Melen Aussel (Alliance Digitale) "Concernant les solutions d'ID, le marché côté demande n'est pas structuré"

A l'occasion de la publication par l'Alliance Digitale ce mercredi 12 juin d'un "Panorama des solutions de ciblage cookieless", Melen Aussel, colead du groupe de travail "adressability" qui a dirigé la publication, détaille l'état de l'adoption des solutions par identifiants.

JDN. Le "Panorama des solutions de ciblage cookieless" que l'Alliance Digitale publie ce mercredi 12 juin semble extrêmement exhaustif. Parmi ces solutions, les ID apportent pour la plupart une forte promesse de précision. Quel est leur niveau d'adoption à date ?

Melen Aussel est colead du groupe de travail "adressability" de l'Alliance digitale. © Alliance digitale.

Melen Aussel. Le niveau d'adoption est bon du côté des grands éditeurs, la majorité des bid requests venant des top éditeurs français transitent aujourd'hui avec au moins une solution d'ID. Du côté des éditeurs de la mid et long tail, le niveau d'adoption est beaucoup plus bas en revanche. Même chose pour le buy side : toutes les plateformes ne sont pas encore équipées. Même si les bid requests transitent avec des ID, le marché côté demande n'est pas encore structuré de manière industrielle.

Le panorama affiche pourtant pour chaque solution d'ID un nombre impressionnant de SSP et DSP compatibles. Vous maintenez que le problème d'interopérabilité n'est toujours pas réglé ?

Un bon nombre de ses inventaires avec ID sont disponibles via des mécanismes de curation proposés par les SSP ou alors poussés par les éditeurs jusqu'à leur SSP puis du SSP au DSP dans le cadre d'un deal proposé à un acheteur. Cela signifie que depuis un SSP on peut livrer un inventaire avec ID à un DSP. En revanche, si l'acheteur souhaite acquérir de l'inventaire comportant une de ces solutions depuis son DSP, ce sera plus compliqué. Les plateformes buy side n'étant pas équipées nativement, vous ne disposez pas de places de marché d'ID comme elles peuvent exister aujourd'hui avec les cookies tiers. Je pense que cela va évoluer au fur et à mesure que les agences et les annonceurs le demanderont.

Et concernant le besoin d'intéropérabilité entre ces différentes solutions ?

L'intéropérabilité entre les ID n'est pas encore une réalité. Il existe des initiatives ponctuelles. Par exemple The Trade Desk travaille sur son propre graph pour mapper différents ID. On peut donc acheter un ID5 ou un EUID sur The Trade Desk. Mais on ne peut pas encore le faire comme on le fait avec les monnaies : il n'y a pas de correspondance globale sur le marché, pas de synchronisation entre ces différentes solutions d'ID. L'annonceur ne peut par conséquent pas encore se reposer sur l'adtech par exemple pour, dans le cadre d'une campagne globale, acheter et capper peu importe l'ID utilisé.

Les outils publicitaires de Google (DV 360 et GAM) ne laissent pas circuler ces ID, sauf dans le cadre de PPID. Pouvez-vous nous le préciser ?

Google Ad Manager propose en effet cette fonctionnalité aux éditeurs équipés de son ad server/SSP. PPID permet à l'éditeur de faire passer un ID – peu importe lequel – à une sélection d'acheteurs se servant du DSP de Google, DV 360. Cela va donc uniquement dans le sens de l'éditeur vers l'acheteur et à l'intérieur des technologies publicitaires de Google. Ce n'est d'ailleurs pas une solution cross éditeurs. Cela permet de mettre en place des uses case de mesure et de capping mais à l'intérieur d'un seul et même éditeur et à condition que toute la chaîne travaille avec le stack Google.

Il faudrait que ces ID soient également adoptés par les annonceurs aussi bien sur leurs sites comme par leurs CDP pour permettre des use cases plus poussés comme le retargeting ou l'exclusion. Où en est le marché vis-à-vis de cette option ?

Certaines solutions de clean room et d'ID permettent déjà de répondre à ces besoins. Mais d'une manière générale, les tests sur ce type de besoin sont encore embryonnaires.

Au final,  le nombre de solutions par ID, cohortes ou contextuels/sémantiques est impressionnant quand on consulte votre panorama. L'annonceur et ses agences ne risquent-ils pas de se perdre ?

Il faudra partir du besoin de l'annonceur pour ensuite choisir l'outil. Si son besoin est de mesurer ou de contrôler la fréquence d'exposition, ce sera plus pratique pour lui de s'appuyer sur une solution d'ID. Ceci étant, il est plutôt rare qu'un internaute consulte plusieurs fois un même contenu : le capping en contextuel se fait donc naturellement. Autre exemple, un annonceur de voitures a deux options : soit cibler des personnes qui ont l'intention d'acheter une voiture en le ciblant directement (ID) soit les cibler en étant affiché dans les contextes qu'elles sont censées consulter (contextuel). En réalité, il aura intérêt à combiner les deux ciblages pour toucher un maximum de personnes et voir ce qui fonctionne le mieux. La raison est que les solutions d'ID seront confrontées globalement à une limite de reach.

D'autant que des menaces pèsent sur les ID probabilistes, non ?

Les menaces sont des deux côtés en réalité : probabiliste et déterministe. Il est vrai que les navigateurs ont de plus en plus tendance à bloquer les signaux qui nourrissent les méthodes probabilistes. D'un autre côté, les ID déterministes étant plus persistants, les utilisateurs peuvent être plus enclins à ne pas consentir à ce que l'on se serve de leurs données personnelles comme l'adresse e-mail pour créer un identifiant.

Et les éditeurs : comment gérer tous ces tags ?

En effet, les éditeurs ne pourront pas travailler avec toutes les solutions du marché. Ils devront en disposer d'un maximum au départ pour ensuite sélectionner celles qui leur apportent le plus de demande et donc de revenus. Et ce en attendant que tous les ID soient intéropérables.