Vente de SFR : l'Etat sur ses gardes face aux appétits étrangers
La possible cession de SFR, deuxième opérateur télécom en France, suscite l'attention du gouvernement. En raison de la sensibilité de ses infrastructures et des risques de consolidation du marché, l'exécutif entend surveiller de près les offres, notamment si elles proviennent de groupes étrangers.
Une opération envisagée dans un contexte de désendettement
Depuis février 2025, Altice France, maison mère de SFR, a engagé une restructuration financière. L'accord conclu avec ses créanciers prévoit une réduction de la dette de 24 à 15,5 milliards d'euros en échange de 45% du capital, selon Le Monde. La possibilité d'une vente s'est imposée au fil des discussions, même si aucune annonce officielle n'a été faite.
Arthur Dreyfuss, PDG d'Altice France, a déclaré le 1er juillet lors d'un échange avec les salariés ne vouloir "commenter aucune rumeur", précisant que la priorité restait "la finalisation de l'accord sur la dette d'ici fin septembre ou début octobre".
La valorisation de SFR fait l'objet d'estimations variables : 26 milliards d'euros selon une source impliquée dans la renégociation, environ 20 milliards selon JP Morgan, ou encore 30 milliards d'après des rumeurs de marché relayées par Le Figaro.
Candidats potentiels et pistes de reprise
Plusieurs fonds d'investissement sont à l'étude. Selon Les Échos, le fonds américain Blackstone aurait engagé des discussions avec des opérateurs français. KKR, déjà présent en Italie, serait également sur les rangs. Ces acteurs pourraient viser les infrastructures télécoms, notamment la filiale XpFibre.
Des groupes étrangers ont aussi montré des signes d'intérêt. L'émirati Etisalat a rencontré des représentants d'Altice à Paris en mai. Saudi Telecom Company, déjà actionnaire de Telefónica, est cité parmi les potentiels acquéreurs. Ces groupes ont déjà des participations importantes en Europe.
Concernant les acteurs français, une reprise conjointe par Bouygues Telecom et Free est évoquée, mais aucune des entreprises n'a officialisé de position. Un rachat intégral semble peu probable, comme le souligne un dirigeant d'opérateur : "Personne ne peut racheter seul tous les actifs de SFR et satisfaire l'autorité de la concurrence".
Orange, de son côté, a écarté toute implication. Sa directrice générale Christel Heydemann a indiqué que l'opérateur historique "ne sera pas à la manœuvre" dans cette opération.
Une attention renforcée de l'État et des inquiétudes sociales
La sensibilité des infrastructures de SFR justifie une vigilance accrue de l'État. L'opérateur est classé parmi les opérateurs d'importance vitale (OIV). Il représentait en 2023 21% des demandes adressées à l'Anssi en matière d'identification des victimes d'attaques, juste derrière Orange. À ce titre, toute cession est soumise au contrôle des investissements étrangers.
Marc Ferracci, ministre de l'Industrie, a déclaré sur CNews et Europe 1 : "Si d'aventure des acteurs étrangers s'intéressaient à SFR, nous serions préoccupés par les enjeux de souveraineté". Il a également précisé sur BFM Business que l'État suivrait l'affaire avec "le souci de protéger le consommateur" tout en tenant compte des "capacités d'investissement des opérateurs".
Une consolidation du marché inquiète les syndicats. Olivier Lelong, délégué central CFDT chez SFR, redoute "des suppressions massives d'emplois". Ndèye Yacine Sidibe, déléguée FO chez Iliad, alerte sur le risque de "doublons" techniques. Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC d'Orange, met en garde contre l'entrée d'un acteur "aux poches profondes" qui pourrait accentuer la pression sur les prix.
Les autorités de régulation devront évaluer l'impact d'une éventuelle fusion ou reprise, en particulier en matière de concurrence. Pour l'instant, aucune offre officielle n'a été déposée.