Concurrence faussée : 12 géants de l'électroménager paient le prix de leur entente
Entre 2007 et 2014, douze entreprises majeures, fabricants et distributeurs d'électroménager, se sont accordées pour fausser la concurrence et maintenir des prix élevés. Cette entente, désormais sanctionnée par 611 millions d'euros d'amendes, révèle un système complexe visant à limiter la compétition, notamment des distributeurs en ligne.
Une stratégie coordonnée pour maintenir les prix élevés
L'enquête de l'Autorité de la concurrence a révélé des pratiques concertées impliquant dix fabricants et deux distributeurs majeurs, Darty et Boulanger. Parmi les fabricants, des noms connus tels que Whirlpool, Electrolux, SEB, LG ou encore Smeg ont été sanctionnés. Ces entreprises auraient communiqué des prix "recommandés" à leurs distributeurs, en utilisant parfois un "langage codé" pour dissimuler leurs consignes. Ces pratiques visaient à éviter que leurs produits ne soient vendus à des prix plus attractifs, notamment sur Internet.
Dans un communiqué relayé par Le Monde, l'Autorité a précisé que cette entente avait pour but de "réduire la concurrence, notamment celle exercée par les distributeurs en ligne, et maintenir des prix de vente élevés pour les consommateurs". Ces faits se sont accompagnés de contrôles rigoureux pour garantir le respect des prix imposés. Certaines entreprises auraient même menacé de suspendre leurs livraisons aux distributeurs récalcitrants.
Des amendes historiques pour un préjudice économique
Le montant total des amendes s'élève à 611 millions d'euros, un record dans ce type d'affaire en France. Fnac Darty, par exemple, a écopé d'une amende de 109 millions d'euros. Le groupe "comptabilisera une charge additionnelle de 24 millions d'euros sur l'exercice 2024, sans impact sur le résultat opérationnel courant", a-t-il précisé dans un communiqué cité par Libération.
SEB, un autre acteur clé, a été condamné à verser 189,5 millions d'euros. Le groupe a annoncé qu'il "formera un recours" devant la cour d'appel de Paris, rejetant "toute allégation selon laquelle ses pratiques n'auraient pas été conformes aux règles de la concurrence", comme le rapporte Le Figaro.
Boulanger, distributeur basé dans le Nord de la France, a pour sa part reçu une sanction de 84,35 millions d'euros. Electrolux a également été lourdement pénalisé avec une amende de 44,5 millions d'euros. La firme a indiqué dans un communiqué, avoir provisionné cette somme dès 2023.
Un contexte de lutte contre les plateformes numériques
Une des motivations principales de cette entente était de contrer la montée en puissance des distributeurs exclusivement en ligne, jugés plus compétitifs en termes de prix. "Les distributeurs traditionnels dont les deux principaux, Darty et Boulanger, participaient pleinement à ces ententes", a souligné l'Autorité de la concurrence. Ce contrôle des prix a limité la concurrence intramarque, freinant ainsi l'accès des consommateurs à des offres plus avantageuses.
Les plateformes numériques, souvent discriminées dans ce contexte, n'ont pas bénéficié des mêmes conditions que les magasins physiques. Cette stratégie a permis aux grandes enseignes de conserver leurs marges au détriment des acheteurs.
L'affaire de l'entente sur les prix ne date pas d'hier. Une première sanction de 189 millions d'euros avait été prononcée en 2018 contre six des fabricants concernés. La décision récente étend cette sanction en y incluant de nouveaux acteurs et une période plus large.
Certains groupes avaient déjà anticipé les conséquences financières. Fnac Darty, par exemple, avait provisionné 84 millions d'euros dès le premier semestre 2023. D'autres, comme SEB, continuent de contester les griefs et envisagent des recours en justice.