Sébastien Garnault (Paris Cyber Summit) "Le Paris Cyber Summit a vocation à établir le contact entre tous les décideurs européens, publics et privés"
Mercredi se tiendra la quatrième édition du Paris Cyber Summit. Objectif : échanger autour de sujets majeurs comme la souveraineté ou l'Europe de la défense. Son fondateur, Sébastien Garnault, répond à nos questions.
JDN. Quelle est la vocation première du sommet Paris Cyber Summit ?
Sébastien Garnault. Le Paris Cyber Summit s'inscrit dans la continuité de l'Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, lancé par Emmanuel Macron le 12 novembre 2018. Avec le soutien de la commissaire à la cybersécurité Mariya Gabriel et Guillaume Poupart, directeur de l'Anssi, nous organisions, en juin 2019, la première édition du sommet, animés par une même conviction : pour faire vivre la vision française et européenne et faire face aux enjeux liés au cyberespace, il faut connecter les écosystèmes en réunissant les acteurs publics et privés.
"Nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais nous avons besoin d'en parler, pour se comprendre…", s'est-on souvent entendu dire. Le Paris Cyber Summit a donc vocation à faire de Paris l'un des centres de réflexion sur le cyberespace et établir le contact entre tous les décideurs européens, publics et privés. Et, quand je parle d'Europe, je parle de géographie, de plaque européenne. Il n'est pas envisageable d'exclure les partenaires britanniques des échanges autour de ces sujets majeurs.
Le sujet de la souveraineté sera abordé, n'est-ce pas là un faux débat ?
C'est un vrai débat qui est mal posé. En fait, la souveraineté est un tout. Considérons qu'il y a la souveraineté des Etats, celle des organisations et celle des individus. Selon à qui l'on s'adresse, les implications techniques et politiques sont différentes. Par exemple, si le RGPD couvre parfaitement la question des données personnelles, quid de celle des données industrielles ? Cela relève de la souveraineté des organisations. Et, enfin, quel est le RGPD de l'Etat ?
Si on prend du recul, pour résoudre l'équation de la souveraineté en France, il faut régler celle de la maîtrise appliquée à la technologie mais aussi celle des données. Etre souverain, c'est ça : avoir la maîtrise. Utiliser potentiellement une solution qui n'est pas française est possible, à condition d'en avoir la maîtrise. Le faux débat est plutôt celui sur la nationalité. Qu'est ce qui détermine qu'une entreprise est française ? Son siège social ? A ce moment-là, toutes les entreprises installées en France le sont. Son capital ? Alors Air France ne l'est pas, puisque 49% de son capital est détenu par les Pays-Bas. Ses salariés peut-être ? Non plus, donc la question de la nationalité n'arrive finalement qu'après celle de la performance. La souveraineté doit passer par le cahier des charges. C'est tout le sens du Digital Markets Act et du Digital Service Act, priorités de la Présidence française.
Cela pose derrière la question des investissements.
Bien évidemment. Et c'est une des thématiques du sommet. Dire qu'on veut se passer des géants du web est une chose, mais quelle est l'alternative ? La cas de Palantir et de la DGSI est un parfait exemple : sommes-nous à l'aise avec le fait de confier les données de nos services secrets à un organisme qui relève clairement des Etats-Unis ? Non, mais malgré tout ce qu'on entend, il n'y a pas d'autre solution pour l'instant. D'un autre côté, dans certains aéroports américains, les contrôles des passeports sont faits par Idemia, une société française. Et nous savons à quel point les Américains sont sensibles aux questions d'entrée sur leur territoire. La conclusion est qu'il faut utiliser ce qui existe, ce qui est opérationnel, mais avec un niveau de contrôle adapté à la sensibilité du sujet. Ce qui peut aller jusqu'à l'exclusion, bien sûr, mais pas de façon aveugle ou indéterminée. C'est donc sur ces points stratégiques de contrôle et de maîtrise qu'il faut se concentrer. Avec de l'investissement public et privé, car en cyber cette coopération est clé.
Quelle place va occuper l'OTAN durant ces échanges ?
La présidence française de l'UE pousse fortement en direction d'une Europe de la défense. Non sans résultats puisque l'Agence européenne de défense a été mise en place et qu'un fonds européen de défense est mis en œuvre. Ce qui démontre bien une certaine capacité de la France à porter sa vision auprès de ses partenaires. D'autres Etats se déclarent, eux, favorables à cette démarche mais en bonne intelligence avec l'OTAN, qui reste leur pilier de défense. Et c'est cette articulation OTAN-Europe de la défense qui est sur la table. Une fois encore, on parle de souveraineté.
Actuellement, chaque Etat membre essaie individuellement de faire avancer un petit peu sa vision. L'idée est donc de désiloter ces réflexions et de les mettre en commun lors du sommet pour avancer sur la question du "comment". La guerre en Ukraine, qui est malheureusement un cas d'usage dont nous devons tirer des enseignements en termes de désinformation, de propagande et passer en revue les aspects technologiques, fera l'objet d'un débrief de son volet cyber et numérique.