Oracle adopte une stratégie résolument multicloud

Oracle adopte une stratégie résolument multicloud En interconnectant son cloud public à celui d'AWS, Microsoft Azure et Google Cloud, le géant américain défend un multicloud ouvert et interopérable. Un changement de cap qui répond aux attentes de ses clients grands comptes.

Place à "la nouvelle ère du multicloud ouvert". Le 10 septembre dernier, lors de Cloud World, l'évènement annuel d'Oracle, Larry Ellison, son président fondateur et CTO, a défendu une nouvelle phase dans le développement du cloud signé Oracle. Après avoir noué des partenariats avec Microsoft Azure et Google Cloud, il annonçait un accord avec AWS. Objectif affiché : interconnecter le cloud public d'Oracle (Oracle Cloud Infrastructure, ou OCI) avec les plateformes de l'ensemble de ces hyperscalers.

Concrètement, les clients des trois providers américains pourront, depuis leur console, accéder aux instances d'Autonomous Database et d'Exadata sans changer d'environnement. Des briques technologiques d'Oracle – couches matérielles et logicielle - seront directement installées dans les datacenters des fournisseurs pour que leurs machines virtuelles soient nativement préparées à héberger ses services. Baptisée Oracle Database@, cette nouvelle approche sera déployée progressivement.

Partenariat le plus ancien, Oracle Database@Azure est d'ores et déjà disponible dans six régions Microsoft Azure dont France Centre, Allemagne Centre-Ouest et Royaume-Uni Sud. Oracle Database@Google Cloud est également disponible en Europe mais, pour l'heure, uniquement dans les datacenters de Google de Londres et Francfort. Quant au dernier accord en date, Oracle Database@AWS sera disponible en version préliminaire d'ici la fin de l'année, "avec une disponibilité plus large en 2025".

Ces partenariats sont appelés à s'enrichir au fil des mois. L'accord passé avec AWS prévoit des passerelles permettant de connecter une base de données Oracle aux services maison d'Amazon, comme EC2 ou Bedrock dans le domaine de l'IA générative. De même, les entreprises pourront s'appuyer sur les capacités d'IA générative de Google Cloud (Vertex AI, Gemini) pour faire parler les données d'Oracle Database 23ai. Pour consommer ces nouveaux services, les clients utiliseront leurs crédits AWS ou Azure ou tireront parti des avantages de leur licence Oracle existante, dans la logique du bring your own license.

Principe de réalité

En soi, le mouvement d'Oracle vers le multicloud n'est pas nouveau. Il a été initié en juin 2019 avec l'interconnexion d'OCI et de Microsoft Azure afin de permettre à leurs clients respectifs de faire tourner des applications avec des charges de travail répartis entre leurs deux clouds publics. Avec ces annonces, il prend toutefois une autre dimension. C'est un vrai changement de cap pour Oracle. A la différence d'un SAP qui a assez tôt fait le choix de s'appuyer sur les trois hyperscalers, Oracle avait initialement décidé de bâtir sa propre infrastructure de cloud public afin de rivaliser avec ces derniers.

"La technologie hyperconvergée de type Exadata économise de la puissance de calcul, une partie de l'information étant directement traitée depuis les cellules de stockage"

Le principe de réalité a pris le dessus. "La concurrence entre Oracle et AWS a été féroce ces dernières années", reconnaît Larry Ellison. "Mais dans un monde multicloud, les rivaux doivent aussi être des partenaires." En analysant sa base installée, Oracle a, de fait, pu constater que la plupart de ses clients grands comptes ont, depuis des années, pris une orientation résolument multicloud. Au-delà d'OCI, ils recourent généralement à deux ou trois autres cloud providers tiers. "C'est la stratégie de nos clients", souligne sur ce point Christophe Negrier, directeur France d'Oracle.

Les bénéfices du multicloud sont, de fait, bien identifiés. Dans une approche best of breed, une entreprise peut sélectionner, cloud par cloud, les services les plus compétitifs ou les plus innovants en fonction de leur cas d'usage. Le multicloud lui permet aussi de compléter sa couverture géographique, de répondre à des exigences réglementaires et de renforcer sa résilience en basculant d'un cloud à l'autre en cas de panne ou de cyberattaque. En ne mettant pas tous ses œufs dans le même nuage, une organisation réduit surtout sa dépendance à l'égard des fournisseurs. Le multicloud la prémunit contre la risque d'enfermement propriétaire (ou vendor lock-in) qu'elle a pu connaître dans le monde du progiciel, en particulier avec les éditeurs d'ERP... comme Oracle.

Réduire la facture et l'empreinte carbone

Pour Philippe Wojcik, cloud solution engineering director chez Oracle, l'approche Oracle Database@ accélérera les stratégie de move to cloud, notamment au sein des organisations qui ont conservé une bases de données Oracle en mode on-premise. "Les applications critiques ont besoin de performances, leur migration peut s'avérer complexe", estime-t-il. L'accord passé avec AWS prévoit, selon le communiqué commun, "des options flexibles pour simplifier et accélérer la migration des bases de données Oracle vers le cloud, y compris la compatibilité avec des outils de migration éprouvés tels qu'Oracle Zero Downtime Migration".

Philippe Wojcik y voit aussi une opportunité pour les entreprises de réduire à la fois leurs factures et leur empreinte environnementale. "Prendre des serveurs bare metal pour instancier une base de données coûte cher. La technologie hyperconvergée de type Exadata économise de la puissance de calcul, une partie de l'information étant directement traitée depuis les cellules de stockage", explique-t-il. De même, la convergence des infrastructures promise par Oracle Database@ optimisera la consommation énergétique des datacenters. "La consolidation des environnements fera tourner moins de machines virtuelles. Avec la mise à échelle automatique, il est aussi possible d'ajuster l'infrastructure en fonction de la charge de travail", indique l'intéressé.

Plus que le multicloud, Philippe Wojcik préfère parler de "all cloud". Pour les entreprises qui ne souhaitent pas migrer leurs actifs dans le cloud pour des exigences réglementaires, de sécurité ou de latence, Oracle propose deux offres de cloud distribué. Avec Dedicated Region, elles peuvent déployer au sein de leur datacenter une région autonome, une infrastructure dédiée reprenant les mêmes fonctionnalités que les régions du cloud public d'Oracle. Soit plus de 150 services cloud proposés aux même tarifs et niveau de support. Compute Cloud@Customer reprend le même principe à l'échelle du rack pour les organisations plus modestes.

Cette approche multicloud ou "all cloud" ne signifie pas la fin des ambitions d'Oracle dans le cloud public. "OCI est né après AWS, Azure ou Google Cloud", rappelle Philippe Wojcik. "La plateforme bénéficie d'une architecture optimisée et se positionne sur l'IA générative grâce à notre partenariat avec Nvidia". Les chiffres donnent pour l'heure raison à Oracle. Sur le premier trimestre fiscal 2025, ses revenus cloud ont bondi de 21% pour atteindre 5,6 milliards de dollars. Selon Larry Ellison, "Oracle dispose de 162 centres de données cloud en activité et en construction dans le monde entier".