Cybersécurité des collectivités territoriales : une urgence publique

Les cyberattaques contre les collectivités locales se multiplient et gagnent en intensité. Il est temps d'en faire un enjeu central de la gouvernance publique.

Alors que les collectivités territoriales assurent des missions essentielles pour les citoyens, leur exposition croissante aux risques numériques préoccupe. Dans un monde de plus en plus connecté, où la dépendance aux outils numériques est totale, la vulnérabilité des systèmes d’information publics est une faille qu’il devient urgent de combler.

Une menace systémique qui cible les plus exposés

Les attaques visant les collectivités territoriales sont aussi fréquentes que variées : compromissions de messagerie, attaques par déni de service (DDoS), intrusions, exploitations de vulnérabilités, voire défigurations de sites. Les conséquences sont lourdes : paralysie des services, exfiltration de données sensibles, atteinte à l’image des institutions locales. Le secteur public se distingue par son exposition particulière, à la croisée des flux entre citoyens et administration, ce qui en fait une cible de choix pour des cybercriminels de plus en plus professionnels. Et contrairement à certaines idées reçues, aucune collectivité n’est trop petite pour échapper à ces attaques automatisées, qui ne discriminent pas.

Des infrastructures souvent dépassées

La réalité technique et organisationnelle des collectivités territoriales les rend particulièrement vulnérables. Le manque de ressources humaines dédiées à la cybersécurité, l’hétérogénéité des systèmes d’information et la difficulté à suivre l’évolution rapide des menaces créent un terrain propice aux intrusions. Trop souvent, la sécurité numérique reste cantonnée à une fonction annexe, déléguée à des agents déjà chargés de multiples tâches. Cette approche éclatée freine la réactivité, limite la prévention et accroît les risques de faille. Il est urgent de faire évoluer cette culture, en dépassant la vision strictement technique pour en faire un véritable pilier de gouvernance locale.

L’urgence d’une souveraineté numérique assumée

Dans un contexte international tendu, la question de la souveraineté numérique revêt une importance croissante. Les collectivités doivent pouvoir garder le contrôle de leurs données, de leurs infrastructures et des solutions qu’elles utilisent. Privilégier des technologies européennes, hébergées localement et conformes au cadre juridique national, devient un choix stratégique et politique. Il s’agit de réduire la dépendance à des fournisseurs extérieurs dont les logiques économiques ou les cadres juridiques peuvent entrer en contradiction avec les exigences françaises ou européennes en matière de protection des données. Ce choix participe d’un effort plus large de résilience numérique, à la fois technique et institutionnelle.

Vers une cybersécurité intégrée et partagée

Renforcer la cybersécurité passe aussi par un changement de paradigme organisationnel. Elle ne doit plus être pensée comme l’affaire d’experts isolés, mais comme une responsabilité collective. Tous les agents, quel que soit leur poste, doivent être sensibilisés aux risques numériques. Cette transversalité permet non seulement une meilleure détection des anomalies, mais aussi une diffusion plus fluide des bonnes pratiques. En impliquant l’ensemble des équipes, les collectivités se dotent d’une capacité d’anticipation et de réponse accrue. La direction générale des services a ici un rôle clé à jouer : fixer les priorités, coordonner les efforts et insuffler une culture de la sécurité numérique à tous les niveaux.

L’efficacité d’une architecture de sécurité multi-niveaux

Aucune solution unique ne saurait suffire pour faire face à la diversité des attaques. C’est toute une architecture de défense qu’il faut déployer, articulée autour de briques complémentaires : pare-feu, détection d’intrusion, contrôle des accès, supervision des événements, et protection des applications web. Ces dernières jouent un rôle crucial, car les sites et portails numériques des collectivités constituent souvent la porte d’entrée principale pour les attaquants. Protéger ces applications, grâce à des dispositifs spécifiques capables d’analyser le trafic et de bloquer les comportements malveillants, permet de réduire considérablement la surface d’attaque.

Anticiper plutôt que subir

Face à des menaces toujours plus rapides et imprévisibles, la passivité n’est plus une option. L’expérience récente de certaines collectivités montre qu’il est possible de réagir vite et efficacement, à condition d’avoir anticipé les scénarios d’attaque et préparé les outils adaptés. Attendre l’incident pour agir revient à jouer avec le feu. Il est nécessaire d’investir en amont, de s’informer sur les solutions disponibles et d’échanger avec d’autres acteurs publics pour mutualiser les bonnes pratiques. Car derrière chaque incident, ce sont les services aux citoyens qui sont en jeu, et avec eux, la crédibilité même de l’action publique.

La cybersécurité ne peut plus être reléguée au second plan des politiques locales. Elle est aujourd’hui une condition sine qua non de la continuité des services publics et de la confiance citoyenne. Agir maintenant, c’est se préparer à durer.