Data centers : peut-on maîtriser leur soif d'énergie ?
Les data centers pèsent déjà plus de 3% de la consommation mondiale d'électricité. À l'heure de l'IA générative et du cloud massif, leur empreinte énergétique interroge.
Derrière chaque requête Google, chaque série Netflix, chaque fichier stocké sur le cloud se cache une infrastructure bien réelle : les data centers, véritables usines du numérique.
Ils hébergent les serveurs qui font fonctionner l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux, les systèmes bancaires, les entreprises… bref, notre vie digitale.
Mais cette infrastructure consomme de plus en plus d’électricité. Et en 2025, la tendance s’accélère.
Une consommation énergétique colossale et croissante
En 2022, les data centers représentaient environ 1,5 à 2 % de la consommation mondiale d’électricité.
En 2025, ce chiffre dépasse les 3 % selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), et pourrait atteindre 7 à 10 % d’ici 2030 si rien ne change.
En France :
Leur consommation électrique est estimée à 5 TWh/an, soit l’équivalent d’une ville comme Lyon.
Selon le rapport de l’ADEME 2023, les data centers pourraient représenter 30 à 40 % de la consommation électrique du numérique d’ici 2030.
L’essor du cloud, de l’IA générative et du streaming vidéo HD aggrave encore la situation.
Refroidir les serveurs, le vrai gouffre énergétique
L’une des plus grandes sources de dépense énergétique vient du refroidissement des serveurs, qui fonctionnent 24h/24.
Le PUE (Power Usage Effectiveness), indicateur d’efficacité énergétique, reste souvent supérieur à 1,4, malgré les progrès des grands acteurs comme Google ou Microsoft qui visent le PUE ≤ 1,1 dans leurs infrastructures les plus modernes.
En clair : pour 1 kWh consommé par le serveur, jusqu’à 0,4 kWh sont utilisés uniquement pour la climatisation.
Dans les régions chaudes (Dubaï, Texas, Inde), la situation est encore plus critique, d’où l’intérêt croissant pour les data centers nordiques (Islande, Suède, Norvège) utilisant le refroidissement naturel par air ou eau.
Enjeux environnementaux et politiques sous tension
1. Une pression grandissante sur les ressources locales
En France, le projet de data center Microsoft à Wissous (Essonne) a été suspendu en juin 2024 après mobilisation d’élus locaux, inquiets de l’impact sur la consommation d’eau et d’électricité.
À Marseille, Interxion (Digital Realty) concentre une dizaine de data centers alimentés par une ligne à haute tension dédiée.
2. Une intégration au mix énergétique encore trop faible
Peu de data centers consomment en autoconsommation directe ou via PPA (contrats d’achat d’énergie renouvelable à long terme).
L’électricité utilisée reste en grande partie issue du réseau principal, parfois aux heures de forte tension (pics hivernaux en France).
3. Des mesures réglementaires en progression
La loi REEN (Réduction de l’Empreinte Environnementale du Numérique) impose depuis 2022 un bilan énergétique annuel pour tout data center >500 kW.
Les appels à intégrer les data centers au décret tertiaire se multiplient.
Bruxelles planche sur des normes européennes de performance énergétique minimum pour les data centers d’ici 2026.
Quelles solutions pour un numérique durable ?
Refroidissement passif ou submergé
- Refroidissement liquide direct (immersion cooling)
- Utilisation de l’air extérieur nordique (free cooling)
- Réutilisation de la chaleur fatale pour chauffer des logements ou des piscines (déjà en place à Paris 13ᵉ avec Stimergy)
Optimisation logicielle et matérielle
- Développement de logiciels moins énergivores
- Serveurs optimisés pour l’efficacité énergétique (moins de redondance, hardware à haute densité)
- IA de gestion de charge (charge shifting, smart scheduling, effacement)
Énergie verte et décarbonée
- Signature de PPA avec des producteurs ENR
- Intégration de photovoltaïque en toiture ou façade
- Couplage à des batteries pour éviter les pics
Le rôle du courtier en énergie dans cette transition
Le courtier en énergie peut accompagner les exploitants de data centers, ou leurs hébergeurs clients, dans :
- La maîtrise des coûts énergie (notamment en heures pleines/heures creuses)
- La mise en place de contrats à prix fixe ou indexé sur des périodes longues
- L’intégration progressive de fourniture verte ou PPA sur mesure
Il est aussi un relais de pédagogie auprès des services IT, souvent éloignés des enjeux de flexibilité et d’effacement.
Conclusion
Le numérique n’est pas virtuel. Il est énergivore, spatialement ancré, et dépendant du réseau électrique.
À l’heure où chaque kilowattheure compte, les data centers doivent évoluer vers des modèles sobres, intégrés et pilotables.
Le défi n’est pas de les interdire, mais de les rendre responsables, efficaces et compatibles avec la transition énergétique.
Un cloud plus vert, ce n’est pas un luxe. C’est une condition de viabilité numérique.