Adtech : il y a le bon reseller et il y a le mauvais reseller
Pratique très répandue dans le marché programmatique, le reselling a mauvaise presse. Mais tous les reseller ne se valent pas.
Les resellers n'ont pas bonne réputation. Ces plateformes publicitaires se situant en intermédiaires entre l'offre et la demande sont le cauchemar des annonceurs, qui pour certains mettent tout en œuvre pour s'en débarrasser. Mais tous ces intermédiaires se valent-ils ? La réponse est non.
"Un reseller est une entité commerciale qui utilise un siège SSP (qui n'est pas celui utilisé par l'éditeur) pour accéder aux inventaires d'un éditeur, souvent y ajouter une surcouche de valeur (format, data, etc.) et qui les revendent de manière programmatique aux acheteurs", peut-on lire dans le livre blanc sur la réconciliation financière en programmatique, publié récemment par l'Alliance Digitale.
On comprend deux choses en lisant cette définition. Tout d'abord, que le reseller est un SSP qui ne se positionne jamais en direct avec l'éditeur : il est connecté à un SSP ou à un autre reseller. Ensuite, qu'une partie de ces acteurs propose une surcouche de "valeur", c'est-à-dire de fonctionnalités qui justifient en théorie leur place d'intermédiaires. Le livre blanc lui-même cite un certain nombre de "resellers" qui sont des entreprises bien installées sur le marché français, européen et mondial et qui défendent haut et fort la valeur qu'elles apportent, comme Bliink, Captify, Ogury ou Seedtag. Alors où est le problème du reselling ?
"Le problème se pose quand il n'y a pas de transparence et de traçabilité", résume Thomas Allemand, colead du groupe de travail SPO et transparence de la commission programmatique de l'Alliance digitale, qui a produit ce livre blanc. Car bien souvent des resellers interviennent alors même que ni l'éditeur ni l'annonceur ne sont au courant des détails de leur modèle économique ou que des informations quant à l'inventaire ou à l'impression publicitaire font défaut. Ce qui nous amène à une variété de resellers et d'usages du reselling que l'on peut résumer en trois types principaux.
Les resellers "techniques"
En programmatique, les interconnexions foisonnent. Un même éditeur appelle plusieurs SSP pour maximiser ses chances de bien vendre son inventaire. Mais les SSP eux aussi peuvent appeler d'autres SSP dans le but de maximiser les probabilités qu'une impression publicitaire soit vendue via leurs propres tuyaux, quitte à accepter que d'autres soient dans le coup. "Selon ce schéma, le SSP propose ses impressions aux DSP mais aussi à d'autres SSP. Et si c'est un deuxième ou un troisième SSP qui le remporte, car il a réussi à avoir en face un DSP qui l'achète, il aura réussi son pari. Ce sont des configurations techniques qui ont lieu sur le marché programmatique. Ces chemins à plusieurs nœuds ont lieu également dans certaines intégrations liées à l'utilisation d'un wrapper, comme Open Bidding de Google", explique Thomas Allemand.
L'intérêt pour le SSP est de maximiser ses chances d'être présent sur le chemin d'une impression qui se vend : peu importe si d'autres intermédiaires sont présents, il pourra driver une demande, à laquelle il n'aurait peut-être pas accédée autrement, et au passage prélever sa part. Quant à l'éditeur, on pourrait s'interroger sur l'intérêt d'avoir autant d'intermédiaires prélevant des commissions sur le budget qui devrait lui revenir. Mais quand on regarde de plus près sur ads.txt, qui liste les partenaires de monétisation des éditeurs, on se rend compte que de très nombreux sites autorisent des nombreux resellers. "Si les sites autorisent les resellers, on peut supposer que ces derniers leur apportent au final de la valeur, soit de la demande supplémentaire, un ciblage spécifique ou un format différent", résume Aurore Borelli, membre du groupe de travail SPO et transparence de la commission programmatique de l'Alliance digitale.
Enfin les annonceurs voient tous ces intermédiaires d'un mauvais œil vu qu'une partie de leur budget sert à payer des commissions en cascade, plutôt que d'acheter des impressions. Et ce sans compter le mauvais bilan carbone pour leur campagne. "Nous avons déjà observé l'existence de quatre intermédiaires pour une même impression", relate Thomas Allemand.
Les resellers "à valeur ajoutée"
Quand le reseller propose un inventaire "différenciant", alors on parle de reseller à valeur ajoutée. Cela peut être un format innovant ou une forme de ciblage qui sort du lot et qui justifie pleinement son intermédiation. Ces sociétés font donc de l'achat auprès d'un SSP puis de revente en intégrant à l'inventaire sa couche d'intelligence ou d'innovation. "Vous retrouvez plusieurs offres par exemple axées sur un type de ciblage contextuel, un type de data, la visibilité, la sustainability, des optimisations algorithmiques, etc.", illustre Thomas Allemand. Pour les annonceurs cela peut être pratique de passer par ce type d'offre presque plug and play qui joue à la fois sur la qualité et la quantité le tout déjà pré-packagé.
"Attention cependant à bien évaluer la proposition de valeur avant de vous y lancer : il faut que le format ou l'approche data proposés soient vraiment exclusifs", conseille notre expert. "N'oubliez pas d'ailleurs que les choses bougent vite dans notre marché : un format qui était exclusif hier, ne l'est plus nécessairement aujourd'hui, une data qui était différenciante hier ne l'est plus nécessairement aujourd'hui surtout avec la raréfaction des cookies tiers", poursuit-il. "Personnellement, en tant qu'acheteur, je préfère tout maîtriser en achetant l'inventaire directement aux éditeurs et en y ajoutant des filtres de data, de format ou d'optimisation depuis le DSP. Cela exige davantage d'expertise et d'intégrations mais au moins je sais combien je paye pour chaque item", conclut-il.
Les resellers opaques
A entendre nos interlocuteurs on est loin de l'époque où abondaient dans le marché des resellers employant de très mauvaises pratiques, comme le trucage d'informations pour en tirer un maximum d'argent. Les différentes normes de traçabilité, dont notamment le standard SupplyChain object, qui demande à ce que dans chaque bid request figurent tous les SSP par où l'impression est passée, ont permis de fortement assainir le marché. "Les resellers doivent être déclarés et les DSP peuvent le contrôler", rappelle Aurore Borelli.
Si la notion d'opacité reste quant à elle toujours d'actualité, c'est pour qualifier des resellers qui ne partagent pas toutes les informations concernant soit l'impression soit leur modèle économique et le taux de commission prélevé. "Un acteur tout à fait transparent au niveau de son modèle économique peut également être considéré opaque quand il n'est pas en mesure, parfois pour des questions de capacité technique, de fournir un niveau satisfaisant de granularité d'informations comme, par exemple, les noms des annonceurs qui se sont positionnés sur une impression", explique Aurore Borelli.
Quand les données financières sont limitées, ni les acheteurs, ni les éditeurs ne parviennent à réconcilier les montants investis et reçus. Et c'est là que le bât blesse : toute cette opacité peut parfois cacher des commissions supérieures aux moyennes pratiquées par le marché. La notion d'opacité peut parfois concerner des resellers bien connus, des SSP très importants et respectés s'engageant sur des résultats mais sans communiquer sa commission et même des resellers dits à "valeur ajoutée". Pour certains, s'ils continuent d'exister malgré leur opacité, c'est surtout qu'ils sont réputés générer beaucoup d'argent aux éditeurs et de la valeur aux annonceurs…
En règle générale, il est conseillé aux acheteurs programmatiques et aux éditeurs de se rapprocher pour cartographier leurs intégrations afin d'identifier des anomalies. "Cela peut paraitre fastidieux, mais dans les faits on peut très rapidement identifier les pratiques potentiellement problématiques à condition de se parler régulièrement et de se poser les bonnes questions", conseille Thomas Allemand.