Veronika Mazour-Mestrallet (eXo Platform) "En matière de digital workplace, la valeur de l'IA générative se situe dans l'aide à la décision et la recherche"

La CEO et cofondatrice revient sur sa stratégie et sa feuille de route en recherche et développement pour les mois à venir.

JDN. Au-delà de son caractère open source et extensible, qu'est-ce qui distingue eXo Platform de ses concurrents sur le plan des fonctionnalités ?

Veronika Mazour-Mestrallet est CEO et cofondatrice d'eXo Platform. © eXo Platform

Veronika Mazour-Mestrallet. Nous proposons une digital workplace avec une expérience simple et unifiée, en couvrant à la fois la communication et la collaboration. Il s'agit de notre différentiateur principal. Au-delà des acteurs français du collaboratif, notre principal concurrent reste Microsoft 365.

En termes de fonctionnalités pures, nous proposons une suite d'engagement composée de multiples outils qui permettent de gamifier l'expérience utilisateur pour la rendre plus accessible et plus fluide. Nous gamifions par exemple l'onboarding, la boîte à idées, les formations... De même pour les actions extérieures. Pour la promotion de la marque employeur par exemple, nous avons des dispositifs qui l'encourage et la valorise, notamment si l'employé partage un post sur LinkedIn par exemple.

Vous êtes aussi positionnés comme un cloud souverain...

Nous proposons la même application qu'elle soit déployable sur site ou accessible par le biais de notre partenaire provider de cloud Outscale qui est certifié SecNumCloud. (Ce qui permet à eXo Platform de garantir un certain niveau de sécurité ainsi qu'une étanchéité de son offre vis-à-vis des réglementations extraterritoriales comme le Cloud Act américain, ndlr). Dans les deux cas, nous mettons en œuvre une solution open source.

Quel est votre modèle économique ?

En mode cloud, nous sommes basés sur un modèle de souscription, et pour les installations sur site nous commercialisons des licences. A chaque nouvelle version, nous proposons une édition open source communautaire qui peut être installée et opérée directement par le client, ainsi qu'une édition packagée que nous distribuons de manière commerciale. Elle évite aux clients les opérations de maintenance. Dans les deux cas, ces éditions sont disponibles sous la licence open source LGPL. Quand un client acquiert une licence, elle inclut les mises à jour fonctionnelles.

Est-ce que vous vous intégrez en partie à Microsoft 365 ?

Pour être précis, notre positionnement est de livrer une offre qui se substitue au portail SharePoint, à Microsoft Teams, ainsi qu'au réseau social d'entreprise Viva Engage. Nous ne pouvons pas remplacer l'intégralité de Microsoft 365 compte tenu de sa profondeur fonctionnelle. Nous disposons donc de connecteurs pour faire fonctionner de concert notre offre avec l'environnement Microsoft. Nous disposons par exemple d'un connecteur pour s'interfacer avec l'annuaire d'entreprise Active Directory. Dans la même logique, nous livrons un connecteur pour le calendrier Outlook qui permet aux événements collaboratifs d'y être poussés.

Est-ce que vous pourriez proposer une brique d'e-mail ?

Le mail est un projet à part. Disposer d'une messagerie à l'état de l'art est complexe. C'est un véritable projet en soi, qui recouvre des problématiques de performance, d'installation, etc. Ce n'est pas notre métier et nous ne souhaitons pas nous engager dans cette voie. En revanche, nous avons pour vocation de nous intégrer à des applications de mail tierces par le biais de notre connecteurs Imap. Ce qui inclut la messagerie de Microsoft ou toute autre messagerie compatible avec ce protocole. Nous avons aussi développé un connecteur pour la solution de messagerie de BlueMind.

Quels sont les profils de vos clients ?

Nous sommes historiquement très présents dans le secteur public. Un positionnement qui s'est récemment accéléré sur le front des collectivités territoriales. Sur ce terrain, notre volonté de nous substituer à Microsoft 365 via une digital workplace intégrée fait mouche. La région Occitanie a récemment remplacé Microsoft 365 par notre offre. C'est également le cas de l'Inria.

"Nous sommes actuellement dans les dernières phases de développement de notre version 7"

Mais nous avons aussi des clients dans le secteur privé. Dans ce domaine, l'objectif n'est pas de remplacer Microsoft 365, mais plutôt de travailler de concert avec cette suite. Ces clients sont surtout sensibles à notre produit en termes de capacité d'engagement et de réseau social. eXo Platform est par exemple utilisé par le distributeur Schiever. Nous sommes globalement très prisés dans le retail et l'industrie. Des secteurs dans lesquels on retrouve beaucoup de travailleurs en première ligne.

Quid de votre développement à l'international ?

Notre produit historique de portail d'entreprise avait reçu un bon accueil à l'international. Il s'agissait de notre première pénétration open source au niveau mondial. Nous conservons depuis cette époque un certain nombre de clients fidèles à notre offre. L'intérêt pour notre solution s'est ensuite un peu émoussé à l'étranger il y a environ huit ans. Mais cet intérêt remonte en puissance ces derniers temps. Nous recueillons surtout des demandes en provenance de géographie traditionnellement intéressées par l'open source, en particulier en Amérique Latine ainsi qu'en Asie. C'est notamment le cas aux Philippines, en Thaïlande et en Indonésie. Nous venons de signer avec un groupe pétrolier indonésien. La part de notre chiffre d'affaires à l'international s'élève à 30%.

Que proposez-vous en matière d'IA générative ?

Nous proposons un connecteur pour la plateforme de création de chatbot Wikit. Il permet de brancher un assistant intelligent sur une base de connaissance basée sur eXo Platform, dans une logique d'aide à la recherche. En parallèle, nous avons un champ de travail développé en lien avec l'Inria qui vise aussi à explorer des cas d'usage de moteur de recherche augmentée par l'IA. C'est un axe de R&D pertinent dans la mesure où eXo dispose d'un grand nombre de points de mesure exploitables. Des points de mesure qu'il est possible de vectoriser pour être utilisés ensuite en vue de retrouver de l'information. Autre champ de travail sur lequel nous planchons en matière d'IA générative : l'aide à la décision par l'exploitation des données de l'entreprise.

Bref, en matière de digital workplace, la valeur de l'IA générative se situe dans l'aide à la décision et la recherche, c'est-à-dire dans l'exploitation des données sous-jacentes, et pas dans la génération de contenu en tant que telle. Partant de là, nous avons décidé de prendre notre temps dans la mesure où nous avons pour vocation à mettre sur le marché des fonctionnalités avec un haut degré de finition.

Plus globalement, quel est votre feuille de route ?

Nous sommes actuellement dans les dernières phases de développement de notre version 7. C'est un projet qui est dans les tuyaux depuis plus de deux ans et demi. A cette occasion, nous avons retravaillé toute la base technologique de notre plateforme, avec notamment une migration vers le framework Spring Boot 3. Côté front end, nous avons intégré Vuetify. Au final, cela fera de cette version une édition totalement modernisée dont le cycle de développement sera beaucoup plus rapide. Sans oublier les nouveautés fonctionnelles qui restent pour l'heure confidentielles.

Notre philosophie est toujours de tendre vers une expérience unifiée, y compris du côté des connecteurs qui permettent d'intégrer la plateforme à des briques tierces. A la demande des clients, nous introduisons beaucoup de connecteurs métiers avec une expérience d'intégration sans couture. Nous comptons dans la même logique proposer un environnement de développement au sein pour rendre eXo Platform plus facilement extensible.

Quelle est la taille de votre activité ?

Nous ne communiquons pas sur notre chiffre d'affaires. Nous comptons une soixantaine de salariés. Nous enregistrons ces deux dernières années une croissance à deux chiffres.

Veronika Mazour-Mestrallet est la directrice générale d'eXo Platform. Elle cofonde l'entreprise avec son mari Benjamin Mestrallet en 2006. Tous deux sont alors jeunes diplômés. D'abord directrice financière, Veronika Mazour-Mestrallet prend la direction de la société en 2023.