"De nombreux outils d'IA français et européens répondent aux besoins des agences"

L'Association des agences conseil et création lance mardi 4 novembre l'initiative "FrAInch Tech Tour" qui déniche pour ses agences membres des outils d'IA "pépites" français et européens. Les détails avec Tiphaine du Plessis, présidente de BETC Fullsix et coprésidente de l'atelier Innovation & IA de l'AACC.

JDN. L’AACC lance le 4 novembre l'initiative "FrAInch Tech Tour" pour promouvoir auprès de ses membres les solutions à base d’IA françaises et européennes. Pourquoi ?

Tiphaine du Plessis, présidente de BETC Fullsix et coprésidente de l’atelier Innovation & IA de l’AACC. © BETC

Tiphaine du Plessis. Les agences se servent d’une quantité croissante d’outils d’IA pour de très nombreuses applications de publicité et de marketing relationnel tout en assumant le rôle de prescriptrices pour leurs clients annonceurs. La surreprésentation d’entreprises nord-américaines parmi ces outils pose de nombreux problèmes pour les entrepreneurs français et européens que nous sommes. Les grosses plateformes, qui dominent le marché, ont tendance à limiter la granularité de nos choix en matière de fonctionnalités et de rendus. Demain, si rien n’était fait pour atténuer cette concentration, nous serons également fortement exposés aux évolutions de politique tarifaire de ces acteurs. Sans parler des questions légitimes de souveraineté : nos annonceurs, qui sont déjà dépendants d’un acteur comme Google pour se faire connaître sur les moteurs de recherche, ont-ils vraiment intérêt à de nouveau lui donner la quasi-exclusivité de l’accès à leurs données avec Gemini ?

Certes, il ne s’agit pas de prétendre se passer des grands modèles existants mais tout simplement de laisser la place également aux LLM français et européens comme Mistral, et de soutenir des outils métiers conçus ici qui prouvent leur intérêt et efficacité. Prenons l’exemple de Mistral AI, désormais relativement connu : il y a encore un an, aucun de nos clients n’en avaient entendu parler, alors que les modèles développées par Mistral sont tout aussi pertinents que Gemini ou ChatGPT pour être intégrés dans les outils métiers et les produits digitaux que nous développons avec nos clients.

Il est fondamental que nous puissions disposer d’un terrain d’innovation fertile en Europe : en soutenant les entreprises françaises et européennes qui répondent à nos besoins nous gardons ici leurs talents. Et ils sont nombreux.

Pouvez-vous nous donner des exemples concrets de technologies et de solutions françaises ou européennes à base d’IA au service des agences qui cochent les cases ?

Mardi 4 novembre, nous présenterons six solutions européennes à travers les retours d’expérience d’experts et expertes d’agences qui les ont testées sur des cas d’usage concrets. L’idée est de ramener la réalité du terrain et d’enrichir la compréhension de ces outils par nos pairs. Parmi ces solutions, nous échangerons sur un outil de création d’avatars vidéo. Nous présenterons également Flux (développé par Black Forest Labs, société créée en Allemagne par des anciens de Stable Diffusion, ndlr), le seul moteur générateur d’images européen qui commence à devenir connu des agences.

Concrètement quelles activités sont prévues dans le cadre de cette initiative ?

Cette initiative, portée par l’Atelier Innovation & IA de l’AACC, consiste en l’organisation de rendez-vous trimestriels afin de permettre aux agences membres de découvrir des outils d’IA “pépites”, à la fois utiles pour leurs métiers et issus d’entreprises françaises ou européennes. Au total, plus de trente solutions ont déjà été évoquées au sein de l’atelier, mais seules quelques-unes seront présentées à nos membres.

Notre démarche est que les solutions présentées auront été testées par au moins une de nos agences membres et qu’elles auront répondu de manière satisfaisante à des cas d’usage précis. Notre ambition est avant tout de partager la méthode et les apprentissages, d’échanger sur les forces comme les limites de chaque outil. Loin des discours marketing et des catalogues qui apportent beaucoup de confusion pour nos agences et nos clients.

Nous organiserons quatre sessions de présentation sur quatre thèmes distincts : la création d’images et de vidéos, prévue le 4 novembre, la recherche d’information et d’insights, les usages pour l’écrit et enfin le son au sens large hors création musicale. A chaque session, différents outils seront présentés.

Nous avons volontairement laissé de côté à ce stade les solutions d’automatisation de la personnalisation de la création publicitaire à la volée car la réalité des usages et des gains de productivité effectifs n’est pas encore à la hauteur de leurs promesses marketing. Mais nous poursuivons notre veille et les tests en conditions réelles sur ces outils. Cela pourrait changer très vite.

Pensez-vous que vos confrères changeront facilement d’outils pour opter pour ces solutions locales ?

J’en suis convaincue car c’est une question de pédagogie. Beaucoup d’agences ne disposent pas de la taille critique pour faire leurs propres benchmarks, elles ne connaissent pas nécessairement ce qui se fait d’innovant sur ce marché en France ou en Europe. Ces structures sont davantage exposées à la force de frappe puissante en communication et marketing des entreprises américaines, qui ne sont pourtant pas nécessairement celles qui offrent les meilleures solutions. Le but de notre initiative est justement de permettre à de meilleures solutions ou des solutions équivalentes d’émerger.

Quant aux grands groupes ou aux agences de taille intermédiaire, qui font de la veille permanente, elles non plus ne souhaitent pas rester dépendantes d’une poignée de grandes solutions. Même si ces agences nouent des accords avec les outils américains, ces derniers ne sont généralement pas exclusifs. Ne serait-ce que parce que ces outils ne couvrent pas tous les cas d'usage, il est fondamental pour nous de rester agnostiques. Même dans la production d’images, certaines solutions sont excellentes pour certains types d’images mais pas pour d’autres. En pratique nous devons très souvent mixer différents outils pour aboutir aux résultats escomptés. Enfin, dans le domaine de l’IA générative, où tout bouge très vite, il est de rigueur de ne pas nouer des contrats d’exclusivité.