Cloud : le vrai coût de la dépendance technologique

Le cloud incarne une promesse de simplicité et d'efficacité - plus besoin d'acheter ses propres machines et de les maintenir à jour - qui cache aussi une réalité parfois plus dérangeante.

Face à un contexte international tendu, de plus en plus de pays européens prennent conscience du coût réel de leur dépendance aux technologies américaines. Après l’Allemagne, le Danemark amorce à son tour une sortie progressive des solutions propriétaires pour adopter des alternatives plus ouvertes et maîtrisées.

Le piège du verrouillage 

L’Europe s’est placée dans une position de dépendance technologique en choisissant des services fournis par les grands acteurs de cloud. Ces derniers savent se montrer séduisants à l’entrée : crédits gratuits, services intégrés, démarrage rapide… tout semble pensé pour faciliter l’adoption.

Mais une fois installés, les clients se retrouvent piégés par des mécanismes de verrouillage bien plus subtils. Avec la fin des licences perpétuelles et l’imposition d’abonnements groupés, certains éditeurs comme VMware ont multiplié leurs prix par 3 voire 12 selon le Cigref. Ces hausses rendent toute sortie économiquement dissuasive, même sans frais techniques. Les données restent enfermées dans des formats non standardisés et les services sont étroitement liés à chaque fournisseur, rendant toute tentative de reprise en main complexe, lente et coûteuse.

La flambée des prix : quand la dépendance coûte plus cher chaque année

Ce verrouillage technologique ne serait qu’un problème technique s’il n’avait pas, aussi, un impact économique. En effet, une fois captif, le client est à la merci du fournisseur, à commencer par les coûts cachés qui surviennent au moment de sortir de tel ou tel service. Le Data Act européen, entré en vigueur en 2024, a tenté de briser ce cycle en renforçant les droits et les obligations de portabilité. Mais en pratique, les exonérations de frais de sortie des acteurs américains restent pour le moins floues et très conditionnées.

Et quand ce ne sont pas les coûts cachés qui freinent la migration, ce sont les hausses de licences qui s’en mêlent. En 2023, le rachat de VMware par Broadcom a provoqué un séisme sur le marché du cloud : disparition des licences perpétuelles, généralisation de l’abonnement, hausse des tarifs de +200 à +300 % selon OVHcloud.

Ces difficultés se renforcent à mesure que les clients déploient des infrastructures de plus en plus complètes, le catalogue de service de ces acteurs étant dimensionné pour façonner ce piège technologique.

L’alternative open source : plus de liberté, moins de dépendance

Face à ces modèles fermés, l’open source apparaît comme une alternative de plus en plus stratégique. Son principal atout ? La liberté. L’open source permet de comprendre ce que l’on utilise, d’adapter librement les solutions à ses besoins, et surtout, de garder le contrôle. Parce qu’il repose sur des formats ouverts et standardisés, il facilite la réversibilité : changer de fournisseur, récupérer ses données ou migrer ses applications devient possible, sans blocage ni surcoût caché. C’est un modèle transparent, durable, et fondé sur la collaboration.

Cela explique pourquoi certains acteurs du cloud souverain ont exclusivement choisi les technologies open source pour construire leurs services, en s’appuyant sur une architecture ouverte, auditable, et conforme aux normes de sécurité les plus strictes (SecNumCloud, ISO…). L’ANSSI elle-même recommande le recours à des solutions open source dans les systèmes critiques, soulignant leur auditabilité, leur résilience, et l’absence de dépendance envers un acteur unique.

Avec l’open source, les composants sont identifiés, les évolutions sont connues, les coûts sont maîtrisables. Ce modèle favorise la prévisibilité. Il permet aux acheteurs, publics ou privés, de reprendre la main sur leurs dépenses et de planifier l’avenir sans craindre un changement brutal des conditions commerciales.

À l’heure où le numérique devient un pilier de la souveraineté économique et politique, de plus en plus d’initiatives reflètent une tendance européenne croissante à privilégier les solutions open source. Chez nos voisins en Allemagne ou au Danemark, cela s’accompagne de prises de position politique fortes. Récemment en France, c’est la ville de Lyon qui a fait le choix de sortir de Microsoft au profit de l’open source. Car cette dépendance est aussi perçue comme une vulnérabilité, surtout face à l’instabilité politique des États-Unis et à la capacité de leur gouvernement d’influencer ou de restreindre l’accès aux services numériques essentiels (avec le gel des accès Microsoft du procureur de la Cour pénale internationale décidée par l’administration Trump).