ID alternatifs : un reach encore insuffisant, une adoption à la traîne
Les solutions d'identifiant et autres alternatives de ciblage et de mesure créées au départ pour se substituer aux cookies tiers ne semblent pas frontalement menacées par la décision de Google de maintenir ces derniers sur Chrome. Les raisons sont nombreuses, à commencer par le fait que, seuls, les cookies tiers ne répondent plus aux besoins des annonceurs : leur reach est de plus en plus limité, et leur utilisation réservée au seul environnement web. Mais la décision de Google va-t-elle resserrer les rangs et accélérer la consolidation de ce secteur ? Si cette perspective semble logique dans chaque marché disposant de son ou ses champions, personne n'ose encore parier sur qui restera sur le tarmac en France.
En France, deux solutions d'ID alternatif sortent du lot : First-id et Utiq. Mais il est encore trop tôt pour s'en contenter : leur niveau de développement et leur reach ne le permettent pas encore, selon ce que nous confient nos interlocuteurs. "Ce marché sera nécessairement amené à se consolider, mais pour l'instant il ne dispose pas encore ni de leader ni de consensus autour d'une norme. Il nous faut par conséquent jongler avec différentes solutions tout en trouvant une clé de matching pour les faire converger ne serait-ce que pour éviter de saturer les utilisateurs de publicité", analyse Ophélie Quint-Brunet, head of digital consulting & operations chez Havas Media Network. "Nous avons encore besoin d'un agrégat d'ID pour disposer d'un reach satisfaisant pour nos campagnes", explique Camille Quiqueret, head of programmatic & social ads chez 79 (Havas Media Network).
Ce besoin est renforcé par le fait que, depuis l'annonce de Google de maintenir des cookies tiers sur Chrome, les éditeurs premium ont tendance à vouloir limiter le nombre de solutions alternatives à déployer sur leurs inventaires pour des questions d'optimisation de ressources. "Le déploiement de plusieurs solutions alternatives d'identifiants ne se justifie plus. La tendance chez nous sera de les rationaliser à deux voire trois solutions maximum", déclare Thomas Masereel, responsable yield & programmatique chez Media Figaro. Comme le type de solution d'ID que les annonceurs activent dépend directement du choix des éditeurs où les campagnes sont diffusées, à terme ce sera un peu comme le serpent qui se mord la queue : tant que le reach d'un identifiant sera insuffisant, il faudra que l'annonceur en actionne le maximum, parmi ceux disponibles sur les inventaires à travers le web. De quoi rendre le paysage du ciblage bien plus complexe.
La bonne nouvelle est que certaines plateformes d'achat, à commencer par Adform, travaillent d'arrache-pied depuis plusieurs années pour rendre toutes ces solutions intéroperables grâce à des graphID, facilitant leur adoption par le buy-side. Chez The Trade Desk, l'identifiant EUID est "compatible" avec ID5 ou RampID, dont les empreintes sont très attractives pour les campagnes internationales. Seul bémol : les choix opérés par les plateformes restent difficiles à cerner par les traders : "Cette interopérabilité est nécessaire pour nous faciliter grandement la tâche mais elle manque encore de transparence car nous ne savons pas quel ID est activé à chaque campagne", précise Camille Quiqueret.
Il reste cependant que le niveau d'adoption des ID alternatifs par les annonceurs reste très faible, limité aux tests et essais, ce que déplore Aude Marchand, head of data chez iProspect (Dentsu), chez qui ces solutions sont déployées de manière constante pour seuls 5% des annonceurs. "Cette situation est d'autant plus critique que sans ID alternatif l'annonceur se coupe d'un potentiel équivalent à plus de 64% des impressions sur le web vu que les cookies tiers couvrent seulement 36% en moyenne", précise la spécialiste. "Le coût et certains processus d'implémentation technique représentent encore des freins à une adoption plus généralisée", ajoute-t-elle.
Même tableau chez 79 : "Les trois quarts de nos annonceurs travaillant sur l'open web ont testé les solutions alternatives. L'un d'entre eux a industrialisé son adoption et les autres y ont recours sans pour autant que ce soit systématisé. Nous avons dû faire de la pédagogie pour faire adopter ces solutions alternatives quand les cookies tiers étaient voués à disparaître. On peut présager un nouveau frein à cet élan provoqué par la décision de Google mais il est très important que nos annonceurs ne soient pas dépendants des cookies tiers pour les use cases de ciblage comme de mesure", conclut Camille Quiqueret, en précisant cependant que d'après ses tests, le coût de la data pour le ciblage d'audiences reste comparable, que l'on se serve de cookies ou d'ID alternatifs.