Retail media : qui en profite en dehors d'Amazon ?

Retail media : qui en profite en dehors d'Amazon ? Six grands acteurs captent la majorité des 20% qui échappent au géant américain.

L'e-retail media en France pèse 1,22 milliard d'euros en 2024, soit 11% du gâteau de la publicité digitale, selon les chiffres rassemblés au sein de l'Observatoire de l'ePub SRI, réalisé par Oliver Wyman, en partenariat avec l'Udecam. Certes. Mais qui en profite vraiment ? Amazon, bien sûr, et de loin, vu qu'il capte les trois quarts des budgets, toutes estimations et études confondues. Maïté Dailleau, partner chez Oliver Wyman, estime entre 75% et 80% la part des recettes du retail media en France captée par la plateforme.

On peut alors se demander qui se partage les autres 20%, soit environ 244 millions d'euros en 2024. Pas grand monde finalement : en tout et pour tout une petite soixantaine d'acteurs, dont seulement six peuvent arborer des enveloppes un peu plus conséquentes. "Les 20% restants sont essentiellement partagés entre une petite dizaine d'acteurs", confie au JDN Maïté Dailleau, citant par ordre alphabétique les acteurs les plus significatifs : Carrefour, Cdiscount, E.Leclerc, Fnac Darty, la régie Infinity (groupes Intermarché et Casino) et Leboncoin.

Une concentration confirmée par Lawrence Taylor, CEO de Retail4Brands, expert en retail media. Selon ses calculs, Amazon arrive en tête avec 77% des budgets investis par les annonceurs en retail media digital onsite en France en 2024, suivi de Cdiscount, avec 6,3%. Les 16,7% restants sont quant à eux répartis entre 54 acteurs sachant que trois d'entre eux, tous issus de la grande distribution, concentreraient déjà à eux seuls près de 50% de ces budgets. Preuve que le business reste très concentré.

Impact du drive

En observant les outsiders d'Amazon, on peut se demander si le drive apporte un avantage pour percer dans le retail media. Et la réponse est : oui et non. Certes, un E. Leclerc peut être fier de ses 5,97 milliards d'euros de recettes réalisées dans le drive en 2024 en France, en hausse de 9% comparé à 2023, selon l'information dévoilée par Olivier Dauvers dans son blog. Mais ce marché reste encore très concentré et émergeant, E.Leclerc pesant d'après Statista 46% du marché, suivi de loin par Carrefour (13%), Intermarché (13%), U (10%), Auchan (9,5%) et Chronodrive (4%).

De plus, le fait de disposer d'une forte présence sur le drive ne suffit pas pour assurer au retailer des revenus médias conséquents car encore faut-il savoir développer son business média en déployant les technologies et les formats adéquats pour la monétisation de ces inventaires. "E.Leclerc a certes une forte présence sur le drive mais son offre de liens sponsorisés ne date que de l'automne dernier (l'annonce date du 6 novembre, ndlr). Or, on sait que les liens sponsorisés pèsent pour 73% du retail media. C'est le format plébiscité par les annonceurs", analyse Guilhem Bodin, partner chez Converteo.

Quid de la croissance ? "La quasi-intégralité de la croissance du retail media 2024 a été captée par Amazon auprès de petits annonceurs", confie au JDN Maïté Dailleau. "Certes, le poids d'Amazon fait qu'il qui capte la croissance en valeur absolue. Mais en pourcentage, d'autres retailers sont mieux disant", lance pour sa part Lawrence Taylor. "D'ici deux ou trois ans Amazon ne comptera plus pour 77% mais plutôt pour 66% du marché", prédit-il.

Un bémol cependant à toutes ces analyses est qu'il est difficile pour les experts de tracer les frontières du retail media, de faire avec précision la part des choses entre ce qui relève de l'achat média pur (comptabilisé en tant que tel sur le site du retailer et pour lequel l'annonceur attend un reporting précis) et ce qui relève davantage de deals noués dans le cadre de négociations commerciales entre les industriels et leurs distributeurs. De plus il faut se contenter des montants déclarés par les régies comme base de calcul de ces estimations.

Un dernier KPI à surveiller : le coup de frein du retail media en 2024, qui n'a évolué "que" de 14% contre +24% en 2023, quand il était le levier de publicité digitale à la plus forte croissance.