Comment les géants du cloud s'immiscent dans les réseaux 5G

Comment les géants du cloud s'immiscent dans les réseaux 5G Amazon, Microsoft et Google déploient des centaines de mini-clouds au cœur des réseaux mobiles de cinquième génération. Objectif : éviter les temps de latence des clouds centralisés pour exploiter au mieux les débits.

La 5G s'érige désormais en nouvelle frontière du cloud. Amazon, Microsoft et Google se préparent au grand saut depuis 2017. Tous trois ont lancé ces derniers mois des solutions taillées pour les réseaux mobiles de cinquième génération. Celle d'Amazon s'articule autour de zones cloud de proximité (baptisées Wavelength) conçues pour se nicher dans les datacenters des opérateurs mobiles, au plus près des infrastructures 5G. Idem pour Microsoft avec ses Azure Edge Zones. Quant à Google, il a signé un accord avec Ericsson visant à associer sa plateforme à l'offre 5G de l'équipementier réseau. L'enjeu de ce vaste mouvement ? Offrir des temps de réponse à la hauteur des attentes, soit inférieurs à 10 millisecondes. Et ce en évitant les longs allers-retours avec les clouds centralisés. Les cas d'usage sont nombreux : gaming haute fréquence, streaming multimédia 4K, calcul de rendu dans la réalité mixte, machine learning dans la santé, les transports, les véhicules connectés... 

Les clouds déployés sur les réseaux 5G des principaux opérateurs
  Amazon Web Services Google Cloud Microsoft Azure Oracle Cloud*
AT&T   x x  
Deutsche Telekom     x  
Dish x      
NTT Communications     x  
Orange   x    
Telecom Italia   x   x
Telefonica x x x  
Telus   x    
T-Mobile     x  
Verizon x   x  
Vodafone x   x  
KDI x      
SK Telecom x      
* Le 8 octobre 2021, Oracle a annoncé un accord avec Telecom Italia qui prévoit le portage d'Oracle Cloud sur le réseau 5G de l'opérateur italien.

En août dernier, Microsoft prend ses concurrents de court en annonçant le rachat du cloud orchestrant le réseau 5G d'AT&T, numéro un des télécoms aux Etats-Unis. Cette technologie, qui sera migrée sur Azure d'ici 3 ans, rejoindra l'offre cloud de l'éditeur à destination des opérateurs telco. Baptisée Azure for Operators, elle recouvre des services de virtualisation réseau et des solutions de communications unifiées (ciblant les réseaux convergés), issus respectivement des rachats de Metaswitch et d'Affirmed Networks. Quant au cloud 5G d'AT&T, Microsoft en reprend de facto l'exploitation et la maintenance pour le compte de l'opérateur américain. En parallèle, le groupe déploie ses Azure Edge Zones dans les centres de données d'AT&T directement connectés à l'infrastructure 5G de ce dernier. Dans la même logique, Microsoft a bouclé des accords avec Deutsche Telekom, NTT Communications, Telefonica, T-Mobile, Verizon Business ou encore Vodafone Business. L'entreprise de Satya Nadella tisse sa toile.

Des stratégies multicloud

Google avance lui-aussi ses pions sur l'échiquier. La solution qu'il propose n'est autre qu'une déclinaison pour les télécoms de son PaaS déployable sur site, et qu'il a baptisée tout naturellement Anthos for Telecom. A l'instar de Microsoft, Google multiplie les partenariats d'intégration. Parmi les opérateurs déjà engagés à ses côtés, on retrouve AT&T et Telefonica. Ce n'est pas une surprise. Les deux géants ne veulent pas mettre tous leurs œufs dans le même panier. Ils souhaitent également proposer aux éditeurs d'applications mobiles un environnement multicloud. Autres acteurs dans la liste : Telecom Italia Mobile, le canadien Telus et le français Orange. Ce n'est pas tous. Divers fournisseurs ont signé avec Google en vue de porter leurs produits développés pour la 5G sur le cloud de Mountain View. Parmi eux figurent Cellwize (automatisation de réseau mobile), Palo Alto Networks (cybersécurité), Robin.io (stockage, orchestration bare metal et automatisation), Qwinix (IA orientée 5G pour le retail).

Chez Amazon, l'offre Télécommunications sur AWS se pose en concurrente d'Azure for Operators. Premier acteur à adosser la 5G à cette plateforme : Dish. Plusieurs briques critiques de son réseau mobile de cinquième génération sont déployées sur les zones locales Wavelength d'AWS. C'est le cas des unités centralisées (UC) supportant les protocoles 5G de haut niveau. Quant au cœur de réseau et le système IMS conçu pour acheminer les contenus multimédias, leur hébergement est réparti entre ces zones locales et les régions cloud centralisées d'Amazon. Taillé pour déporter les services du cloud de Seattle dans les entreprises, AWS Outposts embarquera quant à lui les unités décentralisées (UD) chargées des protocoles 5G de bas niveau. Logique. Les UD doivent en effet être portés directement sur l'infrastructure hardware. L'ambition de ce chantier ? Couvrir 70% de la population américaine d'ici 2023.

"En portant son réseau 5G sur AWS, Dish en devient de facto dépendant"

"En recourant à AWS pour héberger et virtualiser ses stations de base 5G, Dish optimise ses coûts de déploiement", analyse Michelle Lo, consultante chez STL Partners spécialisée dans les clouds de classe opérateurs. Au total, Dish estime la dépense en question à 10 milliards de dollars. "Il pourra ensuite optimiser ses OPEX en calant la consommation de ressources cloud sur la demande client et le trafic", poursuit Michelle Lo. Mais la consultante prévient : "Dish en devient de facto dépendant d'Amazon en termes de performance, de sécurité et de résilience." Swisscom et Telefonica Brésil suivent le même chemin. Tous deux ont annoncé leur intention d'adosser leur cœur de réseau 5G au cloud d'Amazon. En France, Orange développe lui-aussi son réseau 5G à partir de technologies cloud, mais le groupe français s'est orienté vers un cloud privé.

Microsoft en avance sur la 5G privée

En parallèle, AWS entend bien faire en sorte que ses zones Wavelength soient mises en œuvre au sein des data centers de multiples opérateurs, à la périphérie de leur réseau 5G. Parmi les acteurs télécoms qu'il a déjà poussés dans cette voie, on retrouve encore et toujours Telefonica. Mais également Verizon et Vodafone Business, tous deux engagés en parallèle avec Microsoft, ainsi que le japonais KDDI, le sud-coréen SK Telecom... et évidemment Dish.

Face à Amazon et Google, Microsoft voit déjà plus loin avec son offre Azure private multi-access edge compute (anciennement baptisée Azure Private Edge Zones). Elle permet de déployer des réseaux privés 5G/LTE combinés à des zones locales privées, elles-mêmes basées sur Azure Stack et Azure Arc Enabled Kubernetes. La finalité ? Proposer une solution 5G clés en main déployable sur site répondant à la fois aux enjeux de faible latence et de bande passant élevée, mais aussi aux problématiques de sécurité et de souveraineté des données. Pour motoriser les usines 4.0 et la supply chain, cette offre s'intègre aux services IoT d'Azure tels qu'Azure IoT Central et Azure Sphere. Via Azure Affirmed Private Network Service, Microsoft donne, enfin, la possibilité aux opérateurs de téléphonie mobile de fournir des solutions 5G privées aux entreprises. A notre connaissance, ni AWS ni Google ne se sont encore lancés sur ce créneau.