Evroc : les dessous de son data center de 4 milliards d'euros à Sophia Antipolis

Evroc : les dessous de son data center de 4 milliards d'euros à Sophia Antipolis La société suédoise entend ériger un centre de données souverain de 96 MW et 50 000 GPU. Il sera entièrement dédié à l'IA. Son ambition : proposer une alternative aux géants américains du secteur.

Le 3 février dernier, lors du sommet sur l'IA au grand Palais, la start-up suédoise Evroc faisait sensation en annonçant 4 milliards d'euros en France d'investissement dans un data center dédié à l'IA. Erigé à Sophia Antipolis sur la commune de Mougins, il doit héberger à terme 50 000 GPU pour une capacité de 96 MW.

"L'investissement sera progressif", explique aujourd'hui Mattias Astrom, fondateur et PDG de la société de Stockholm. "La première phase du projet consistera à jeter les bases du centre de données. Ensuite, nous ajouterons des cartes de calcul graphiques (GPU, ndlr) au fur et à mesure, en fonction de la demande des clients." Une grande partie sera financée par la dette, mais aussi par des fonds propres.

Pour amorcer son projet, Evroc a levé 50,6 millions d'euros en mars dernier. Un tour de table orchestré par BPIfrance, mené par la société d'investissement Blisce avec le soutien de Giant Venture et des bailleurs de fonds existants que sont Norrsken VC et EQT Ventures. Cette enveloppe sera destinée à débuter le chantier de Mougins, mais aussi celui d'un second data center dans la région de Stockholm qui fera l'objet d'un investissement de 600 millions d'euros.

Des GPU de dernière génération

Evroc compte déployer des GPU de dernière génération de type Nvidia Blackwell. Et ce, sachant que son architecture sera conçue de telle sorte qu'elle pourra accueillir les modèles de carte graphique qui seront lancés dans le futur. En parallèle, la société planche sur un nouveau concept de data center, plus durable, qui sera notamment construit en pierre. Un matériel plus robuste que le béton ou le bois. Le recours au refroidissement par eau liquide est par ailleurs envisagé pour supporter des densités énergétiques élevées (jusqu'à 150 kW par rack).

Mais l'investissement d'Evroc ne s'arrête pas là. Le fournisseur suédois développe une couche d'infrastructure cloud (IaaS) et de plateforme cloud (PaaS) conçue pour faciliter l'utilisation de ses GPU. "L'Europe et la France disposent de beaucoup de centres de données. Ce n'est pas ce qui manque. Ce qui manque, c'est cette couche logicielle permettant de stocker la donnée et d'utiliser correctement les capacités de calcul", souligne Mattias Astrom.

"Nous avons conçu notre pile cloud d'une manière similaire à celle des hyperscalers"

Evroc est déjà équipé d'une région cloud sur Paris avec trois zones de disponibilité permettant de redonder données et applications. "Dans la même logique, nous avons conçu notre pile cloud d'une manière similaire à celle des hyperscalers. Elle se compose de machines virtuelles, mais aussi de services de stockage orienté objets et en blocs, ainsi que de solutions serverless auto-scalable. Sans oublier le réseau et toute l'infrastructure de support", détaille Mattias Astrom.

Pourquoi avoir choisi la France comme terrain d'investissement ? "Premièrement, la France est l'un des pays d'Europe qui prend la souveraineté très au sérieux. Je pense notamment au label SecNumCloud qui est unique en Europe. C'est aussi un grand marché", répond le dirigeant. Evroc a aussi implanté dans l'Hexagone un centre de R&D sur son site de Sophia-Antipolis dans l'optique de profiter des talents français en informatique et mathématique. "La France dispose aussi évidemment d'une énergie durable, ce qui fait partie de nos axes de développement stratégique. Beaucoup d'autres pays européens dépendent du gaz et du pétrole", ajoute le CEO d'Evroc.

Reste à savoir pourquoi Evroc a choisi le sud-est de la France pour implanter son nouveau data center, une région chaude où il est de facto plus difficile de refroidir les serveurs que dans le nord de la France et a fortiori le nord de l'Europe. "Nous prévoyons d'implanter beaucoup de centres de données dans le nord du Vieux continent. Mais pour des raisons de latence, le sud est également une région stratégique. Les hyperscalers basés dans la Silicon Valley font face à des climats similaires. Ce qui ne les empêche pas de baser des centres de données sur place", argue Mattias Astrom.

Une attente européenne forte

En termes de positionnement, Evroc se positionne comme un cloud souverain européen orienté vers l'IA. Ses cibles ? Les environnements très réglementés comme les secteurs bancaire, public, de la santé ou de la défense.

Pour la suite, Evroc entend se doter de sept centres de données supplémentaires dont deux (de plus de 100 MW) basés en France d'ici 2028. Le tout pour une enveloppe globale de 10 milliards d'euros. Un investissement qui ne concernera pas seulement l'IA mais le cloud au sens large. Au-delà du financement issu du private equity et de la dette, Evroc compte sur le soutien de l'Union européenne pour regrouper ces fonds.