Le Trésor américain conteste les accusations de manipulation des taux d'intérêt
Une récente controverse secoue le paysage économique américain. Nouriel Roubini, économiste réputé, et Stephen Miran, ancien officiel du Trésor, ont accusé le Trésor américain de manipuler les émissions d'emprunts d'Etat pour influencer les taux d'intérêt à long terme. Ces accusations, publiées dans un article par Hudson Bay Capital, ont provoqué une réaction énergique de la part de la secrétaire au Trésor, Janet Yellen.
Contexte et accusations
Nouriel Roubini et Stephen Miran affirment que le Trésor américain manipule les émissions de titres pour maintenir les taux d'intérêt à long terme à un niveau bas. Selon leur analyse, cette stratégie vise à stimuler l'économie en favorisant des conditions financières favorables pour les entreprises et les ménages. Ils soutiennent que le Trésor a réduit en novembre dernier la hausse des émissions de titres à long terme, préférant émettre des obligations à court terme, ce qui aurait abaissé les rendements des bons du Trésor à 10 ans d'un quart de point de pourcentage, équivalent à une baisse d'un point des taux de référence de la Réserve fédérale.
Cette action aurait contrebalancé les efforts de la Réserve fédérale pour freiner l'économie par le biais de hausses de taux d'intérêt. Selon les deux analystes, ces manipulations expliqueraient en partie la persistance de l'inflation et la croissance nominale au cours de l'année écoulée.
Réactions officielles et professionnelles
Janet Yellen a nié catégoriquement ces accusations, affirmant qu'il n'y avait jamais eu de discussion ni de stratégie visant à manipuler les taux d'intérêt à long terme. Lors d'un échange avec Bloomberg, relayé par Les Echos, Yellen a assuré que le Trésor émet des titres de manière régulière et prévisible, en ligne avec les attentes du marché et avec l'objectif de minimiser les coûts d'emprunt à long terme.
Joshua Frost, assistant au secrétaire du Trésor, a également réfuté les accusations déclarant que les émissions de titres étaient conformes aux attentes du marché et non destinées à manipuler les taux d'intérêt. Il a souligné que la politique d'émission du Trésor vise à "emprunter au coût le plus bas possible" sur une période prolongée.
Les professionnels des marchés financiers ont également exprimé des doutes quant à la solidité des preuves avancées par Nouriel Roubini et Stephen Miran. Des experts interrogés par Bloomberg ont souligné des erreurs factuelles dans les chiffres cités par les deux économistes, affirmant que les données utilisées étaient basées sur des prévisions obsolètes et non sur des émissions réelles de titres.
Contexte politique et économique
Cette controverse intervient dans un contexte politique chargé, où chaque camp utilise l'économie comme levier électoral. Les taux d'intérêt à long terme jouent un rôle crucial en influençant les coûts des prêts hypothécaires, des cartes de crédit et des emprunts automobiles, impactant directement les consommateurs et les entreprises. Une manipulation de ces taux pourrait avoir des conséquences significatives sur l'économie et sur les perspectives électorales.
Les accusations de manipulation par le Trésor coïncident avec une période de forte volatilité des taux d'intérêt, marquée par les tentatives de la Réserve fédérale de contrôler l'inflation par des hausses successives des taux directeurs. Entre mars 2022 et juillet 2023, la Fed a augmenté ses taux de 5,25 points de pourcentage, portant le taux cible des fonds fédéraux à 5,25%-5,50%.
Les investisseurs anticipent désormais des baisses de taux de la part de la Fed, avec les contrats à terme sur les taux d'intérêt indiquant une probabilité de 100% d'une réduction d'ici septembre (selon The Street). Ces attentes ont contribué à la baisse du rendement des bons du Trésor à 10 ans, qui est passé de 4,71 % en avril à 4,18 % en juillet.