Les Etats-Unis face à une crise de confiance sur leur dette
Depuis plusieurs semaines, les signaux de défiance s'accumulent autour de la dette américaine. Rendements en hausse, désengagement de certains investisseurs et perte de notation ravivent les inquiétudes sur la trajectoire budgétaire des États-Unis.
Un marché obligataire américain sous tension croissante
Depuis plusieurs semaines, les émissions d'obligations du Trésor américain à 30 ans rencontrent une réception plus tiède de la part des marchés. Des géants de la gestion d'actifs comme BlackRock, JPMorgan AM, Pimco, DoubleLine Capital ou TCW réduisent leur exposition à cette maturité, voire prennent des positions à la baisse, selon Bloomberg cité par Les Echos. À l'inverse, les échéances plus courtes, jugées moins risquées, attirent toujours les capitaux.
Cette prudence croissante s'accompagne d'une hausse marquée des rendements : le taux à 30 ans, qui atteignait 4,55% fin avril, a franchi brièvement la barre des 5%, avant de se stabiliser autour de 4,93% début juin. En comparaison, les obligations allemandes à 30 ans ont vu leur taux reculer d'un demi-point en mai.
Le phénomène, accentué depuis les annonces budgétaires de Donald Trump en avril, intervient dans un contexte de creusement du déficit. En 2024, le déficit fédéral américain dépassait déjà 6% du PIB. Ce ratio pourrait atteindre 9% à horizon dix ans. C'est dans ce cadre que l'agence Moody's a dégradé la note de la dette américaine de AAA à AA1 mi-mai.
La charge d'intérêts augmente elle aussi. Le service de la dette fédérale connaît une croissance rapide, ce qui fragilise la position américaine sur les marchés, d'autant plus que certains investisseurs remettent en question le rôle traditionnel de valeur refuge du dollar.
Inquiétudes exprimées jusqu'au sommet de la finance américaine
Le directeur général de JPMorgan Chase, Jamie Dimon, a pris la parole sur Fox Business pour alerter sur les risques liés à la dette publique. "C'est un gros problème. C'est un vrai problème. Je ne sais pas si c'est dans six mois ou dans six ans, (mais) le marché obligataire va avoir des difficultés", a-t-il affirmé dans un extrait diffusé dimanche 2 juin, cité par Le Figaro.
L'entretien intervient alors que les débats autour du plafond de la dette ressurgissent à Washington. Si une loi budgétaire en préparation prévoit de repousser cette limite, elle ne suffit pas à rassurer les grands acteurs du marché. Dans le même temps, la Maison Blanche s'apprête à prolonger les crédits d'impôt massifs de la précédente administration, ce qui contribue à nourrir les doutes sur l'équilibre budgétaire à moyen terme.
Le secrétaire américain au Trésor, Scott Bessent, a lui aussi reconnu la gravité de la situation, tout en affichant sa confiance : "Le niveau de la dette m'inquiète", a-t-il reconnu lors d'un entretien avec CBS, avant d'ajouter que "le déficit cette année sera inférieur à celui de l'an dernier, et dans deux ans, il baissera encore".
D'ici là, la défiance des marchés persiste. La prochaine émission de titres à 30 ans, prévue pour le 12 juin, devrait servir de test grandeur nature pour jauger l'appétit réel des investisseurs envers une dette américaine devenue plus incertaine.