Jean-Baptiste Rouet (Publicis Media) "Chez Publicis Media, nous observons une baisse des budgets des grandes marques sur YouTube"

Pour Jean-Baptiste Rouet, head of digital innovation & corporate reputation chez Publicis Media en France, la perte de vitesse de YouTube s'explique par les contraintes budgétaires et la concurrence des nouvelles offres.

JDN. YouTube perd du terrain dans la dispute des budgets publicitaires en France. Les grands annonceurs sont-ils en train de lever le pied sur cette plateforme ?

Jean-Baptiste Rouet. Nous observons une baisse des budgets des grandes marques sur YouTube au profit de la SVOD et des offres de streaming des chaînes de télévision. Pourtant, la SVOD est trois fois plus chère que YouTube, dont le CPM est très attractif, entre 7 et 8 euros pour une complétion à 100%. L'explication à cela est à trouver dans le contexte que nous traversons.

Au premier semestre de l'année, les budgets des grandes marques dédiées à la vidéo et à la télévision étaient au mieux stables, voire plutôt en baisse. Ce contexte général de prudence impose des arbitrages budgétaires entre les différentes plateformes.

Or, la part de YouTube dans le mix vidéo online des grands annonceurs était jusque-là très significative, entre 40% et 100%, selon la marque. Pour certaines campagnes, on pouvait facilement voir un mix entre télévision linéaire et, pour le digital, YouTube. Mais entretemps les grandes plateformes de streaming dont Netflix et Amazon Prime se sont ouvertes à la publicité et la perception des annonceurs est que les inventaires de SVOD sont de qualité supérieure, non skippable, très premium et brand safe. Leur CPM est certes élevé, mais leur taux de complétion, de plus de 95%, est bien supérieur à celui de YouTube qui est aux alentours de 75%. Cela réduit donc l'écart des prix.

D'autres raisons peuvent-elles expliquer cette perte de vitesse de YouTube ?

YouTube subit également la concurrence des chaînes de télévision, dont TF1 et M6, qui ont lancé leurs nouvelles plateformes en 2024. Ces dernières ont négocié des deals annuels avec les grandes marques incluant à la fois le linéaire et leurs offres digitales de façon à sécuriser un maximum de budgets dans une période que l'on savait tendue. Sans compter que l'achat des inventaires online des chaînes TV peut se faire encore en gré à gré, ce qui permet de supprimer des frais techniques spécifiques au programmatique et donner une part de working media plus importante aux chaînes. Et en en période de budgets serrés tout pèse dans la balance.

Selon le dernier Observatoire de l'ePub, qui tient compte aussi des petits et moyens annonceurs, YouTube a perdu 9 points en deux ans. Qu'en dites-vous ?

A travers ces chiffres, nous observons en effet que la perte de vitesse de l'AVOD et de YouTube est un phénomène qui concerne aussi bien les grands annonceurs que la moyenne et long tail et toute la demande brassée via Performance Max. Si les investissements sur l'AVOD ont augmenté de 10% au premier semestre, selon l'Observatoire, la part de marché de cette dernière comparée aux autres leviers a baissé de 5 points sur la même période. Nous pouvons émettre l'hypothèse d'un effet TikTok sur la moyenne et longue traîne. Il est possible que les petits et moyens annonceurs se tournent davantage ver ce réseau au détriment des formats courts de YouTube. On voit bien que le social, dont notamment TikTok, continue de grimper très fortement (+15% pour le social au premier semestre sur un an, ndlr).

Ceci étant, l'histoire n'est pas terminée d'autant que YouTube pourrait s'ouvrir à la mesure cross vidéo en prenant part aux groupes de travail de Médiamétrie. C'est un canal au reach quotidien colossal qui s'achète en open et que l'on peut facilement optimiser sur des logiques à la performance et à des coûts très compétitifs.