Qu'est-ce qu'une entreprise de la deeptech ?

La deeptech désigne les technologies de rupture, et l'écosystème économique et technologique qui les rend possibles. Définition et exemples.

Les entreprises de la deeptech développent des innovations situées à la frontière des connaissances scientifiques actuelles. Avec le potentiel pour révolutionner leur domaine d’activité… voire la société dans son entier.

Si vous demandez à cinq personnes de vous expliquer ce qu’est la deeptech, vous avez toutes les chances de recevoir cinq réponses différentes. 

Le terme est employé pour décrire ces entreprises qui tentent de repousser les limites de la connaissance en développant des technologies capables de révolutionner leur domaine, et d’offrir aux êtres humains les armes pour surmonter les grands défis planétaires – vaincre la maladie, réduire les effets négatifs du changement climatique, renverser le vieillissement, etc.

Ces technologies sont caractérisées par leur potentiel disruptif, par les vastes sommes d’argent investies dans la phase de recherche et de développement, et par la grande patience qui préside à leur conception – avec un go-to-market potentiellement très long.

L’exemple type est celui d’OpenAI, dont l’application ChatGPT a été présentée au grand public (avec le succès que l’on sait) après de longues années de développement et d’investissements.

Voyons ensemble ce qui définit une entreprise de la deeptech, et quels champs de recherche pourraient être chamboulés dans un avenir proche par ces pionniers qui n’imposent aucune limite à leur ambition.

Qu’est-ce qu’une entreprise de la deeptech ?

La deeptech se réfère aux technologies avancées, capables de remettre en cause les habitudes bien ancrées et les référentiels établis, mais aussi à l’écosystème technique et financier qui donne aux entreprises innovantes les moyens de développer leurs produits ou services de rupture.

En ce sens, la deeptech désigne le paysage entrepreneurial, les investissements et les initiatives publiques qui encouragent le développement de telles solutions. Voici les grandes caractéristiques qui définissent une entreprise de la deeptech :

  • Elle développe des solutions à fort impact, qui repoussent les frontières connues de la technologie existante : des innovations de rupture qui ont pour ambition de remplacer l’existant et de franchir un cap économique, social, ou culturel. À l’inverse des entreprises « simplement » innovantes qui s’attachent à améliorer ou à transformer les usages d’un produit ou d’un service (innovation incrémentale ou adjacente). Pour prendre un exemple simple : OpenAI est un pionnier des outils d’IA générative qui propose un nouveau paradigme (la machine capable de communiquer et de produire du contenu), tandis que des entreprises comme Airbnb ou Uber ne font que proposer de nouveaux modèles à partir de paradigmes existants.
  • Elle est intégrée à un écosystème qui favorise l’innovation : université, pôle technologique, laboratoire de recherche, groupement d’investisseurs, services R&D de grands groupes (Google, Microsoft, Meta…). Les États participent eux aussi au développement de cet environnement par le biais de plans d’action et de programmes d’investissement ambitieux, à l’image de « France 2030 » et du label Deeptech Bpifrance qui font de l’Hexagone une terre fertile pour la deeptech.
  • Elle conçoit des technologies présentant un avantage différenciateur au regard du marché existant et de la concurrence en place, et offrant des perspectives de croissance supérieures aux autres typologies de structures dans le même secteur. Cela, par l’amélioration des performances ou par la promesse d’un bénéfice important en matière de qualité, de délais ou de coûts (par exemple, une énergie à la fois infinie et moins chère). Mais ces technologies ont un go-to-market long et complexe, fortement capitalistique, qui constitue de fait un obstacle majeur à l’investissement.
  • Ses cycles de recherche et de développement sont particulièrement longs – entre 10 et 15 ans en moyenne.
  • Elle est confrontée à de fortes barrières à l’entrée, en raison de verrous technologiques majeurs difficiles à lever, ou de problèmes de propriété intellectuelle complexes. Le manque de réglementation peut aussi constituer un frein important, les technologies développées ayant en commun d’explorer des territoires peu ou pas encadrés par la loi (il suffit de voir la panique législative qui secoue la planète avec les progrès de l’IA).
  • Elle a pour ambition de résoudre un problème complexe à grande échelle, de manière à transformer les modes de vie et/ou à révolutionner une industrie, tout en faisant naître de nouveaux marchés.

Cette liste combine des caractéristiques identifiées par le Boston Consulting Group et par Bpifrance dans le cadre de son label Deeptech. Ajoutons que, contrairement à une idée reçue, les entreprises de la deeptech ne se limitent pas aux start-up – bien que ces structures disposent en effet d’un avantage majeur : leur agilité – mais englobent également les grands groupes qui développent des projets novateurs en interne, tout en suivant de près (et en encourageant) l’éclosion des jeunes pousses prometteuses.

Dans quels domaines la deeptech développe-t-elle des solutions prometteuses ?

Intéressons-nous maintenant aux secteurs d’activité concernés par l’essor des entreprises de la deeptech. Des secteurs dans lesquels des innovations de rupture se produisent actuellement et qui permettent d’envisager des révolutions potentielles majeures. En somme : lorsqu’on parle de deeptech, à quels domaines fait-on le plus souvent allusion ?

L’intelligence artificielle

C’est sans doute le secteur d’innovation le plus brûlant, compte tenu de la place prise par les outils à base d’IA dans le quotidien des utilisateurs. 

C’est aussi un exemple représentatif de la manière dont une technologie issue de la deeptech peut se subdiviser en une multitude d’applications concrètes et de sous-domaines d’activité.

Ainsi, le coup d’éclat d’OpenAI avec ChatGPT n’a pas seulement marqué un tournant technologique en soi : il a aussi ouvert des perspectives économiques et sociales remarquables, en créant notamment toute une nouvelle catégorie d’outils (pour définir des prompts efficaces ou identifier les textes rédigés par une IA, par exemple) et une batterie de nouveaux emplois (comme les étiqueteurs de données pour les grands modèles de langage). Au global, Gartner estime à 500 millions le nombre d’emplois que l’IA est susceptible de créer d’ici 2033.

Les grands acteurs technologiques ne s’y sont pas trompés : toutes les enseignes majeures du web développent leurs propres solutions avec IA intégrée (Google, Meta) ou investissent des sommes faramineuses dans les sociétés existantes (à l’image de Microsoft et de sa pluie de billets sur OpenAI). À noter que, dans ce domaine, la France est particulièrement bien positionnée, avec plus de 500 startups dédiées à l’IA.

L’ordinateur quantique

D’aucuns diraient qu’il s’agit de l’acte de naissance de la deeptech, ou du moins de son point d’entrée le plus important, riche en promesses… et en déceptions. L’ordinateur quantique constitue une sorte de Graal technologique en ce qu’il est capable de centupler la puissance de calcul des machines existantes, et de permettre des percées majeures dans des domaines comme la chimie, la médecine ou l’apprentissage automatique (machine learning).

Ce rêve lointain de physicien devient de plus en plus concret, malgré les limites auxquelles l’informatique quantique est confrontée : en quelques années, IBM, Google ou D-Wave ont fait des progrès majeurs dans ce domaine, promettant toujours plus de « qubits » (des bits quantiques) dans leurs machines. Même si nous sommes encore loin de disposer d’un « PC quantique » à la maison, les choses avancent vite.

La blockchain

Conçue au départ pour optimiser la transparence et la sécurité des transactions financières (bien avant l’arrivée des cryptomonnaies), la blockchain est un exemple frappant de la capacité d’une technologie de la deeptech à modifier un paradigme existant. Et cela, dans un silence assourdissant, dans la mesure où cette technologie, parmi les plus prometteuses, est aussi l’une des plus incomprises par le grand public.

De fait, la décentralisation digitale transforme en profondeur les modèles de gestion des transactions tels que nous les connaissons. Cette technologie de stockage et de transmission des données fonctionne indépendamment de tout organe de contrôle : la supervision est éclatée, raison pour laquelle les opérations sont inviolables.

Mais au-delà des applications que l’on associe le plus souvent à la blockchain (monnaies virtuelles, NFTs, contrats intelligents), ce nouveau paradigme permet aussi d’envisager la conception de nouveaux modèles stratégiques en matière de cyberdéfense, en créant des systèmes immunisés contre ce que l’on nomme la « fragilité native du numérique ».

L’énergie

L’un des pans les plus vitaux de la deeptech a trait à l’énergie : il a pour objectif de relever les grands défis énergétiques et environnementaux de notre époque. Les acteurs de ce secteur visent à diminuer l’empreinte carbone des activités humaines, à décarboner la production d’énergie, à optimiser l’efficacité énergétique, et à imaginer de nouvelles façons de produire et de stocker de l’énergie. 

Ce qui fait de la deeptech un puissant levier pour la transition écologique. Car, selon l’Agence internationale de l’énergie, les technologies actuellement matures ne permettraient de réduire les émissions de CO2 que d’un quart (à lire dans cet article), ce qui est loin d’être suffisant pour se prémunir contre le scénario le plus pessimiste du GIEC.

Parmi les espoirs les plus probants de la deeptech en la matière, on distingue la production d’énergies nouvelles, avec l’accent mis sur les piles à combustible à hydrogène, les électrolyseurs, et bien entendu la fusion nucléaire (qui, à ce jour, n’est pas encore rentable, car consommant plus d’énergie qu’elle n’en produit). 

Mais ce n’est pas tout : les entreprises s’attachent aussi à améliorer les technologies existantes, notamment en développant des modes de stockage plus efficients pour les énergies renouvelables (photovoltaïque, éolien, hydroélectrique, etc.) et à trouver des moyens pour capter le CO2 déjà présent dans l’atmosphère.

La robotique

Loin de l’imagerie véhiculée par la science-fiction, la robotique s’attache à concevoir des systèmes autonomes (alimentés par l’IA) capables de prendre en charge des tâches complexes et précises, ou qui représentent un danger pour les humains. Par exemple : la réparation d’équipements électriques à haut risque, la réalisation d’opérations chirurgicales délicates, des tâches industrielles pointues qui requièrent l’intervention de robots, etc.

Les entreprises de la deeptech évoluent dans un écosystème favorable à l’innovation, où tout est mis en œuvre pour les aider à faire des découvertes majeures et à effectuer des percées technologiques significatives. 

Le but ? Transformer en profondeur l’économie et la société, répondre aux grands défis planétaires (au premier rang desquels on trouve le réchauffement climatique et ses conséquences), et optimiser la vie quotidienne. Par définition, ces technologies sont des paris sur l’avenir, car nul ne sait si (ni quand) des applications concrètes pourront voir le jour… 

Mais ces incertitudes sont compensées par l’inestimable potentiel de ces innovations.