OVHcloud vs Scaleway : l'ambition mondiale face au principe de réalité

OVHcloud vs Scaleway : l'ambition mondiale face au principe de réalité Les numéros un et deux français proposent des offres de cloud public, pour partie comparables. Quelle est la richesse fonctionnelle de leurs catalogues ? Quels sont leurs atouts respectifs ?

La page du cloud souverain a été définitivement tournée le 1er février 2020. Après SFR avec Numergy, Orange a débranché définitivement Cloudwatt. Ces échecs ont toutefois laissé place à une nouvelle génération d'acteurs français du cloud que sont OVHcloud, Scaleway, Ikoula ou 3DS Outscale (Dassault Systèmes). Ce sont eux qui font désormais vibrer la fibre patriotique à l'heure du RGPD et de la menace que fait peser le Cloud Act américain sur les données personnelles des Européens. Si l'on s'intéresse aux deux premiers, le match semble inégal sur le papier. OVH a l'ambition de s'imposer comme un cloud mondial là où Scaleway reste pour l'heure cantonné à l'Europe. Une stratégie qui pourrait être jugée plus réaliste.

Petit retour en arrière, Scaleway et OVH se sont tous deux lancés dans le cloud public en 2015. Mais à la différence du premier, le second a décidé d'accélérer plus rapidement.  Résultat : OVH affiche un portefeuille de services nettement plus riche qui se double désormais d'une politique de partenariats (lire l'article : OVH donne le coup d'envoi d'une stratégie d'écosystème).  S'inspirant de la démarche de R&D de Google, le groupe d'Octave Klaba mise sur son OVH Labs pour confronter ses nouveaux services à la réalité du marché, au risque d'ailleurs de ne pas les commercialiser si la demande n'est pas au rendez-vous. A l'inverse, Scaleway qui, lui, a décidé d'accélérer début 2018 (lire l'article Scaleway, le cloud d'Iliad, change de dimension) déroule une feuille de route qui se veut avant tout pragmatique et pilotée par un principe : proposer les services essentiels d'un IaaS directement en ligne avec les besoins de ses clients. 

Comparatif entre OVHCloud et Scaleway
  OVHcloud Scaleway
Puissance de calcul (Compute) Quatre formules : instances pour les environnements de test et de développement (Sandbox), instances CPU aux ressources garanties, instances GPU Nvidia Tesla V100, instances IOPS sur cartes NVMe, offre de serveurs bare metal (alpha). Tarif instances génériques (General purpose) : à partir 0,0619 euros par heure. Quatre formules : instances pour les phases de développement, instances spécifiques au développement d'applications mobiles et aux serveurs web légers, instances CPU pour les environnements en production, instances GPU Nvidia Tesla P100, offre de serveurs bare metal. Tarif instances génériques (General purpose) : à partir de 0,078 euros par heure.
Containerisation et orchestration Kubernetes managé, registre privé managé (à venir), workflow management, outil d'orchestration OpenStack (bêta), catalogue d'images cloud en mode public et privé. Registre de conteneurs managé, Kubernetes managé (bêta publique), solution serveless (bêta privée).
Stockage Stockage à la demande accessible par l'API OpenStack Swift, stockage persistant (Block Storage), archivage, solutions de snapchots et de sauvegarde des instances. Stockage objet : 0,01 euros par mois et par Go. Tarif stockage en blocs : 0,04 euros par mois et par Go (250 IOPS garantis, 4 To max). Trafic sortant : 0,01 euro par Go.  Stockage la demande accessible via une API compatible S3, stockage persistant (Block Storage en bêta publique), archivage (early access). Tarif stockage objet : 75 Go gratuits puis 0,01 euro par mois et par Go.  Tarif stockage en bloc : à partir de 0,08 euros par mois et par Go (5 000 IOPS garantis, transfert inclus). Trafic sortant : 0,01 euro par Go. Prix jusqu'à 499 To.
Réseaux Load balancer, réseau privé étendu, solution anti-DDos native. En bêta : service d'IP flottante et routeur virtuel. Tarif load balancer : à partir de 19,99 euros par mois. Load balancer, service de réservation de noms de domaine et de gestion des DNS (early access). Tarif load balancer : 8,99 euros par mois ou 0,018 euros par heure.
Bases de données managées MariaDB, MySQL, PostgreSQL et Redis. Tarif : à 5,99 euros HT par mois pour une instance à 512 Mo de RAM et 8 Go de SSD. PostgreSQL. Tarif : à partir de 8 euros par mois ou 0,016 euros par heure avec 2 vCPUs, 2 Go de Ram, 5 Go SSD (prix standalone)
Traitement de données Stack Hadoop préconfigurée, collecteur de données (bêta), framework Spark (bêta), service de file d'attente de messages (bêta), solution d'automatisation du machine learning (bêta), plateforme de déploiement de modèles d'IA (alpha), marketplace d'algorithmes prêts à l'emploi (bêta). Hub IoT (bêta publique), environnement de déploiement de modèles IA entraînés (mode discovery).

Premier provider européen, OVH (acronyme de On Vous Héberge), rebaptisé récemment OVHcloud, capitalise sur 20 ans d'expérience et emploie plus de 2 200 collaborateurs dans le monde. Le groupe roubaisien gère 30 data centers répartis sur douze sites et quatre continents au service de 1,5 million de clients. Le champion français, membre du Next 40, devrait enregistrer un chiffre d'affaires de 600 millions d'euros en 2019, en progression de 20% comparé à 2018, et se fixe l'objectif de passer le cap du milliard d'euros en 2021.

OVH entend se poser comme alternative aux quatre grands clouds américains

Par sa dimension, OVH entend se poser comme alternative aux quatre grands clouds américains que sont Amazon Web Services (AWS), Microsoft Azure, IBM Cloud et Google Cloud Platform (GCP), ainsi qu'aux géants chinois Alibaba Cloud, Baidu et Tencent. Pour maîtriser l'ensemble de la chaîne de production informatique, OVHcloud conçoit et assemble ses propres serveurs. Symbole de cette internationalisation, Octave Klaba, son fondateur, s'est installé à Austin, au Texas, début 2019 pour coller au plus près des attentes du marché américain. 

Même s'il revendique également une vingtaine d'années d'expérience et 60% de clients à l'international, Scaleway n'entend pas, lui, entrer en concurrence frontale avec les géants mondiaux du cloud. L'ancien service hébergement Online de Free, filiale du groupe Iliad de Xavier Niel, entend jouer de sa différence, en misant sur des services ciblés et des tarifs clairs et prédictifs face à la complexité de l'offre et le manque de visibilité de la grille tarifaire d'AWS ou de Microsoft Azure.

Numéro deux du cloud français derrière OVHcloud, Scaleway emploie plus de 250 collaborateurs pour un chiffre d'affaires attendu de 80 millions d'euros en 2019. L'entreprise dispose de quatre data centers en France, un autre aux Pays-Bas, en attendant un centre de données à Varsovie, puis des infrastructures en Asie du Sud-Est et en Amérique Latine, mais pas d'implantation en vue aux Etats-Unis.

Calcul et stockage : match équilibré

Si l'on zoome sur leurs offres respectives de cloud public, des éléments de comparaison sont possibles. Sur le volet de la puissance de calcul, le Public Cloud d'OVH avance quatre types d'instances. L'offre débute par des instances d'entrée de gamme (Sandbox) avec des ressources partagées. Elles sont conçues pour les environnements de test et de développement. Pour les cas d'usages les plus fréquents, OVHcloud commercialise des instances CPU aux ressources garanties. Les entreprises qui ont besoin de davantage de puissance se tourneront vers des instances GPU intégrant des processeurs graphiques NVidia Tesla V100 ou mieux encore les instances IOPS reposant sur les cartes NVMe.

Scaleway Elements, l'offre de cloud public de la filiale d'Iliad, reprend un découpage assez similaire. On retrouve des instances d'entrée de gamme pour les phases de développement puis des instances CPU pour les environnements en production et les applications professionnelles. Les instances GPU Nvidia Tesla P100 se prêtent au traitement des données et au machine learning. A noter que Scaleway introduit des instances spécifiques au développement d'applications mobiles et aux serveurs web légers basées sur ARMv8. Enfin, le provider propose une offre de serveurs bare metal dédiés et dotés de processeurs Intel Xeon ou AMD EPYC. OVHcloud envisage aussi de commercialiser des instances en bare metal mais cette solution n'est pour l'heure qu'en version alpha.

Chez Scaleway, un service de stockage objets compatible avec l'API S3 d'Amazon

En termes de stockage, les deux providers présentent également des similitudes. OVHcloud et Scaleway proposent bien entendu un service de stockage objets, accessible en HTTPS. Mais si le premier s'appuie sur l'API OpenStack Swift, le second a fait le choix de recourir à une API compatible avec celle d'Amazon S3, ce qui le rend interopérable avec des applications et frameworks comme Veeam ou Atempo. Au catalogue d'OVHcloud, on trouve une offre de stockage persistant avec une triple réplication des données sur des disques distincts (Block Storage) et une solution d'archivage pour les données froides. On retrouve son équivalent chez Scaleway mais en versions bêta publique et "early access". La tarification des solutions de stockage objet sont similaires, avec le Go stocké à 0,01 euro par mois.

En matière de containerisation et d'orchestration, OVHcloud a récemment lancé en version finale et gratuite une offre de Kubernetes as a service pour gérer des clusters de containers logiciels. Le provider met aussi à disposition un catalogue d'images d'applications en self-service, en mode public et privé. Il propose, en bêta, un outil d'orchestration d'infrastructures pour OpenStack et, à venir, un registre privé managé pour gérer le dépôt de briques logicielles, sous la forme d'images Docker ou de charts Helm. Scaleway commercialise déjà ce type de registre de conteneurs managé pour faciliter le stockage, la gestion et le déploiement d'images. En revanche, son Kubernetes managé est encore en bêta publique et sa solution serveless en bêta privée.

Baie virtuelle et anti-DDoS

Sur la partie réseaux, les deux providers se distinguent très nettement. Outre le classique service d'équilibrage de charge serveur, OVHcloud propose sa technologie de baie virtuelle vRack pour relier des ressources disséminées sur des localisations différentes au sein d'un même réseau privé étendu. Le provider qui dispose de son propre réseau télécoms mondial a aussi inclus dans toutes ses solutions un dispositif anti-DDoS pour contrer les attaques par déni de service. En bêta, il propose un service d'IP "flottante" permettant d'attribuer et de déplacer une IP publique d'une instance à une autre ainsi qu'un routeur virtuel pour gérer des réseaux privés. Scaleway se limite, pour l'heure, à un load balancer en version early access, et à un service permettant d'acheter des noms domaines et de configurer leurs enregistrements DNS.

En ce qui concerne les bases de données managées, OVHcloud prend encore l'avantage. Au fil du temps, son offre Cloud Databases s'est progressivement enrichie des moteurs de bases de données MariaDB, MySQL, PostgreSQL et Redis. Pour l'heure, Scaleway propose uniquement des bases de données managées PostgreSQL.

Sur le volet big data, OVHcloud creuse également l'écart. Une stack Hadoop, préconfiguré et prête à l'usage "en moins d'une heure", s'adresse aux cas d'usage de type mégadonnées ou IoT. Pour compléter l'édifice, le numéro un français aligne un service de collecte de données, et une solution de traitement des flux de données basée sur le framework Spark. Toujours en bêta, il propose par ailleurs ioStream, un service de file d'attente de messages et de gestion d'événements basé sur Apache Pulsar.

En matière d'intelligence artificielle, OVHcloud avance aussi ses pions. Son portefeuille comprend une solution d'automatisation du machine learning (AutoML) et une plateforme pour déployer en production des modèles d'IA. La première offre est en version bêta, la seconde en version alpha. OVHcloud propose aussi une marketplace d'algorithmes prêts à l'emploi (en bêta). Face à lui, Scaleway prévoit de sortir un tel environnement de déploiement pour les modèles d'IA pré-entraînés. En attendant, on trouve à son catalogue un "IoT Hub" pour relier les objets connectés entre eux ou avec des services cloud (bêta publique).