Laurence Deléchapt (Médiamétrie) "Médiamétrie lancera avant la fin de l'année la première mesure automatisée de la publicité TV linéaire et non linéaire"

Un bêta test est en cours depuis le début de l'été avec cinq chaînes françaises. Les détails avec Laurence Deléchapt, directrice TV et cross média chez Médiamétrie.

JDN. Une première mesure de la publicité linéaire et non linéaire sur l'écran de TV est en bêta test en ce moment chez Médiamétrie. Quel est le périmètre de cette mesure ?

Laurence Deléchapt, directrice TV et cross média chez Médiamétrie. © Médiamétrie

Laurence Deléchapt. Aujourd'hui encore, tous les contenus publicitaires des programmes visionnés en délinéaire (en replay/preview, ndlr) sur les écrans de TV connectée, et qui ne sont pas des reprises des publicités diffusées en linéaire, ne sont pas intégrés au Médiamat. De plus, on ne mesure pas de la même manière ce qui se visionne en TV linéaire et ce qui se visionne en délinéaire sur l'écran de TV. Notre objectif avec ce test, c'est de mettre au point une toute première mesure standardisée et automatisée de la publicité à la fois en linéaire et en délinéaire sur les TV connectées (y compris les TV connectées via les box opérateurs, ndlr).

En assurant cette convergence entre le linéaire et le digital, notre objectif est de permettre aux annonceurs d'avoir une vision unifiée, complète et dédupliquée de toutes leurs campagnes à travers les différents chaînes TV et services de streaming, même si, pour l'instant, ce bêta test a été lancé avec cinq régies TV (membres du SNPTV, nldr). Ce test a vocation à être élargi à d'autres acteurs du marché.

Quand pensez-vous lancer cette mesure ?

C'est une question de semaines. Ce bêta test tourne toujours et nous espérons ouvrir la mesure au marché avant la fin de l'année. Nous avons travaillé avec toutes ces régies pour industrialiser le watermarking de l'intégralité des publicités diffusées en délinéaire, un processus qui s'est terminé juste avant l'été et nous avons ouvert une première phase de mesures en bêta en juin.

Un des plus gros points de friction pour cette convergence entre le linéaire et le non linéaire est la notion de contact. Quelle solution avez-vous trouvée pour cette mesure ?

En effet la manière dont on mesure un contact en TV et en digital n'est pas la même.  En TV, le contact est pondéré par la durée : si l'individu visionne 50% d'une publicité, on le comptera comme un demi-contact. En digital, une vidéo visionnée plus de 2 secondes sur 100% de sa surface comptera pour une impression donc pour un contact, selon la norme définie par le Media Rating Council (MRC). De plus, en délinéaire, la mesure impose un seuil technique de 15 secondes de détection des watermarks insérés dans le son des publicités et détectable par l'audimètre des panélistes du Médiamat. Un autre point de divergence concerne le fait que derrière une impression digitale, vous pouvez trouver plusieurs personnes, car une impression, c'est une publicité envoyée sur un terminal. Pour la publicité TV linéaire, le contact est mesuré par panel au niveau individuel.

Le MRC précise que deux niveaux de lecture doivent être indiqués pour la mesure des contacts : avec et sans la pondération par la durée de vision. Pour cette mesure cross-média,  le contact CTV doit durer au moins 15 secondes pour être compté. Cela revient à appliquer une norme pour le calcul du reach CTV très proche de celle appliquée sur le linéaire. La mesure est ainsi très homogène entre le digital et le linéaire.

Pourquoi avoir choisi de pondérer le digital selon les normes du linéaire ?

La force du panel, c'est justement de permettre de mesurer les contacts à un niveau individuel, ce que les ad servers ne permettent pas de faire. De plus, en digital, une impression peut être servie mais pas vue de manière effective. Or, le panel ne mesure que ce qui est vu par les panélistes. Vu que la norme du trading en digital reste les impressions, tout l'intérêt de notre mesure est de permettre de calibrer ces impressions selon les critères de la télévision, pour enfin pouvoir passer de l'impression au contact. D'un autre côté, l'intérêt des données d'impressions est dans leur exhaustivité et leur finesse, ce que le panel, bien que statistiquement solide, ne peut offrir (le panel de Médiamétrie est constitué de 5 500 foyers, soit environ 13 000 individus, ndlr).

Ce faisant nous avons à la fois l'exhaustivité des impressions et le nécessaire calibrage grâce au panel. Ces aspects sont pour nous une source importante d'apprentissage pour les futures mesures cross-médias. Enfin une autre force importante du panel est sa capacité à dédupliquer les contacts. L'annonceur qui active des campagnes sur plusieurs plateformes à la fois a besoin de savoir combien de personnes différentes il a touché au total, soit le reach véritable de sa campagne. C'est facile de calculer des impressions. Mais donner une mesure dédupliquée d'une campagne diffusée sur plusieurs chaines et services différents à la fois en linéaire et non linéaire… Grâce au panel, cette mesure peut se faire au niveau de l'individu.

Comment faire le lien entre des impressions ad servées et des campagnes mesurées par panel ?

Les chaînes watermarkent l'intégralité de leurs publicités. Dans le même temps, elles nous envoient l'intégralité des impressions ad servées pour que Médiamétrie puisse faire le lien entre les deux. Pour nous, elle est là la clé du dispositif de la mesure publicitaire de demain : dans le fait de disposer, d'une part, des impressions ad servées, de l'autre, du panel pour les calibrer. La manière d'opérer ce calibrage doit faire aussi objet d'une norme pour que tout le monde parle la même langue. Et cela pose également la question de la certification de ces impressions.

Pas sûr que les plateformes de streaming pure players digitales soient d'accord pour pondérer les impressions selon les normes du linéaire... Cela fait plusieurs mois que les discussions entre tous les acteurs de l'écosystème ont lieu sans qu'on trouve un consensus. Le marché est-il au point mort ?

Ces discussions se font au niveau national et international. En plus des ateliers animés tous les deux mois sur ces sujets avec l'ensemble du secteur, Médiamétrie cherche désormais à mettre en place un groupe de travail, un comité cross-média vidéo sur l'écran TV. Ce groupe de travail disposera du statut et de la légitimité pour réunir tous les acteurs autour de la table – chaines, plateformes, agences et annonceurs – afin d'établir un consensus et prendre des décisions. En se mettant d'accord pour établir des critères communs, nous espérons pouvoir faciliter la recherche du consensus et construire collectivement les outils cross-média du marché qui feront référence. C'est en cours de création et nous espérons disposer d'un comité opérationnel au début de l'année prochaine.

Au final cette mesure en bêta tests sert de laboratoire pour la suite…

En effet, cette première mesure sert de laboratoire pour la suite d'autant que la question autour de la définition du contact n'est pas encore réglée. Pour qu'une mesure fasse référence, il faudra qu'elle soit adoptée par un maximum d'acteurs. Cette mesure des campagnes sur l'écran de TV devra également être élargie à tous les écrans digitaux. La convergence des acteurs sur la notion de contact sera d'autant plus clé (si tous les acteurs ne sont pas d'accord sur la manière de compter un contact, c'est que cela a des répercussions importantes sur la manière dont la publicité est facturée avec des impacts business potentiellement très importants, ndlr).