffle. La croissance de tous les grands de ce monde, des plateformes telles que Netflix, Disney+ ou Amazon, va devoir s'appuyer davantage sur la pub", confirme Paul Ripart. "Le gâteau publicitaire va continuer de grossir", ajoute-t-il. La pression de la concurrence risque d'être encore plus forte sur ceux qui ne disposent pas de data ou d'environnement premium à offrir.

#4 Le renforcement des leviers qui disposent de data (les Gafam mais pas que)

Les annonceurs vont continuer de privilégier les environnements capables d'offrir ce que l'open web offre de moins en moins : la capacité de cibler, mesurer et attribuer. Les grands gagnants continueront d'être le search, le social et le retail media, soit des canaux assis sur des montagnes de data. Ce n'est pas un hasard si les régies multiplient les accords stratégiques avec les retailers pour accueillir des dispositifs d'extension d'audience avec la data de ces derniers, comme c'est le cas de Prisma/Vivendi avec Valiuz ou, dès 2022, de TF1 avec Infinity Advertising.

#5 Pas de surprise, le retail media va continuer d'accélérer

Levier phare de ces dernières années, le retail media devrait continuer de capter de nouveaux budgets en 2024. "Les équipes dédiées au retail media font partie de celles qui vont le plus grossir chez nous dans les mois à venir. Non seulement nous gagnons de nouveaux clients mais en plus ceux qui s'étaient déjà positionnés augmentent leurs budgets", confie Aurélie Chaux. Une manne qui continuera de favoriser l'émergence de nouvelles régies et technologies notamment pour explorer des leviers encore sous exploités comme l'off site (extension d'audience avec la data des retailers), de nouveaux formats, comme la publicité shoppable (Prisma par exemple s'apprête à lancer son propre format courant 2024), mais également pour favoriser la convergence entre le digital et le parcours en point de vente  physique.

#6 Le programmatique va se renforcer sur le branding

La tendance de désaffection des annonceurs pour le display programmatique devrait se poursuivre, du moins vis-à-vis des publishers pauvres en data (et qui n'ont pas encore noué des accords avec des retailers par exemple) et dont le contexte éditorial n'est pas suffisamment qualitatif ou sectorisé (pour les audiences intentionnistes). Mais cela ne signifie pas que les jours du programmatique sont comptés, bien au contraire. "En 2024, avec la fin des cookies tiers et le besoin des annonceurs de justifier chaque euro dépensé, le programmatique va se transformer pour répondre davantage aux besoins des campagnes de haut de funnel, un phénomène qui tend à s'accentuer avec la digitalisation de la radio et de la télévision", analyse Thomas Allemand, senior director adtech et supply Jellyfish.

#7 Le boom de la CTV et de la convergence TV et digital

Les annonceurs guettent avec impatience l'ouverture d'Amazon Prime Video à la publicité, prévue en France pour le printemps. Une entrée en scène qui devrait renforcer l'attrait de ce levier, grâce à une audience solide, estimée à 9 millions de foyers et surtout à une data déterministe sans égal sur ce marché. "En 2024, on observera une montée en puissance assez phénoménale des plateformes vidéo avec publicité grâce à l'arrivée d'Amazon Prime Video. Cela va bousculer les broadcasters français. La bataille se jouera désormais sur ce terrain : il y aura beaucoup de déports de budgets vers ces canaux pour aller chercher les gens qui ne regardent plus la télévision", déclare Philippe Bigot, directeur du département média vidéo chez Havas Media.

La transition des chaînes historiques vers le streaming et le tout digital, à l'instar de ce que lance TF1 en début d'année, ainsi que les discussions prévues cette année sur le marché français pour l'adoption des critères de mesure et de commercialisation communs au linéaire et au digital vont accélérer la convergence entre la TV historique et le digital. Une convergence qui se manifestera également à travers un phénomène d'hyper distribution de contenus, les chaînes et services de streaming voulant être présents partout sur tous les écrans et tous les environnements.

Mais attention : côté activation, mesure et contrôle de la fréquence l'écosystème a du chemin à faire. "Techniquement il n'est pas encore possible de relier simplement les écosystèmes CTV des box à ceux des smart TV à des fins d'activation, de gestion de la pression et de mesure des campagnes publicitaires. En attendant que ces barrières tombent, on ne doit pas opposer les écrans de CTV à la TV des box, ni le streaming au linéaire, mais travailler dans une logique de complémentarité. Par ailleurs, l'écosystème de la TV segmentée va encore évoluer en 2024 avec toujours plus d'injection d'intelligence data, notamment via l'intégration des données CRM des annonceurs au cœur de la publicité TV", conclut Thomas Allemand.

#8 Le casse-tête du media planning

La multiplicité des canaux rendra plus complexe le planning média d'autant que, avec la fin des cookies tiers, le marché table sur une baisse de visibilité des performances que chaque canal offrira. "Cette multiplication de canaux qui ne cesse d'augmenter ajoutée à la baisse de la capacité de mesurer et de cibler rend les décisions de média planning (le choix des supports, des canaux et les arbitrages budgétaires) très difficiles à prendre", déclare Jérôme Boukara, directeur de l'expertise et de l'innovation média chez fifty-five. "Alors qu'avant on achetait des liens sponsorisés sur un moteur de recherche principal voire deux, maintenant on le fait sur plusieurs et il faudra l'arbitrer en fonction de son industrie et des résultats que cela pourra apporter. Cela multiplie les plateformes, les accès et demande beaucoup plus de temps pour les arbitrages", complète-t-il. Les complexités opérationnelles s'observeront également dans le domaine de la télévision dans sa longue marche vers la mesure cross média.

#9 Vers un usage plus régulier de l'IA générative

L'intégration de fonctionnalités d'IA générative notamment pour la création d'assets de campagne a commencé à se développer en 2023 au sein de certaines agences créatives et devrait s'accélérer en 2024. Rappelons-le, Google et Meta ont déjà annoncé l'intégration de l'IA générative pour la création d'assets publicitaires au sein de leurs plateformes et de nombreux outils du marché, à commencer par Adobe, proposent ces fonctionnalités.

En 2024, l'IA générative sera également à l'œuvre dans la production des reporting des campagnes, d'insights et bientôt même dans l'amélioration des flux de données qui servent à alimenter les plateformes d'achat. "La nouveauté en 2024 sera l'utilisation de l'IA générative pour la création et l'amélioration des flux de produits qui enrichissent la diffusion des campagnes sur les plateformes automatisées d'achat média, dont notamment de shopping. Ce sera aussi idéal pour améliorer les pages produits des e-commerçants servant à alimenter le search pour les annonceurs du retail. Cette tâche ingrate et chronophage à ses jours comptés", déclare Jérémie Leitao, directeur général de Making Science France.

#10 Le marché des solutions green va continuer de se structurer

Les agences sont plus nombreuses à déclarer vouloir proposer de manière systématique en 2024 la mesure de l'impact carbone et le déploiement d'outils permettant de le baisser dans la création et la diffusion des campagnes. "Le bilan carbone des campagnes est un nouveau KPI à suivre en 2024. Il se développera fortement pour la mesure et l'optimisation. Et je ne serai pas étonné s'il devenait un vrai critère de commercialisation d'ici la fin de l'année", déclare Paul Ripart. "L'enjeu désormais pour les annonceurs et de généraliser l'intégration de ces critères dans leurs prises de décision et c'est ce qu'on verra en 2024 : une mise à l'échelle de l'intégration de la mesure carbone à l'achat média, y compris en  programmatique", conclut Thomas Allemand.