Harris VS Trump : ce que disent les programmes économiques des deux candidats
Tous deux promettent de rendre le coût de la vie plus abordable pour les Américains à travers l'intervention de l'État. Mais ils ne comptent pas s'y prendre de la même manière...
L'époque où les Américains étaient invités à choisir entre un candidat républicain partisan d'une présence minimale de l'État dans l'économie et un rival démocrate résolument interventionniste a fait long feu. Si Donald Trump est davantage partisan du laisser-faire que sa rivale, il a rompu avec un certain nombre de dogmes de son parti, notamment en ce qui concerne la défense du libre-échange.
Le 5 novembre prochain, les électeurs d'outre-Atlantique auront donc le choix entre deux candidats partisans d'un État fort, qui entendent tous deux s'appuyer sur la puissance publique pour améliorer les finances des Américains. Mais s'ils s'accordent sur ce principe et sur leur objectif, Donald Trump et Kamalas Harris divergent en revanche fondamentalement quant aux moyens qu'ils veulent se donner pour y parvenir.
Les mesures de Kamala Harris pour défendre le pouvoir d'achat
Plan de relance massif post-Covid, investissements massifs dans les énergies vertes (Inflation Reduction Act) et les puces informatiques (Chips Act), nomination de personnalités partisanes d'une lutte acharnée contre les monopoles à des postes clefs (Lina Khan à la tête de la FTC, gendarme de la concurrence, et Jonathan Kanter pour diriger la division antimonopole du Département de la Justice)... L'administration Biden s'est montrée vigoureusement interventionniste, et Kamala Harris n'a nullement l'intention de renier cet héritage.
Cependant, les priorités ont changé depuis l'investiture de Joe Biden. En 2021, il s'agissait de relancer l'économie américaine après la difficile période de la pandémie, de préparer le pays aux enjeux du XXIe siècle en finançant les technologies de demain et de renforcer sa résilience sur des secteurs clefs face à la perspective d'une fragmentation de l'économie en plusieurs blocs. Pour l'actuelle vice-présidente, la priorité est désormais de répondre aux inquiétudes des Américains, qui ont vu leur pouvoir d'achat s'éroder.
Son programme prévoit dans ce contexte de se concentrer sur trois axes principaux : l'accès au logement, aux denrées alimentaires et aux médicaments. Concernant la première dimension, Kamala Harris a promis 25 000 dollars d'aides versées sur quatre ans aux ménages achetant une maison pour la première fois. Afin de stimuler la construction de logements et faire ainsi baisser le prix de l'immobilier, elle entend également diriger 40 milliards de dollars d'aides en direction des promoteurs construisant des maisons à bas coût. La question de l'accès au logement est particulièrement aiguë aux États-Unis, alors que les prix de l'immobilier ont grimpé de 54 % depuis 2019. Le nombre de sans-abris a en conséquence connu une hausse de plus de 12 % entre 2022 et 2023.
La hausse du prix des denrées alimentaires est une deuxième épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des ménages américaine : leur prix est aujourd'hui de 25 % plus élevé qu'il ne l'était avant la pandémie, et ce alors même que celui de certains produits (œufs, pommes…) a baissé après un pic atteint l'an dernier. En réponse, la candidate démocrate propose une solution simple, mais très controversée : le blocage des prix de certaines denrées, assorti de mesures punitives contre "les entreprises qui font preuve d'opportunisme, profitent de la crise et enfreignent les règles". Une proposition qui lui a valu d'être traitée de "communiste" par Donald Trump, qui y voit une mesure digne du Venezuela ou de l'Union soviétique. Si la réaction du candidat républicain n'a rien de surprenant, cette idée a également valu à la candidate démocrate des critiques dans son propre camp, par exemple de la part d'une éditorialiste du Washington Post, journal que l'on peut difficilement soupçonner d'être pro-Trump.
Enfin, la candidate démocrate compte par ailleurs poursuivre les efforts menés par l'administration Biden pour baisser les coûts des médicaments, qui peuvent atteindre des sommes astronomiques aux États-Unis, où le système de santé est soumis aux lois du marché. Elle propose ainsi de prolonger un plafonnement du prix de l'insuline à 53 dollars par mois, institué par Joe Biden. Mais aussi une mesure également adoptée par l'actuel président, qui doit prendre effet en janvier prochain et limitera la facture totale pour des médicaments prescrits à 2 000 dollars par an maximum pour tous les Américains. Une limite qui ne concernait auparavant que les bénéficiaires de Medicare, le système de santé réservé aux plus pauvres. Kamala Harris souhaite aussi renégocier le prix d'autres médicaments essentiels pour abaisser leur coût.
Donald Trump promet des baisses d'impôts et une guerre commerciale tous azimuts
La recette économique de Donald Trump est simple : l'ancien président considère qu'il a laissé à son successeur une économie en pleine forme, que celui-ci a sabordé. Donald Trump propose ainsi aux électeurs de retrouver le chemin de la croissance et de lutter contre l'inflation en appliquant les méthodes qui ont selon lui fait recette lors de son premier mandat.
En 2017, lors de sa prise de pouvoir, l'une des premières mesures de l'ancien président avait été de baisser l'impôt sur le revenu pour la plupart des Américains. Cette fois-ci, Trump entend aller plus loin en supprimant purement et simplement cet impôt, introduit pour la première fois en 1861, lors de la Guerre de Sécession, pour financer l'effort de guerre. Il entend également supprimer les impôts prélevés sur les pourboires, qui, aux États-Unis, où il est très mal vu de ne pas "tipper", représentent en moyenne 20% de l'addition et constituent ainsi une part non négligeable du revenu du personnel des bars et restaurants. Mais aussi des coiffeurs, voituriers, et toutes personnes proposant des services directement au public. Rare convergence entre les deux programmes, cette mesure est aussi proposée par Kamala Harris.
Donald Trump veut de surcroit stimuler l'économie en baissant encore l'impôt sur les sociétés : en 2017, il avait fait passer celui-ci de 35 % à 21 %, et promet désormais de descendre à 15 %. Kamala Harris entend à contrario remonter cet impôt à 28 %.
Pour financer ces baisses drastiques d'impôts sans faire exploser le déficit, Donald Trump entend employer une méthode qu'il a déjà expérimentée lors de son premier mandat : les tarifs douaniers. En plus d'augmenter les recettes de l'État, le candidat républicain entend ainsi favoriser le Made in USA et recréer des emplois industriels sur le sol américain. Il promet ainsi de monter les droits de douane à au moins 10 % pour chaque pays exportant vers les États-Unis, et à 60 % pour la Chine, que l'ancien président avait déjà ciblée directement lors de son premier mandat. Il a également promis de taxer à 100% les voitures fabriquées à l'étranger et vendues sur le marché américain. À noter que si Kamala Harris ne propose rien de tel, les démocrates ne sont pas non plus des champions du libre-échange : la plupart des tarifs douaniers mis en place sous Donald Trump ont été conservés par Joe Biden, et, pour certains, étendus.
Un autre aspect sur lequel Donald Trump entend jouer pour redonner du pouvoir d'achat aux Américains est la politique migratoire : le candidat républicain, qui a promis de lancer " une opération de déportation sans précédent ", entend expulser des millions d'immigrés présents illégalement sur le territoire, une mesure qui devrait selon lui permettre de baisser les coûts du logement en diminuant la demande.
L'ancien président entend enfin supprimer plusieurs régulations environnementales imposées aux entreprises et étendre les permis de puiser du pétrole sur les terres détenues par l'État afin de baisser les coûts de l'énergie.