ETI et migration vers des solutions souveraines

De plus en plus d'ETI se tournent vers des solutions souveraines. Un choix pragmatique guidé par trois impératifs : maîtriser les risques, garantir la conformité et contenir les coûts.

Souvent oubliées du débat public, les ETI n’en demeurent pas moins centrales : en 2021, la France en comptait 6 200, représentant 3,5 millions d’emplois et près de 30 % du chiffre d’affaires national. Ces entreprises de taille intermédiaire qu’on appelle parfois les « champions cachés », forment l’ossature de l’économie française : elles innovent, exportent et se battent à l’international tout en restant solidement ancrées dans leur territoire où elles recrutent et fidélisent.

Pourtant, leur quotidien dépasse largement les frontières régionales : douanes, réglementations, géopolitique pèsent fortement sur leurs épaules. Dans ce contexte, le numérique n’est plus un simple outil mais un enjeu stratégique. Depuis quelques années, un mouvement discret mais profond s’amorce : de plus en plus d’ETI se tournent vers des solutions souveraines. Un choix pragmatique guidé par trois impératifs : maîtriser les risques, garantir la conformité et contenir les coûts.

Premier levier : la gestion des risques.

Pour une ETI, dépendre d’un fournisseur étranger, c’est accepter une vulnérabilité bien réelle. Le risque de voir un service suspendu, une API coupée, un tarif imposé unilatéralement… Nombre de dirigeants l’ont déjà vécu. S’y ajoutent les lois extraterritoriales comme le Cloud Act, qui exposent des données sensibles à des conflits hors de contrôle. Or, à l’heure où la continuité de service conditionne la compétitivité, choisir un acteur souverain c’est reprendre la main et transformer la dépendance en maîtrise.

Deuxième levier : la conformité.

Le cadre réglementaire se densifie : RGPD en Europe, normes sectorielles, exigences accrues en cybersécurité. Contrairement aux grands groupes, les ETI n’ont pas d’armées de juristes pour suivre ces évolutions. Pourtant, elles doivent s’y conformer sous peine de sanctions ou de perte de contrats. Miser sur une solution souveraine allège cette charge invisible. Les éditeurs locaux conçoivent leurs produits dès l’origine avec ces contraintes en tête, car ils évoluent dans le même cadre légal que leurs clients. L’ETI gagne donc un double avantage : elle se met en règle plus facilement et elle rassure ses partenaires, eux-mêmes attentifs à la localisation et à la sécurité des données.

Troisième levier : la réduction des coûts.

Contrairement aux idées reçues, le choix souverain n’est pas forcément plus cher. Les grands éditeurs mondiaux pratiquent une tarification complexe, avec licences multiples, modules additionnels, intégrations forcées et hausses régulières décidées loin du terrain. Les coûts cachés finissent par peser lourd dans des budgets informatiques déjà contraints : migrations imposées, fonctions soudain facturées, compatibilités payantes. À l’inverse, les acteurs locaux proposent souvent des grilles tarifaires plus lisibles, adaptées au tissu économique français, avec des coûts de mise en œuvre et de maintenance plus stables et prévisibles. Les économies se jouent moins du prix affiché que dans l’absence de mauvaises surprises.

La souveraineté, prolongement naturel de la culture ETI

À ces trois leviers s’ajoute une dimension plus culturelle. Fidèles à leur ancrage territorial, les ETI privilégient depuis toujours des partenaires de proximité, choisis pour leur fiabilité et leur continuité de service. Pourquoi feraient-elles autrement dans le numérique ? La souveraineté n’est pas un repli, mais l’extension logique de ce réflexe appliqué au digital.

En adoptant des solutions souveraines, les ETI ne se ferment pas à la mondialisation. Elles continuent d’exporter, de croître, de se confronter à des concurrents venus de partout, tout en consolidant leur base, en réduisant l’incertitude et en maîtrisant leurs budgets. Dans un monde instable, ce choix relève moins d’une posture que d’une nécessité vitale. Les ETI, parce qu’elles conjuguent ambition internationale et ancrage local, sont les mieux placées pour comprendre que la souveraineté numérique n’est pas un luxe, mais une condition de compétitivité durable.