Fin des cookies tiers : le report à 2025 de Google n'est pas une surprise mais en dit long

Fin des cookies tiers : le report à 2025 de Google n'est pas une surprise mais en dit long En plus de problèmes évidents d'incompatibilité de calendrier, la décision de Google rendue publique quelques jours avant la publication du rapport trimestriel de la CMA laisse présager des nouvelles difficultés pour la Privacy Sandbox.

L'industrie de la publicité ne s'est pas trompée dans ses paris : la suppression des cookies tiers n'aura pas lieu cette année mais "dès le début de l'année prochaine" et cela si – et seulement si – Google arrive à obtenir le feu vert de la l'Autorité britannique de la concurrence, la Competition and Markets Authority (CMA), pour le déploiement de sa solution alternative aux cookies, la Privacy Sandbox. Google l'indique texto dans le bref billet de post diffusé au marché ce mardi 23 avril : "Nous restons déterminés à collaborer étroitement avec la CMA et l'ICO (le Bureau du commissaire à l'information, ndlr) et nous espérons conclure ce processus cette année. Si nous parvenons à un accord, nous envisageons de procéder à l'élimination des cookies de tiers dès le début de l'année prochaine."

A ce stade rien ne semble donc gagné pour Google : ce n'est pas un hasard si une telle décision est diffusée à quelques jours seulement de la publication par la CMA de son nouveau rapport de suivi. Publié tous les trois mois, ce document rend public les progrès réalisés par Google et les points encore à régler dans la mise en œuvre des mesures visant à respecter les engagements juridiquement contraignants pris par ce dernier auprès de la CMA pour résoudre les problèmes de concurrence soulevés par la fin des cookies tiers et l'adoption de la Privacy Sandbox sur Chrome.

"Si Google annonce reporter la suppression de la Privacy Sandbox à la veille de la publication par la CMA de son rapport de suivi, c'est très probablement que ce dernier indiquera que l'outil n'est pas prêt", en conclue un observateur bien placé.

Or, dès la publication du dernier rapport de suivi de la CMA, en février, il apparaissait évident que le calendrier d'évaluation par la CMA des mesures d'amélioration de la Privacy Sandbox était devenu incompatible avec une suppression des cookies tiers encore cette année :

  • Les points restant à régler, même s'ils n'étaient pas qualifiés de véritablement bloquants par les experts, étaient encore très nombreux en février dernier ;
  • En parallèle, la CMA a besoin de disposer des résultats des tests réalisés par le marché pour évaluer de nombreux points. Or ces derniers, qui devaient durer tout le premier semestre, commencent seulement à se généraliser ;
  • Dans les meilleurs des cas, la CMA disposerait de toute la documentation relative aux résultats des tests fin juin ;
  • La CMA dispose de jusqu'à 120 jours pour se prononcer après la réception de tous les retours des tests, période pendant laquelle Google est interdit de procéder à la suppression des cookies tiers ;
  • Il est facile de conclure que l'on arriverait pile dans la pire période pour une telle mesure : celle des fêtes de fin d'année, quand le marché publicitaire réalise facilement 40% de son chiffre d'affaires annuel.

"Cette nouvelle n'est une surprise pour personne. Pour mémoire, dès l'automne 2023, l'Alliance Digitale et d'autres acteurs encourageaient Google à décaler la suppression des cookies tiers. Non seulement le marché n'est pas encore suffisamment prêt mais les API de la Privacy Sandbox ne sont toujours pas suffisamment abouties et n'ont pas non plus répondu à l'ensemble des inquiétudes de la CMA au niveau concurrentiel. Ce nouveau délai va permettre au marché de continuer de travailler sur des solutions alternatives durables mais on peut toujours regretter qu'un seul acteur puisse avoir autant d'impact sur toute une industrie au niveau mondial", analyse Pierre Devoize, DGA en charge des affaires publiques chez Alliance Digitale.

Reste à savoir si Google réussira vraiment à convaincre aussi bien la CMA que toute l'industrie. Parmi les nombreux points soulevés par l'Autorité de la concurrence au sujet de la Privacy Sandbox qui restaient encore tout à fait d'actualité en début d'année, on peut citer la position privilégiée de Google vis-à-vis des sources de données et d'outils comme Google Ads Data Manager, la manière dont Google Ad Manager (GAM) se positionne sur les enchères sur Protected Audience API (PAAPI) pouvant fausser la concurrence, l'accès rendu difficile voire inexistant à certaines données clés relatives aux enchères, l'absence de support pour certains formats publicitaires, les lacunes des API de mesure, et cela sans parler du manque de transparence de l'outil, de l'absence d'un dispositif abouti de gouvernance présente et future et de la complexité et l'insuffisance de la documentation technique pour l'adoption de la Privacy Sandbox. Côté industrie, il suffit de se souvenir du rapport de l'IAB Tech Lab pour conclure que Google semble très loin du compte, même si ces critiques ne font pas l'unanimité sur tous les points.