Cal Henderson (CTO de Slack) "Les trois usages de SlackGPT sont le résumé d'information, la recherche et l'assistance rédactionnelle"

Racheté par Salesforce il y a deux ans, Slack mise désormais sur l'IA avec l'ambition de devenir l'interface principale des clients de Salesforce, mais pas seulement. Son cofondateur et CTO livre sa vision.

JDN. Salesforce a annoncé le lancement de SlackGPT, un ensemble de fonctionnalités d'IA conversationnelle disponibles nativement dans Slack. Comment ces fonctionnalités vont-elles impacter l'expérience utilisateur ?

Cal Henderson est le cofondateur et CTO de Slack. © Slack

Cal Henderson. Nous avons travaillé sur trois types d'usage différents : le résumé d'information, la recherche et l'assistance dans la rédaction. Le grand avantage de Slack réside dans l'énorme quantité d'informations qui sont échangées sur la plateforme. Plus un individu utilise Slack, plus cette manne de données est conséquente et plus nos modèles LLM peuvent se montrer utiles. A votre retour de vacances, vous pourriez ainsi générer un résumé indiquant les informations importantes échangées sur différents fils de discussions pendant votre absence.

Vous pourriez également demander à l'IA l'état d'avancement d'un projet en cours ou encore les évènements les plus importants survenus la semaine passée. Cette fonctionnalité de résumé est donc très utile, même si elle présente forcément des risques, dont celui de manquer une information importante. Pour autant, nous constatons que les récents progrès en matière d'IA permettent d'obtenir des résultats bien meilleurs qu'auparavant.

A quel point ces résumés d'information générés par l'IA sont-ils fiables ?

C'est une question intéressante et la réponse va varier selon trois éléments : le sujet, la quantité d'informations disponibles sur ce sujet et celles que vous allez fournir au modèle. Je pense que la technologie a atteint un niveau permettant de commencer à faire confiance aux résultats générés par l'IA. Une fonctionnalité n'est pas vraiment utile si vous ne pouvez pas vous y fier, même avec un pourcentage de fiabilité élevé. C'est pourquoi nous réalisons beaucoup de tests pour essayer de comprendre dans quels cas les résultats n'ont pas été bons et quel est le niveau d'informations adéquat permettant à l'IA de répondre avec confiance.

Pourrait-on imaginer avoir un pourcentage de fiabilité attachés aux résultats générés par exemple ?

Cela reste à déterminer. Nous ne savons pas encore comment l'interface évoluera. Peut-être que le meilleur moyen serait tout simplement de ne pas afficher les réponses pour lesquelles il subsiste un doute sur la qualité des résultats obtenus. D'autres possibilités seraient d'afficher le niveau de confiance ou de fournir des liens vers des sources. Nous avons par exemple réalisé des prototypes comportant des liens vers l'information d'origine, par exemple des messages, afin qu'un utilisateur puisse vérifier l'information si nécessaire. Toutes ces possibilités sont envisageables.

Quels seront les principaux usages pour les deux autres catégories de fonctionnalités, à savoir la recherche d'information et l'assistance rédactionnelle ?

L'assistance à la composition n'est, selon moi, pas l'usage le plus pertinent sur Slack car en réalité nos utilisateurs, qui échangent des milliards de messages chaque jour, n'ont pas forcément besoin d'aide pour rédiger leurs messages. Nous voulons malgré tout leur permettre de gagner du temps. Par exemple, vous pourriez demander à l'IA :  "Rédige-moi un message à partir de ce texte" ou "Peux-tu raccourcir ce message en le rendant plus formel ". La dernière catégorie concernant la recherche d'informations peut apporter beaucoup plus de valeur à nos utilisateurs.

Un collaborateur pourrait ainsi demander à l'IA : "qui est l'expert à contacter pour X sujet  ? , quel est l'état d'avancement de ce projet ?, avons-nous déjà travaillé avec ce partenaire auparavant et sur quels types de projets ?", etc. Notre objectif est d'être en mesure de répondre à ces questions en langage naturel à partir d'informations non structurées. C'est un domaine très prometteur au sein duquel je vois beaucoup de champs d'applications possibles.

Quand prévoyez-vous de rendre SlackGPT accessible au grand public ?

Nous n'avons pas encore de date à annoncer. Chez Slack, notre philosophie est de développer d'abord les nouvelles fonctionnalités en versions bêta afin de les tester en interne et auprès d'une poignée de clients. Ces fonctionnalités sont actuellement en phase de test car nous voulons nous assurer qu'elles sont pertinentes et fournissent de bons résultats avant de les rendre accessibles à tous nos utilisateurs.

Quels sont les résultats observés lors de cette phase de test ?

Nous notons que certaines de ces fonctionnalités se montrent très utiles pour des clients de taille importante alors que d'autres offrent davantage de valeur à de plus petites entreprises. Notre réflexion actuelle consiste à trouver le bon équilibre afin de créer des fonctionnalités qui soient utiles à tous nos clients, que vous soyez une entreprise de cinq personnes ou que vous ayez commencé à utiliser Slack il y a quelques jours.

D'autres modèles d'IA conversationnelle, comme ChatGPT d'OpenAI et Claude d'Anthropic, sont également disponibles dans Slack. Quelle est la nature de ces partenariats ?

OpenAI est un client de Slack depuis son lancement. Ses équipes souhaitaient pouvoir interagir directement avec ChatGPT dans Slack et elles ont donc développé une intégration. Avec un peu d'aide de notre part, nous avons collaboré pour pouvoir la proposer également à nos clients, qui l'utilisent beaucoup aujourd'hui. La même chose s'est produite avec les équipes d'Anthropic qui avaient adopté Slack et souhaitaient que d'autres utilisateurs puissent accéder à Claude depuis notre plateforme. Les utilisateurs peuvent donc aujourd'hui choisir le modèle de langage d'IA qui leur convient, en utilisant des applications développées par nos partenaires.

Comment tous ces modèles vont-ils coexister dans Slack ? D'autant que Salesforce a également développé Einstein GPT, son propre modèle d'IA générative pour CRM.

Salesforce a effectivement développé en interne ses propres modèles d'IA. Einstein GPT, qui n'a rien à voir avec OpenAI ou Anthropic, devrait permettre d'accéder facilement à des informations clients à partir des données de Salesforce Customer 360 et de Data Cloud. Pour l'instant, il est difficile de prédire comment évoluera l'interface, entre les fonctionnalités d'IA nativement créées et les intégrations développées par nos partenaires. Slack continuera d'être une plateforme ouverte pour permettre à d'autres développeurs tiers de proposer leurs applications à nos utilisateurs. De notre côté, nous allons accentuer nos efforts pour proposer davantage d'expériences IA générative natives dans Slack.

Quel bilan tirez-vous deux ans après l'acquisition de Slack par Salesforce ? Prévoyez-vous de nouvelles intégrations avec les services de Salesforce ?

Cela nous a pris un certain temps pour y parvenir mais nous avons aujourd'hui une plateforme très bien intégrée avec les services Salesforce. Nous voulons aller plus loin, notamment dans l'intégration entre Slack et Sales Cloud. Nous sommes d'ailleurs en phase de test avec plusieurs clients pour créer une nouvelle expérience orientée vers la vente. Nous ne savons pas encore quel nom nous lui donnerons, "Slack for Sale" ou autre chose. Je suis impatient que ce produit soit lancé sur le marché prochainement. Que vous soyez un responsable de compte ou un commercial, nous voulons que Slack devienne le meilleur moyen pour utiliser les services de Salesforce. 

Slack deviendrait alors le point d'entrée ou une passerelle vers les autres produits de Salesforce ?

Notre vision à moyen et long terme est que Slack devienne l'interface principale des produits Salesforce de manière générale. Cela ne signifie pas que les clients n'utiliseront plus les autres interfaces, comme celles de Sales Cloud ou Service Cloud, mais plutôt que les tâches que vous effectuez quotidiennement seront accessibles via Slack. La plateforme deviendra ainsi l'interface plus simple et légère permettant de réaliser de nombreuses tâches en lien avec les autres services Salesforce.

Cal Henderson est le cofondateur et CTO de Slack, où il est chargé de définir les grands axes de la vision technique de l'entreprise. Avant de travailler chez Slack, il a créé et dirigé les équipes d'ingénieurs de Flickr, jusqu'à l'acquisition de l'entreprise par Yahoo!. Il est l'auteur du livre " Building Scalable Websites " ("Construire des sites Web évolutifs") publié chez O'Reilly Media. Il a aussi créé la base de OAuth et de oEmbed, protocoles désormais utilisés par YouTube et Twitter notamment. Il est titulaire d'une licence en informatique et a reçu un doctorat honorifique de l'Université de Birmingham City.