Les signaux du Dark web pour renforcer ses défenses
Les cyberattaques se complexifient : les signaux d'alerte ne viennent plus des tableaux de bord, mais des canaux criminels (dark web, forums, messageries) que les RSSI doivent apprendre à exploiter.
Réduire le cybercrime au seul Dark web serait une erreur car l’écosystème s’est aujourd’hui considérablement élargi. Des plateformes comme Telegram, Threema, Session ou encore Wickr servent désormais à diffuser des malwares, à organiser des campagnes de phishing ou à revendre des données compromises. Des forums privés sur Discord ou IRC, et même des plateformes grand public comme Twitter (X) ou YouTube, sont utilisés à des fins de commande et contrôle, ou de promotion déguisée d’outils offensifs. Ce maillage distribué forme une véritable supply chain criminelle, agile et mondiale, qui complique encore plus la détection et l’attribution. Si pour les attaquants, c’est un levier d’anonymat et de résilience, pour les entreprises le défi est stratégique car il faut savoir où regarder, et surtout, comment agir à temps.
L’IA décuple la menace
Parallèlement, l’irruption de l’intelligence artificielle bouleverse l’économie de la cyberattaque et démocratise les offensives. Des outils d’IA générative, disponibles sur les forums souterrains, permettent à des profils peu techniques de lancer des opérations sophistiquées. Les exploits zero-day, qui demandaient autrefois des semaines peuvent aujourd’hui être opérationnels en quelques jours. La barrière d’entrée s’effondre. L’IA permet une meilleure identification des cibles/victimes en scannant très rapidement messageries internes et réseaux sociaux et en exploitant des signaux faibles comportementaux pour affiner des scénarios hyper-ciblés. Autre tendance inquiétante : l’évolution des ransomwares vers des stratégies de triple extorsion. Au-delà du chiffrement des données et de la rançon, les attaquants menacent désormais de révéler des informations personnelles sensibles, accentuant la pression ! Ces pratiques, orchestrées depuis des canaux chiffrés ou des forums privés, sont particulièrement difficiles à surveiller.
L’erreur humaine, point non négligeable
Même les cybercriminels les plus sophistiqués restent vulnérables à leurs propres erreurs. Derrière chaque infrastructure malveillante, il y a un opérateur, avec ses biais, ses habitudes… et ses faux pas. L’un d’eux, pourtant expérimenté, a par exemple exposé par inadvertance sa session Spotify en partageant un code malveillant, offrant ainsi une piste d’attribution aux enquêteurs. Cet incident rappelle une vérité trop souvent négligée : l’humain demeure la faille exploitable par excellence, et ce, des deux côtés de la barrière. C’est en surveillant ces failles que les équipes de Threat Intelligence peuvent détecter, documenter, et parfois désamorcer des campagnes avant leur activation.
Une cybersécurité fondée sur les menaces réelles
Face à des menaces polymorphes, la défense ne peut plus reposer sur des scores théoriques mais sur l’observation des comportements adverses. Les solutions d’alerte de nouvelle génération exploitent les signaux du Dark web, des forums clandestins et des canaux chiffrés pour identifier les vulnérabilités activement testées, revendues ou exploitées. Croisées avec l’environnement technologique interne, ces informations permettent aux équipes sécurité de prioriser objectivement leurs efforts. Ce basculement met ainsi fin à la dépendance au CVSS, souvent déconnecté du terrain, reconcentrant l’attention sur les failles réellement dangereuses. La cartographie des assets exposés devient alors un levier stratégique : identifier les systèmes critiques, comprendre les chemins d’attaque possibles et déclencher une remédiation ciblée. Résultat : moins de faux positifs, un temps moyen de correction réduit et des ressources allouées là où elles sont nécessaires. Une transformation profonde des opérations de sécurité, qui rapproche enfin la défense de la réalité terrain.
Utilisé de manière structurée et éthique, le Dark web devient un observatoire avancé où se dessinent les tendances, s’expérimentent de nouveaux outils criminels et où se joue une part déterminante de l’avenir de la cybersécurité. S’appuyer sur des menaces réelles plutôt que sur des hypothèses inaugure une nouvelle forme de cyber maturité : il ne s’agit plus seulement de « voir » les vulnérabilités, mais de comprendre leur pertinence, le moment critique où elles doivent être traitées, et le périmètre impacté. Pour les RSSI, l’enjeu n’est pas seulement d’empêcher la prochaine attaque, mais d’anticiper la transformation même du risque. Dans un monde où certaines failles sont exploitées quelques heures seulement après leur divulgation, le renseignement opérationnel devient une condition de survie numérique.