Christophe Negrier (Oracle) "Les régions cloud françaises d'Oracle comptent des centaines de clients"

Le directeur France d'Oracle décrypte les annonces réalisées à l'occasion d'Oracle World début septembre et revient sur la stratégie du groupe dans l'Hexagone et dans le monde.

JDN. Quelles sont les principales tendances que vous observez sur le terrain du cloud cette année ?

Christophe Negrier est vice-président sénior South EMEA et country manager d’Oracle France. © Oracle

Christophe Negrier. Dans le sillage du Covid, nous avions observé un mouvement général des entreprises vers le cloud. Aujourd'hui, nous arrivons à l'âge de raison. Une solution unique répondant à tous les besoins des clients, d'un point de vue technique, financier et opérationnel, n'existe pas. Et de ce point de vue, le cloud ne déroge pas à la règle. Du coup, les entreprises sont résolument entrées dans l'ère du cloud hybride et du multicloud. Certaines applications resteront hébergées sur site, sur des clouds privés, d'autres seront mises en œuvre sur de multiples clouds publics, chacun répondant à des besoins particuliers.

Suite au portage d'Oracle Autonomous Database sur Azure, sur Google Cloud et maintenant sur AWS, le multicloud semble être la nouvelle stratégie d'Oracle. Est-ce que vous confirmez ?

Ce n'est pas la stratégie d'Oracle. C'est la stratégie de nos clients. Pour des questions financières, techniques et de rapidité de transformation, ils ont désormais la certitude qu'ils ne pourront pas atteindre leurs objectifs avec un provider cloud unique. Ici, je parle d'entreprises d'une certaine taille avec des applications et des données critiques. Nous nous contentons de suivre ce mouvement.

Ensuite, il faut se poser une question. Pourquoi AWS, Microsoft et Google n'ont signé entre eux aucun partenariat, et à contrario pourquoi tous signent des accords avec nous ? Et bien parce que tous ont compris que le cloud d'Oracle est un vecteur de valeur pour leurs offres respectives, et donc pour leurs clients. Vouloir remplacer Oracle Autonomous Database par Microsoft SQL Serveur ou par les bases de données des autres hyperscalers n'a pas de sens.

Comment cela se traduit-il techniquement ?

L'intégration d'Oracle Autonomous Database à Microsoft Azure, Amazon Web Services et Google Cloud Platform passe par la combinaison de la plateforme OCI (pour Oracle Cloud Infrastructure, ndlr) à leur cloud respectif. Au final, notre base de données est consommée à la manière d'un service d'Oracle opéré dans chacun de ces environnements, avec à la clé le même mode de tarification que celui dont les clients bénéficient sur notre cloud.

Il était certes déjà possible d'installer Autonomous Database chez ces trois hyperscalers, mais sans pour autant bénéficier d'une plateforme cloud signé Oracle, avec à la clé des garanties de performance, de sécurité et de qualité de services. C'est désormais le cas aujourd'hui.

Quelle est votre politique en matière d'IA générative ?

C'est un élément que nous avions vu venir et sur lequel nous planchions depuis longtemps. Nous avons plusieurs manières de l'adresser. D'abord, nous intégrons de l'IA générative au fil de l'eau dans nos solutions applicatives en mode SaaS. Cela passe par l'écriture d'offres d'emploi dans nos applications RH, par la capacité à rapprocher des éléments comptables dans nos offres financières ou encore par l'optimisation de la gestion de la chaîne logistique dans nos solutions de SCM. Evidemment, cela passe aussi par la possibilité de poser des questions en langage naturel plutôt que d'opter pour un reporting lambda.

"Comme nous sommes partis un peu plus tard que les autres dans le cloud public, notre infrastructure est de facto plus moderne et donc mieux adaptée à l'IA générative"

Ensuite comme nous sommes partis un peu plus tard que les autres dans le cloud public, notre infrastructure est de facto plus moderne et donc mieux adaptée au traitement de l'IA générative tout en étant moins chère. Grâce à cette avance, nous nous sommes vu confier l'inférence du moteur de recherche de Microsoft, Bing. OpenAI a par ailleurs annoncé avant l'été recourir à nos infrastructures pour déployer ses modèles (via l'intégration d'Azure OpenAI sur le cloud d'Oracle, ndlr). C'est aussi le cas de xAI (l'entreprise américaine spécialisée dans l'intelligence artificielle créée par Elon Musk, ndlr). Par ailleurs, Oracle Database 23ai (sortie en mai dernier, ndlr) permet à la fois de servir des applications transactionnelles, tels un ERP ou un CRM, mais également de vectoriser des informations en temps réel pour servir les modèles d'IA générative.

Enfin, nous mettons à disposition via notre cloud des boîtes à outils avec divers large language models, comme ceux de Cohere ou de Meta, pour permettre à nos clients de développer leur propre IA générative.

Quels sont les cas d'usage que vous observez chez vos clients sur ce terrain ?

Nous constatons évidemment beaucoup de projets sur le plan des agents conversationnels et des chatbots. C'est le point le plus important. Ensuite, nous essaimons de l'IA générative dans l'ensemble de nos applications, notamment pour optimiser l'efficacité de nos clients à travers l'automatisation. Enfin, la generative AI répond aux enjeux de nos clients en matière de cybersécurité au travers de technologies ad hoc que nous mettons à disposition.

Chez BNP Paribas, qui est venu témoigner sur scène à l'occasion d'Oracle World, l'IA générative est déployée à tous les étages et représente plus de 700 cas d'usage. Ce qui donne une bonne idée de son potentiel.

Quel bilan faites-vous du lancement des deux régions françaises d'OCI trois ans après leur ouverture ?

Comme partout, nous avons une activité soutenue en France. La dynamique y est très forte. Nos régions françaises sont très utilisées, Paris d'avantage que Marseille. Nous comptons plusieurs centaines de clients au total sur ces deux infrastructures.

Nous avons une stratégie de déploiement de proximité. Nous déployons des data centers partout en Europe. Nous avons deux data centers et bientôt trois en Espagne, un et bientôt deux en Italie, ainsi que trois ou quatre en Allemagne. Enfin, le cloud est aussi là pour servir nos propres applications délivrées en mode SaaS.

Quel est votre service cloud le plus utilisé ?

Cela reste la base de données autonome qui demeure notre produit à plus forte valeur ajoutée. Réaliser du plateform as a service de bout en bout sur ce type d'applicatif est un marqueur de différentiation d'Oracle. Aujourd'hui qui est capable, hormis Oracle, de proposer une base de données autonome qui automatise le provisionnement, le réglage, l'application de correctifs, la sécurité, l'évolutivité et la disponibilité ? Dans ce domaine, les clients nous font pleinement confiance. L'un des principaux corolaires de ce sujet demeure naturellement les enjeux de cybersécurité.

Mais Oracle Cloud Infrastructure est aussi un cloud public généraliste. Nous avons par conséquent beaucoup d'autres services, de Kubernetes jusqu'au HPC comme évoqué plus haut en passant par des services d'IaaS pures. L'intégration et le portage d'applications représente aussi un point clés. Dans ce domaine, nous proposons des services VMware en mode natif ou de containers qui permettent de rendre liquide l'infrastructure entre cloud privé et cloud public.

Quelles ont été les principales annonces dévoilées lors d'Oracle World qui s'est tenu du 9 au 12 septembre à San Francisco ?

Nous avons notamment annoncé l'intégration d'Oracle Autonomous Database à Amazon Web Services (AWS, ndlr). Nous avons de plus présenté le plus gros supercalculateur (HPC, ndlr) basé sur des GPU Nvidia au monde, de niveau zettascale. Il est constitué de plus de 130 000 GPU sur un seul cluster. Compte tenu de la masse de données dont disposent certains de nos clients, il y a des LLM qui vont nécessiter une telle capacité pour être entraînés. A ce système HPC est venue s'ajouter toute une série de nouveautés autour de l'IA générative (orientées infrastructure de développement, RAG... ndlr).

Ensuite, nous avons annoncé l'intégration dans nos applications d'agents d'IA. Enfin, nous avons donné le coup d'envoi de Dedicated Region25. Ce service permettra à nos clients de mettre en œuvre des régions Oracle Cloud complètes chez eux, et ce sur une infrastructure allant de 3 à 64 racks.

Christophe Negrier est vice-président sénior South EMEA et country manager d'Oracle France depuis juin 2021. Auparavant, il a notamment été enterprise sales director chez Symantec, puis corporate district manager chez EMC. Il a aussi occupé le poste de general business sales director chez VMware, mais aussi celui de vice-président des ventes chez SAP. Par ailleurs, Christophe Negrier est membre du conseil d'administration de Numeum depuis janvier 2022.