Thomas Balladur (Interstis) "A travers l'Etat, la digital workplace d'Interstis est utilisée par plus de 1 000 organisations"

Le PDG de l'éditeur français revient sur sa stratégie et sa feuille de route sur 2024 et 2025. Il décrypte notamment sa politique en faveur d'une digital workplace dédiée à l'Etat.

JDN. Quelle est la stratégie d'Interstis ?

Thomas Balladur est le PDG d'Interstis © Interstis

Thomas Balladur. Nous avons lancé notre offre en 2014, et avons fait évoluer notre positionnement en 2021. Nous sommes passés d'une plateforme collaborative à une suite bureautique et collaborative. Dans la foulée, l'Etat a exprimé sa volonté de regrouper des acteurs pour faire émerger une alternative aux offres américaines Microsoft 365 et Google Workspace. On s'inscrit véritablement dans cette stratégie avec ce qui fait la force de notre solution, notamment la simplicité d'utilisation ainsi qu'une architecture qui se veut très intégrée. Nous avons également un excellent niveau d'accessibilité RGAA et de sécurité.

Quel est le profil de vos clients ?

Notre cible principale est l'Etat français. Nous comptons plus de 1 000 organisations qui à travers l'Etat utilisent Interstis via la marque blanche Resana. Elle embarque à ce jour plus de 400 000 utilisateurs à travers l'ensemble des ministères. Nous souhaitons désormais capitaliser sur le travail réalisé avec l'Etat en matière d'architecture, de sécurité et de scalabilité pour accélérer notre montée en puissance sur les collectivités territoriales, à travers lesquelles nous comptons à ce jour environ 200 clients. Notre objectif est de passer de 2 à 10% du marché des collectivités territoriales d'ici trois ans.

Etes-vous positionnés dans le secteur privé ?

C'est le cas. Nous ciblons les OIV ou les entreprises ayant des besoins de confidentialité très forts. Mais nous nous concentrons prioritairement sur le secteur public pour le moment. Une fois qu'on disposera d'un outil cohérent avec un track record suffisamment important dans le secteur public, nous aurons les moyens de nous attaquer plus frontalement à quelques segments du secteur privé, notamment ceux qui impliquent le plus de protection. L'objectif final d'Interstis étant de se positionner comme une alternative souveraine complète à Microsoft 365 pour le secteur public comme pour le secteur privé.

Quels sont vos objectifs financiers ?

Nous sommes centrés sur un modèle de croissance rapide. On a donc fait le choix de faire entrer des investisseurs au capital. Nous avons bouclé un premier tour de table en 2020 puis un deuxième en 2023, pour une somme totale de 3 millions d'euros. En 2023, nous avons réalisé 3 millions d'euros de chiffre d'affaires. En 2024, nous comptons passer à un revenu de 4 à 4,5 millions d'euros. Puis, notre objectif est de revenir à une croissance de 100%, en vue d'atteindre 15 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2026 en nous hissant à 3 000 clients, contre 1 400 aujourd'hui.

Quels sont vos principaux cas d'usage ?

Nos cas d'usage sont principalement orientés vers le collaboratif. Interstis n'est pas tarifé en fonction du nombre d'utilisateurs (mais en fonction des espaces collaboratifs et services choisis, ndlr). Du coup, une des forces de notre solution consiste à développer des usages hybrides entre l'interne et l'externe. On pourra inviter l'ensemble de son écosystème sans surcoût.

Ensuite, on évolue vers la notion de digital workplace, en englobant la gestion de projets, ainsi que le bureau numérique avec la clés le mail, la gestion de tâches, les canaux de chat, les environnements de travail partagés, la visioconférence...

Ce qui veut dire que vous intégrez déjà la visioconférence, le mail...

Nous intégrons la visioconférence depuis plusieurs années sur la base de la solution open source Jitsi. Quant au mail, nous le commercialisons depuis un an sans forcément communiquer dessus. L'objectif de notre projet de développement au sein du consortium Hexagone est de ramasser à terme sur la même plateforme la messagerie, le bureau collaboratif et la communication instantanée avec des parcours croisés qui permettent de créer de la valeur entre ses différents outils.

Qui sont les membres du consortium Hexagone ?

Au sein de ce consortium qui vise à fournir à l'Etat une digital workplace complète figure cinq éditeurs (en plus d'Interstis, ndlr), et un cloud provider. Ce dernier n'est autre qu'Outscale chez qui nous sommes hébergés. Côté éditeurs, on retrouve BlueMind pour la messagerie, Belledonne Communications avec son outil de communication instantanée et voix Linphone, XWiki pour l'éditique, Parsec qui permettra d'hybrider l'ensemble de la suite en Zero Trust, et Tranquil-IT qui se positionne sur la sécurité des terminaux et parcs applicatifs.

Comment vous positionnez-vous au sein de ce consortium ?

Nous en sommes le chef de file, notre objectif étant de recouvrir les principales briques de Microsoft 365 avec des outils souverains. L'idée est de proposer toute une panoplie de modules pour former une véritable digital workplace. A terme, nous aurons un module regroupant la gestion documentaire, la gestion de projet et la gestion de tâches, un module autour de la messagerie et de l'agenda partagé, un module qui sera centré sur la communication instantanée et, enfin un module pour la gestion de comptes et de parc.

Nous avons l'exclusivité de la commercialisation de la plateforme Hexagone qui sera une marque Interstis. Nous serons également les seuls à assurer le support (de niveau 1 et 2, ndlr) et à maintenir l'ensemble des briques. Ce qui nous amène à monter en compétences sur l'ensemble des briques de nos partenaires. L'objectif est de proposer au client une expérience avec un guichet unique.

Quelle est votre feuille de route ?

Notre premier chantier à court terme est de développer une brique d'authentification unique. Elle est en cours de finalisation. Ce SSO (pour single sign one, ndlr) nous permettra de lancer la version 1 d'Hexagone en septembre prochain. En termes d'intégration de modules, nous avons donc déjà intégré BlueMind. A partir de septembre, ce sera aussi le cas de Linphone. Par rapport à Jitsi, Linphone va nous permettre de bénéficier d'un client lourd sur les postes de travail qui conduira à une meilleure fluidité tout en proposant une articulation fine entre la visioconférence et le téléphone. L'objectif est de rendre l'expérience fluide, en permettant par exemple d'intégrer une visioconférence depuis notre agenda.

Au premier semestre 2025, nous combinerons notre plateforme avec Tranquil-IT ainsi qu'avec XWiki (via la solution Cryptpad, ndlr). Ensuite fin2025 et courant 2026, nous hybriderons tous les modules en version Zero Trust via Parsec.

Quid de vos projets dans l'IA ?

Nous ne souhaitons pas nous lancer dans des schémas de R&D très prospectifs. On va s'en tenir dans un premier temps aux bases : la gestion documentaire, la gestion de tâches et de projet, la messagerie, l'agenda... L'objectif premier est que toutes ces fonctionnalités soient fluides et unifiées. Mais notre plateforme gère un nombre massif de fichiers. Elle produit environ 200 000 documents par semaine. Il se pose donc la question de faire tourner une IA sur cette manne de données. Pour optimiser les capacités machines nécessaires sans dépasser le budget de nos clients, l'idée est de proposer une IA générative en mode RAG (pour retrieval-augmented generation, ndlr). Nous comptons nous appuyer pour ce faire sur un partenaire agnostique en termes de LLM.

Êtes-vous certifié SecnumCloud ?

Notre hébergeur, Outscale, est certifié SecnumCloud. Quant à notre propre offre, elle est en cours de labellisation. L'objectif contractualisé avec la BPI est de bénéficier du tampon SecnumCloud en 2026 pour l'ensemble de notre plateforme.

Thomas Balladur est CEO d'Interstis. Titulaire d'un master 2 en finance publique à l'université Panthéon-Assas, il débute sa carrière en 2007 comme chargée de mission à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Il est recruté chez Alma Consulting Group en 2008. Il y occupe d'abord un poste de consultant au sein du Pôle social avant d'être promu manager d'audits sociaux et environnementaux en 2011. La même année, il est promu partenaire associé chez GibaPartners. Il crée ensuite Interstis en mai 2014