L'instabilité gouvernementale, un frein pour l'investissement et la consommation
La censure du gouvernement Barnier a plongé la France dans une crise politique qui aggrave un climat économique déjà fragile. Entre prévisions de croissance en baisse et ralentissement des investissements, les effets se font déjà sentir.
La récente censure du gouvernement Barnier marque un tournant critique pour la France. Alors que l'économie peine déjà à sortir d'une période morose, cette instabilité politique complique les perspectives de croissance. Entre attentisme des entreprises, prudence des ménages et inquiétudes des investisseurs, l'incertitude grandissante menace de peser durablement sur l'activité économique du pays.
Un choc politique aux lourdes conséquences économiques
La censure du gouvernement Barnier, survenue après la dissolution de l'Assemblée nationale en juin dernier, a provoqué une onde de choc politique qui n'a pas tardé à impacter l'économie. "Cet événement est négatif pour le crédit de la France", a alerté l'agence de notation Moody's. Selon elle, cette instabilité politique réduit les chances de consolidation des finances publiques, compliquant l'adoption d'un budget pour 2025.
L'incertitude engendrée par cette crise politique inquiète les économistes. Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l'OFCE, a déclaré : "Il y a un risque que l'incertitude aille grandissante, ce qui pèsera sur l'investissement, l'emploi et la consommation", cité par Les Echos. Certains conjoncturistes, comme Charles-Henri Colombier de Rexecode, n'écartent pas l'éventualité d'un repli du PIB dès le quatrième trimestre 2024, pouvant se prolonger en 2025.
Cette instabilité pourrait coûter jusqu'à 0,3 point de croissance en 2025, selon Raul Sampognaro, économiste à l'OFCE. Il souligne notamment que l'affaiblissement de l'investissement privé et l'attentisme des entreprises amplifient les difficultés économiques actuelles.
L'attentisme des entreprises et des investisseurs
Le climat d'incertitude politique pèse lourdement sur les décisions d'investissement. Une enquête menée par Bpifrance Le Lab-Rexecode révèle que deux PME sur trois ont reporté ou annulé leurs projets d'investissement en France. Les investisseurs étrangers ne sont pas épargnés : près de la moitié ont réduit leur activité dans l'Hexagone, selon EY.
Dans l'industrie, les signes de ralentissement s'accumulent. L'Insee rapporte que le taux d'utilisation des capacités de production est tombé à 75% en octobre, son niveau le plus bas depuis 2010. Les carnets de commandes peinent à se remplir, tandis que les entreprises hésitent à s'engager dans de nouveaux projets.
Charles-Henri Colombier met en garde contre les effets à long terme de cette situation : "Ce qui est préoccupant, c'est le risque de défiance envers la France. Les projets annulés ne seront pas rattrapables", a-t-il déclaré.
La consommation des ménages en recul
Outre les entreprises, les ménages ressentent également les effets de l'instabilité politique. La consommation, moteur essentiel de l'économie française, souffre d'un manque de confiance généralisé. "Dans le flou sur ce qui les attend, notamment sur le plan fiscal, le moral des Français décline au lieu de remonter comme espéré", analyse l'économiste Raul Sampognaro.
Plutôt que de dépenser, les ménages préfèrent épargner, ce qui aggrave encore le ralentissement économique. Patrick Martin, président du Medef, a également réagi à cette situation : Cela "laissera incontestablement des traces", mais elles "doivent être les moins profondes possibles", a-t-il déclaré.
La nomination rapide d'un nouveau Premier ministre et l'adoption d'un budget sont des priorités pour éviter une aggravation de la crise. Eric Heyer a souligné : "Pour lever l'incertitude, une clarification rapide de la situation est impérative". Il appelle à un consensus politique sur les ajustements budgétaires à venir pour redonner de la visibilité aux acteurs économiques. Cependant, selon Maxime Darmet d'Allianz Trade, l'objectif d'un déficit public à 5% du PIB en 2025 semble désormais hors d'atteinte.