Mozilla se réinvente pour survivre sans Google
Alors que la justice américaine s'interroge sur les pratiques de Google, Mozilla engage une transformation majeure. L'accord qui lie les deux entités depuis des années pourrait disparaître, menaçant l'équilibre économique du navigateur Firefox et accélérant une réorientation globale de ses activités.
Un modèle économique fragilisé par le procès contre Google
Depuis plusieurs années, Mozilla tire l'essentiel de ses revenus d'un contrat qui permet à Google de rester le moteur de recherche par défaut sur Firefox. Cet accord représente encore aujourd'hui 85% de ses ressources. Une décision judiciaire attendue en août 2025 pourrait mettre fin à cette pratique, jugée anticoncurrentielle dans le cadre d'un procès antitrust intenté aux États-Unis.
En anticipation, Mozilla a engagé une réorganisation. Plusieurs services annexes comme Fakespot et Pocket sont arrêtés en juillet. Une nouvelle structure de gouvernance, mise en place début 2025, regroupe désormais la fondation, la branche commerciale Mozilla Corporation, le fonds Mozilla VC et le laboratoire Mozilla AI. Ce montage permet d'accueillir de nouveaux types de financements. L'effectif a été réduit, avec près d'un tiers des salariés de la fondation invités à quitter l'organisation fin 2024. Le remplacement de la licence open source par des conditions d'utilisation formelles pour Firefox illustre aussi cette évolution.
Firefox et IA locale au cœur du redéploiement
Mozilla recentre ses efforts sur Firefox, dont la part de marché mondiale est désormais limitée à 2,37%, loin derrière Chrome. En France, l'organisation a toutefois profité de l'entrée en vigueur du Digital Markets Act pour doubler son nombre d'utilisateurs quotidiens depuis mars 2024. Ce règlement impose aux fabricants de smartphones de proposer un choix de navigateurs à l'installation.
Pour fidéliser ces nouveaux usagers, Mozilla prépare l'intégration de fonctionnalités basées sur l'intelligence artificielle, prévues dans une mise à jour de Firefox attendue d'ici la fin de l'année. Suba Vasudevan, directrice des opérations, indique que ces outils fonctionneront directement sur l'appareil de l'utilisateur, sans collecte de données. Elle défend une IA "ouverte, inspectable et interopérable", citée par Les Echos. En parallèle, des tests sont menés dans trois pays pour intégrer Perplexity, un moteur de recherche conversationnel, dans la barre d'adresse de Firefox.
Nouvelles sources de revenus et adaptation interne
Mozilla envisage désormais la publicité comme levier financier. Suba Vasudevan, recrutée chez Meta, affirme que ces revenus sont nécessaires pour faire fonctionner l'organisation. Lors de son passage à Paris fin juin, elle a rencontré plusieurs acteurs du secteur. La publicité ne reposerait pas sur des données nominatives, mais sur des données chiffrées et anonymisées, via les outils de la start-up Anonym, acquise en 2024.
L'entreprise continue par ailleurs à investir dans des outils liés à la sécurité des modèles d'intelligence artificielle. Ces initiatives s'inscrivent dans une volonté d'assurer la continuité de ses activités, malgré la fin possible de son financement historique.